« Nous estimons et proclamons que toute solution au conflit du Sahara occidental qui ne prévoit pas un référendum à choix multiple n’en est pas une » (Amar Belani)

Amar Belani à Algeriepatriotique : «Nous sommes habitués aux volte-face compulsives des Marocains»
Algeriepatriotique : Que vous inspire la dernière sortie du secrétaire général du MAE marocain qui, à partir de Londres, a demandé à l’Algérie d’«assumer pleinement ses responsabilités et éviter les faux-semblants concernant la normalisation des relations bilatérales et la question du Sahara» ?
Amar Belani : Certains responsables marocains affectionnent particulièrement les sophismes dont la logique fallacieuse est toujours évidente. Le responsable marocain que vous évoquez devrait, par exemple, se remémorer les propos extrêmement positifs qu’il avait lui-même tenus en février 2013 au terme de sa visite de travail à Alger et qui sont aux antipodes des antiennes éculées et lassantes que le royaume psalmodie depuis le 27 octobre 2013, date du discours d’Abuja. Ce revirement dramatique dans les positions publiquement exprimées par les responsables marocains sur l’avenir des relations bilatérales et sur la promotion du processus d’intégration régionale ne nous étonne guère, habitués que nous sommes à ces volte-face compulsives qui suivent généralement des déconvenues sur la question du Sahara occidental. Ces volte-face, déroutantes pour les non-initiés, sont pourtant la meilleure preuve que la politique des faux-semblants et les postures en trompe-l’œil sont à rechercher de l’autre côté de notre frontière occidentale, où elles sont cultivées avec une rare constance.
Le SG du ministère des AE marocain évoque un nouvel ordre maghrébin et un nouveau paradigme
En guise d’«approche visionnaire et clairvoyante», le secrétaire général du MAE marocain est bien placé pour savoir que ce ne sont pas les concepts creux, du genre «nouvel ordre maghrébin», qui feront avancer les choses. Ce qui est attendu du Maroc, c’est l’expression concrète et constante d’une volonté politique sincère et irréversible pour découpler définitivement la relation bilatérale algéro-marocaine de la question du Sahara occidental qui, en tant que question de décolonisation, continuera à relever des instances onusiennes. C’est cette même attitude responsable et mature qui est attendue des autorités marocaines en ce qui concerne les chicanes artificielles qu’elles utilisent pour entraver le processus de l’intégration maghrébine. Et là, il faut le dire de la manière la plus explicite : si le projet maghrébin se trouve aujourd’hui dans une impasse historique, c’est le Maroc qui en assume seul la responsabilité car nous constatons, malheureusement, qu’à chaque nouvelle crispation ou déconvenue sur la question du Sahara occidental, nos voisins développent instinctivement un réflexe pavlovien qui consiste à prendre en otage aussi bien les relations bilatérales que la dynamique de l’intégration maghrébine. Les exemples édifiants abondent et c’est un constat clinique qu’il est loisible à chacun de faire en toute objectivité. Le changement de paradigme est à ce niveau et à ce niveau seulement et nos voisins le savent fort bien, même s’ils persistent dans cet exercice futile qui consiste à vouloir se donner le beau rôle auprès de certains de leurs partenaires ; ce jeu de rôle dans un contexte de simulation grossière ne trompe plus personne.
De son côté, le ministre des Affaires étrangères marocain vient d’«appeler l’Algérie à s’impliquer sérieusement dans la stabilité, la sécurité et le développement de l’espace maghrébin au lieu d’entretenir le conflit autour du Sahara, soulignant que cette tension n’est pas bénéfique pour la stabilité de la région». Il a souligné que «seule l’intégration maghrébine devient une nécessite et un impératif pour apporter des solutions aux problèmes de la région»…
Le ministre marocain évoque souvent la stabilité de la région, mais en prenant toujours soin de mettre cette question en relation avec la question du Sahara occidental. Ce qui prouve, encore une fois, que c’est toujours la partie marocaine qui prend en otage la problématique de la stabilité et de l’intégration régionales. L’invocation incantatoire de l’intégration maghrébine dans la bouche du ministre laisse dubitatif quand on sait que son pays a pris la responsabilité historique de geler les activités de l’UMA en 1995 et que sur les 37 accords et traités conclus dans le cadre de l’UMA, le Maroc n’en a ratifié que 8 contre 29 pour l’Algérie, 28 pour la Tunisie, 27 pour la Libye et 25 pour la Mauritanie. Voilà la réalité des faits. Tout le reste n’est que vaine rhétorique. «La responsabilité, la vision et le courage» sont donc à souhaiter du côté de nos voisins marocains pour créer une atmosphère positive qui serait propice à une normalisation de nos relations sur une base sincère et de bonne foi et qui ne se fera certainement pas au détriment des aspirations légitimes du peuple du Sahara occidental, comme le rêvent avec une crédulité désarmante certains cercles au Maroc.
Quelles que soient les campagnes stériles et les provocations risibles menées par la MAP comme cette histoire de liens «obscures» (sic) qu’entretiendrait l’Algérie avec des groupes terroristes dans la région du Sahel ou les pantalonnades pitoyables du premier responsable du parti de l’Istiqlal qui, visiblement en manque d’inspiration pour sa coutumière surenchère politicienne, exhorte le gouvernement marocain à inscrire le «Sahara oriental» à la 4e Commission de l’ONU, rien de tout cela ne nous fera changer d’un iota notre position, clairement définie, sur la question du Sahara occidental, à savoir que l’Algérie est un pays voisin qui n’est pas partie prenante dans le conflit du Sahara occidental mais qui a une position constante adossée à la légalité internationale et qui découle de son propre itinéraire historique. Nous estimons et proclamons que toute solution au conflit du Sahara occidental qui ne prévoit pas un référendum à choix multiple n’en est pas une. L’acception singulière que font nos voisins de la notion de «neutralité» n’engage que ceux qui tentent, à coups de crises artificielles et de provocations futiles, nous dénier le droit d’avoir une position de principe, de l’exprimer et de la défendre haut et fort dans les enceintes internationales.
Interview réalisée par M. Aït Amara

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