L’année 2013 aura été au Maroc dominée par la lutte continue de la société civile, notamment celle menée par les différentes associations de défense des droits de l’homme pour le respect des principes universels à travers tous ses aspects: politique, économique, juridique, médiatique, social, etc.
Le combat engagé par ces organisations pour la protection de ses droits et la dénonciation de leur violation, quel qu’en soit l’auteur, a été reconnu et récompensé par l’Organisation des Nations unies, laquelle a attribué, le 10 décembre, le Prix 2013 des droits de l’homme à l’ancienne présidente de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), Mme Khadija Ryadi, qui coordonne un réseau de 23 Organisations non-gouvernementales (ONG).
La lauréate, première femme dans la région du Maghreb et du monde arabe à obtenir ce prix, décerné à de grands militants de cette cause notamment au regretté leader sud-africain Nelson Mandela, a réagi dès l’annonce de cette récompense, en la dédiant, selon la presse, à «tous les détenus politiques» et aux activistes du Mouvement du 20 février qui luttent pour des réformes politiques de fond au Maroc et l’instauration d’une monarchie parlementaire.
2013 aura été l’année durant laquelle les 23 associations composant le Collectif marocain des instances des droits de l’homme ont adopté, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale des droits de l’homme (10 décembre), une version actualisée de la «charte nationale des droits de l’homme», considérée comme un nouveau cadre contractuel intervenant 23 ans après l’annonce du premier document signé par cinq instances, à savoir l’Association des barreaux du Maroc, l’Association des militants des droits de l’homme au Maroc, la Ligue marocaine de défense des droits de l’homme, l’Association marocaine des droits humains et l’Organisation marocaine des droits de l’homme. Selon les initiateurs, la charte «vise à renforcer le rayonnement de la culture des droits de l’homme et à mettre le système de l’éducation et les champs médiatique et culturel au service de la promotion des droits de l’homme» et a également pour objectif «l’institutionnalisation de la solidarité sociale, l’enracinement de la transparence et de la démocratie et la lutte pour la dignité des citoyens, l’égalité entre les sexes et la consolidation des droits des femmes».
Engagées sur tous les fronts où des violations sont signalées
Les membres de ces associations n’ont pas cessé, durant l’année, de manifester et de protester dans la rue, d’organiser des sit-in devant les tribunaux et de saisir les instances politiques et judiciaires dès qu’une violation des droits de l’homme est signalée. Ils ont, ainsi, apporté notamment leur soutien aux marches des diplômés-chômeurs, souvent victimes de violences policières, aux journalistes arrêtés et emprisonnés pour leurs écrits à l’exemple de Ali Anouzla, directeur du journal électronique Lakome (version arabophone) poursuivi, depuis septembre, après que son site ait diffusé une vidéo attribuée à l’organisation terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui appelle au jihad et fustige la monarchie marocaine.
Ali Anouzla, placé en liberté provisoire en octobre, est poursuivi pour «aide matérielle», «apologie du terrorisme» et «incitation à l’exécution d’actes terroristes», sur la base de la loi marocaine anti-terrorisme de mai 2003, laquelle est dénoncée par plusieurs ONG du fait qu’elle constitue, selon eux, «une grave violation de la liberté d’expression du journaliste et de son droit d’informer le public». Dans leurs revendications, les ONG de soutien à Ali Anouzla ont exprimé leur préoccupation par rapport aux arrestations répétées des journalistes et réclamé le respect des textes et pactes internationaux sur la liberté d’opinion et d’expression. Maintes fois reporté, le procès du journaliste est prévu pour le 18 février 2014.
La violence contre les femmes, phénomène très répandu
La cause de la femme a également été portée par la société civile, particulièrement par l’Observatoire marocain des violences faites aux femmes qui milite contre tous types confondus de violence (physique, sexuelle, psychique, économique et juridique), un phénomène très répandu au Maroc. Selon une enquête menée par le Haut commissariat au plan marocain (HCP) entre juin 2009 et janvier 2010, près de 6 millions de femmes âgées de 18 à 64 ans sur 9 millions soit 62,8 % de Marocaines ont subi un acte de violence sous une forme ou une autre.
Pour lutter contre ce phénomène, l’Observatoire marocain a présenté, à l’occasion de la campagne internationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes (du 25 novembre au 10 décembre), plusieurs recommandations appelant notamment à la nécessité de considérer la violence faite aux femmes comme une affaire d’opinion publique et exhortant l’Etat à assumer ses responsabilités par la révision radicale des lois en vigueur pour les mettre en adéquation avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Parmi ces recommandations, l’Observatoire demande notamment la révision de la loi «conformément à une philosophie pénale qui garantisse l’égalité entre les deux sexes», et l’adoption dans les plus brefs délais d’une loi afférente à la lutte contre la violence à l’égard des femmes «qui soit conforme aux normes internationales».
Le respect des droits de l’enfant a été, par ailleurs, l’occasion pour la société civile d’exprimer sa colère dans la rue suite à la grâce royale accordée, fin juillet, à un pédophile récidiviste parmi les 48 prisonniers espagnols. Cette grâce, qui lui avait été retirée quelques jours après, avait entraîné de vives protestations dans plusieurs villes du royaume tandis qu’à Rabat le rassemblement pacifique, organisé début août, avait été violemment réprimé par la police, selon les correspondants de presse. Ayant rejoint l’Espagne, l’homme devra purger le reste de sa peine de 28 ans d’enfermement dans les geôles espagnoles.
A travers ces quelques exemples de lutte pour le respect des droits humains dans le royaume, nombre d’observateurs estiment qu’une mobilisation générale des ONG est à même de réaliser les principes contenus dans la déclaration universelle des droits de l’homme particulièrement en ce qui concerne la détention arbitraire à propos de laquelle le Groupe de travail des Nations-Unies sur la détention arbitraire (GTDA) avait effectué une visite de 10 jours (9-18 décembre) au Maroc.
Le GTDA avait exprimé, à cette occasion, sa préoccupation quant à «l’importance considérable donnée aux aveux dans les procès-verbaux d’enquêtes préliminaires» affirmant avoir été informé par des détenus que «des aveux obtenus sous l’effet de la torture constituent dans la plupart des cas le fondement des condamnations».
S’agissant de la justice militaire, le GTDA avait exprimé sa préoccupation par rapport à «la compétence très large accordée au tribunal militaire permanent, lequel peut juger dans certaines circonstances», réaffirmant que «la compétence du tribunal militaire devrait se limiter uniquement à juger des militaires et pour des délits exclusivement militaires». Il avait, par ailleurs, signalé avoir demandé au gouvernement du Maroc de «procéder sans retard à l’examen de son cadre législatif pénal afin de le mettre en conformité avec les normes internationales des droits de l’homme».
Le Courrier d’Algérie, 03/01/2014
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