Afrique du Nord : entre unité et appétits monarchiques

Les occasions ne manquent pas de parler de cette « Union du Maghreb arabe » qui devait créer en Afrique du Nord un vaste ensemble, où pourrait prospérer des économies jusqu’à ce jour extraverties et sans trop de rapports entre elles. La synergie qui pouvait en naître fait saliver un nombre non négligeable de prospecteurs économiques. La levée des barrières douanières, la libre circulation des biens et des personnes…et des capitaux. L’ouverture d’un continuum qui irait de l’Espagne vers la Libye, sans obstacle aucun. Un rêve…Pour ainsi dire. 
L’unité des peuples en aurait été l’apothéose. Ces peuples que tout unit. La langue, la culture et une histoire multiséculaire depuis l’antiquité. Mais le processus ne fonctionne pas et n’a connu que les vœux pieux et les photos de circonstance, la main dans la main des dirigeants. Un organe qui fait office de lieu de concrétisation, une fiction en fait. Pouvait-il en être autrement ? Et ce avant même la « démocratisation » de la Libye et sa livraison à l’anomie des milices prédatrices. Avant même ce « printemps » qui a tétanisé la région et semé l’attentisme à l’égard des menaces de l’Alliance atlantistes et des péristaltismes populaires. 
Avant cela l’Afrique du Nord pouvait-elle concrètement et objectivement être engagée dans un projet d’union, aussi séduisant puisse-t-il être. Suffisait-il de brandir la fraternité des peuples et leur « communauté de destin » ? Suffisait-il de ces pressions des puissances occidentales déterminées par le souci d’ouvrir les espaces devant leurs marchandises et leurs investissements ? Sur fond de ce projet d’Union pour la Méditerranée, au grand profit d’un remodelage géostratégique de la région. Apparemment non. 
L’Afrique du Nord n’est pas l’Europe et ne possède pas ces leaderships qui ont satellisé les pays autour d’une politique concertée. Quel que soit l’impact que cela a eu en termes de crises au sein de certains pays périphérisés. Nous n’en sommes pas là. Dans la région, il n’y a pas cette capacité de réguler et aucun Etat n’a les moyens de préserver ses acquis, surtout que les disparités de richesse sont criardes et que les ressources naturelles de certains d’entre sont la seule expression économique. Fusionner dans ces conditions c’est plutôt partager la rente que de promouvoir des industries faméliques et compradore pour la plupart. 
Ensuite, sur le plan politique, il y a ce grand paradoxe qui à lui seul ne permet aucun angélisme. L’expansionnisme de la monarchie marocaine ne laisse aucune place aux bonnes intentions, même pas à un voisinage serein et apaisé. On ne peut, à la fois, manifester des convoitises territoriales et démarcher pour l’unité de l’Afrique du Nord. Quand on veut élargir ses propres frontières on ne peut convaincre les autres de les ouvrir. Le principe étant que l’Union du « Maghreb arabe », puisqu’il faut l’appeler ainsi, doit les annuler et inaugurer une dynamique de fusion en un seul et grand territoire, où tous vivraient en harmonie. Le Makhzen le sait bien. Il sait que personne n’est dupe de ses véritables objectifs et que son trône dépend plus de sa capacité à préserver son hégémonie étouffante sur son royaume.
Par Ahmed Halfaoui
Les Débats, 07/01/2014

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