Dans une pétition publiée par le quotidien algérien El Watan, plus de 450 les intellectuels des deux pays traite le conflit du Sahara Occidental qui oppose le front Polisario et le Maroc de « question régionale »et exhortent les « élites des deux pays » à la « retenue », c’est-à-dire, à garder le silence devant les flagrantes violations des droits de l’homme au Sahara Occidental et à laisser faire le Makhzen.
Voici un excellente commentaire sur la question publiée aujourd’hui dans l’éditorial du Jour d’Algérie sur un appel qui reprend largement les thèses colonialistes du Maroc.
Algérie-Makhzen, l’angélisme d’une pétition
Au-delà de l’angélisme qui caractérise la pétition appelant les gouvernements et… les élites de l’Algérie et du Maroc, il y a certainement, aussi et par défaut, un confortement du colonialisme qui sévit contre le peuple sahraoui. Renvoyer dos à dos les deux pays, au nom de l’unité entre deux peuples, souffre visiblement d’un alignement non avoué sur les thèses du Makhzen. Même si les «deux Etats» sont conjointement appelés à «laisser le traitement de la question régionale du Sahara aux institutions onusiennes spécialisées». Comme si l’Algérie n’avait pas justement cette unique position depuis le début et comme si le palais royal marocain, appuyé par la France et certains pays occidentaux, ne reprochait pas à l’Algérie de ne pas souscrire à la politique du fait accompli. Celle d’accepter l’annexion du territoire sahraoui.
Tout nationalisme béat évacué, il est quand même évident que c’est le Makhzen qui refuse, depuis une douzaine d’années, l’application de la résolution onusienne pour un référendum d’autodétermination au Sahara occidental. Qui refuse, de même, que la Mission des Nations unies pour ce référendum, la Minurso, soit habilitée comme toutes les missions de surveiller la situation des droits de l’homme. Le texte de la pétition fait aussi un appel à la retenue aux «élites des deux pays». Sans préciser le sens et le contenu de cette retenue, quand il s’agit en fait de la libre expression devant le déni de justice et d’humanité qui frappe un peuple, soumis à la pire condition qu’il puisse vivre, celle de subir une occupation d’une brutalité qui s’étale au quotidien. Au vu et au su de l’opinion internationale et des gardiens patentés des droits de l’homme.
Alors, il paraît pour le moins incongru que des «intellectuels», peut-être bien intentionnés, ne tiennent pas compte de la réalité tragique des Sahraouis, principale question de l’heure. Leur pétition aurait gagné en adhésion à dénoncer d’abord ce point d’achoppement en demandant aux instances du droit international, à l’ONU, aux Etats-Unis et à la France, de faire respecter les décisions du Conseil de sécurité. Autrement, la monarchie marocaine ne trouve rien à redire à leur texte et pourrait même le signer, tant il s’adresse surtout à l’Algérie. Il suffirait qu’allusion ne soit pas faite au «caractère autoritaire des gouvernements institués après les indépendances». Et même que le Makhzen pourrait ne pas se sentir concerné, puisqu’il a reçu la bénédiction démocratique de la Maison-Blanche et de l’Union européenne. Se sentant absout des accusations d’autoritarisme. Restera au pouvoir politique algérien à répondre aux sollicitations d’ouverture des frontières et d’abandon de son soutien au Front Polisario. La pétition ne dit pas moins que cela. C’est à cause de cette ambiguïté qu’elle n’a aucune chance de recueillir les faveurs de ceux, parmi les intellectuels, qui ne font pas dans les raccourcis confortables, quand ils n’y verront pas un cadeau diplomatique au colonialiste au petit pied, très peu soucieux des «horizons prometteurs» des deux peuples.
N. R.
Le Jour d’Algérie, 15/12/2013
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