Belaid Abdesselam se penche sur l’unité maghrébine : Aux origines de l’incompréhension

Le conflit du Sahara occidental se taille une bonne part dans le livre. Abdesselam relate la genèse de l’affaire, ses développements, la position de principe de l’Algérie face aux visées expansionnistes marocaines qu’il décrit avec minutie.
Il lève le voile sur beaucoup d’épisodes comme celui de la genèse de l’affaire du Sahara Occidental et des différends frontaliers qui ressurgissent épisodiquement, notamment avec le Maroc.
Celui qui fut longtemps ministre de l’Industrie et de l’Energie et, à ce titre, proche du président Houari Boumediene, dont la stratégie de développement s’appuyait sur ce secteur, livre un témoignage* de première main sur les péripéties de la laborieuse construction d’un Maghreb à ce jour encore englué dans ses limbes.
Celui qui deviendra plus tard chef de gouvernement, avait pris part, de 1966 à 1977, aux réunions du CPCM, organisme alors chargé de mettre en œuvre et de proposer des projets d’intégration économique. Il avait pris part à presque toutes ses sessions. Il évoque à la fois quelques projets qui ont donné un contenu concret à cette aspiration partagée par toute une génération. Il s’appesantit davantage sur les couacs qui ont ralenti la marche de l’unité maghrébine. Il citera notamment les débuts du gazoduc algéro-italien, qui avait pâti de la mauvaise volonté du partenaire tunisien. Il s’agit plutôt de calculs. Tant les Tunisiens aussi bien que les Marocains, qui avaient opté pour le libéralisme, sous couvert de projets communs, voulaient surtout voir s’ouvrir le marché algériens aux sociétés étrangères implantées chez eux. Evoquant une session du Comité maghrébin de coopération tenue en juillet 1970 à Rabat, il se rappelle de l’acharnement de Hedi Nouira, alors ministre tunisien de l’Economie. « Il s’était comporté en commis voyageur de ses maîtres de Paris et des officines européennes de Bruxelles », note à la page 95 Abdesselam, accroché plus que jamais au socialisme et à l’économie dirigée. Il ne manquera pas d’ailleurs de fustiger l’orientation économique qui a eu cours au pays depuis la mort de Boumediene. « Depuis la mort de Boumediene, une véritable conjuration réunissant les néocolonialistes de France et d’Europe, leurs alliés en Tunisie et au Maroc et leurs supporters à l’intérieur de notre propre société, s’est formée pour harceler l’action de notre révolution. Elle a marqué depuis bien des points » (p. 238).
Visées expansionnistes
Bercé en sa qualité de militant du PPA/MTLD depuis la fin des années 1940 par ce rêve d’une unité de trois peuples ayant beaucoup de choses en commun, l’auteur se retrouve au contact de la réalité sans illusion. Remontant le cours de l’histoire, il expliquera que malgré l’apport de l’Algérie dont la révolution a permis aux deux pays voisins de se libérer, les dirigeants du Maroc et de la Tunisie n’ont jamais accepté l’orientation socialiste qui eut cours après l’indépendance de notre pays. L’auteur décoche en se basant sur des souvenirs personnels, des flèches à l’endroit notamment du Président Bourguiba et du roi Hassan 2. Le premier n’a jamais tenu en estime une révolution porteuse d’aspirations sociales. A la volonté d’un régime révolutionnaire, l’auteur oppose des systèmes rétrogrades inféodés aux intérêts étrangers. Pour lui, l’intégration économique qui ne s’appuierait pas sur une harmonisation des options politiques n’est pas viable. « Il est peu réaliste d’imaginer une planification économique unifié entre les systèmes socio-politiques si divergents et parfois opposés dans les autres domaines de la vie des pays qu’ils régissaient » écrit-il (p 81). Le conflit du Sahara occidental se taille une bonne part dans le livre. Abdesselam relate la genèse de l’affaire, ses développements, la position de principe de l’Algérie face aux visées expansionnistes marocaines qu’il décrit avec minutie. Il évoque aussi la mort suspecte de Boumediene, l’affaire d’Amgala, les visées de Bourguiba sur une portion de l’Algérie. Son récit est émaillé de souvenirs sur cette période où, écrit-il, la hantise des pays voisins était la réussite de l’Algérie. Si le contexte du projet maghrébin inabouti a changé, notamment par l’infléchissement de la politique économique, dont Belaid Abdesselam s’est longtemps fait le chantre, il n’en demeure pas moins que le livre a un intérêt historique. Il lève le voile sur beaucoup d’épisodes comme celui de la genèse de l’affaire du Sahara Occidental et des différends frontaliers qui ressurgissent épisodiquement, notamment avec le royaume chérifien. Avec l’UMA, la forme des problèmes a changé mais le fond demeure le même.
R. Hammoudi
(*) « L’unité économique du Maghreb est elle possible ? » Belaid Abdesselam Edition Dar Khettab 260 pages
Horizons, 17/12/2013

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