Consommation de drogue : Des stupéfiants, des sociétés et des stratégies de lutte
La consommation de drogue est aussi ancienne que l’humanité. L’opium semble, selon des historiens, être la première substance de cet ordre à avoir été découverte par l’homme, il y a 8000 ans, un peu partout dans le monde. Dans le plus ancien langage écrit connu, le sumérien (3100 avant Jésus-Christ), on trouve un idéogramme présentant une fleur d’opium comme « la plante de la joie ». Néron a, semble-t-il, utilisé un concentré d’opium pour tuer Britannicus et prendre sa place. Par ailleurs, la coca pousse dans les Andes depuis des milliers d’années et on a trouvé des traces de sa consommation il y a plus de 2 000 ans. Depuis, les choses ont évolué et la dépénalisation de la consommation de la drogue gagne du terrain dans le monde.
Ayant commencé d’abord en Europe, la dépénalisation de la consommation de drogue s’étend aux autres continents, touchant de plus en plus de pays. Il est vrai que la taxation de ce produit rapporte gros aux Etats concernés. Sans compter que les prisons seraient moins chargées et leur reviendraient donc moins cher. Les avantages pécuniaires priment donc sur les inconvénients. Ceux-ci ne sont pourtant pas à démontrer. Assiste-t-on à la dépénalisation « lente et sûre » de la drogue à travers le monde ? Les nombreux pays qui ont déclaré la guerre au cannabis, à l’héroïne et autre cocaïne ne sont-ils pas en train de songer à changer complètement de politique afin de tirer profit de la légalisation de cette filière par le biais d’une multitude de taxes ? Si oui, comment expliquer ce retournement idéologique que l’on n’osait même pas imaginer il y a quelques années encore ? Ces questions et d’autres encore méritent vraiment d’être posées à la lumière de ce qui vient de se passer en Uruguay, où le commerce du cannabis a été légalisé pour la première fois au monde, aux Etats-Unis d’Amérique où sa vente est légale depuis le 1er janvier 2014 dans le Colorado et, à un degré moindre, en France où le Sativex, un médicament à base de drogue, a été autorisé récemment. S’il est vrai que des pays d’Amérique du Sud (l’Argentine et le Pérou) et d’Europe (Pays-Bas) ont déjà franchi le pas en autorisant la vente et l’achat de drogues douces mais en petites quantités, ils ne sont pas allés jusqu’à légaliser le commerce du cannabis, comme viennent de le faire l’Uruguay et l’Etat du Colorado. Aussi, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse et plusieurs Etats du Canada et des Etats-Unis d’Amérique autorisent l’usage du cannabis à des fins thérapeutiques depuis quelques années déjà. Mais pas la France qui était, jusqu’à un passé récent, farouchement opposée à l’idée.
UNE GUERRE D’UN AUTRE NOM DECLAREE A L’ALGERIE
Qu’est-ce qui se cache donc derrière ces changements subits de politique ? La réponse est à chercher peut-être du côté de la stratégie de lutte contre la drogue adoptée par un certain nombre de pays. De l’aveu même de l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et de nombreuses personnalités de premier plan, la « guerre à la drogue » telle qu’elle a été pensée et menée depuis une quarantaine d’années n’a pas eu les résultats escomptés. Pire encore, « elle fut un échec cuisant », comme en témoigne l’augmentation significative du trafic de stupéfiants à travers le monde, ces dernières années. A partir de ce constat, il a été préconisé la mise en place d’une nouvelle politique à même de permettre le contrôle de la filière dans un premier temps et assurer une lutte plus efficace dans une seconde phase. L’autre raison à l’origine du triomphe de l’idée de dépénalisation se trouverait dans l’importante manne financière qu’assurerait la légalisation du commerce du cannabis. Une manne qui ne laisse pas de marbre beaucoup de pays, particulièrement en cette période de crise. Ne dit-on pas que l’argent n’a pas d’odeur ? Le voisin de l’Ouest, le royaume du Maroc de sa majesté Mohammed VI, n’a jamais admis la fermeture des frontières terrestres entre les deux pays. Face à un niet catégorique d’Alger quant à leur réouverture « pour des raisons bien connues de tous », le royaume s’est engagé dans une guerre d’un autre nom : le pays voisin semble déterminé, politiquement et stratégiquement, à inonder l’Algérie de drogue. Un véritable tsunami de cannabis est en train de frapper nos frontières ouest et sud-ouest, auquel fait face un dispositif sécuritaire renforcé sur les tracés frontaliers. En l’inondant de kif, le royaume chérifien veut détruire le tissu de la société algérienne et en pompant son carburant, c’est son économie qui est visée. Pour les observateurs, cette attitude marocaine se veut une réponse à deux positions algériennes : la fermeture des frontières et la question du Sahara occidental. Plus de 200 tonnes de stupéfiants ont été saisies par les services de sécurité en 2013, tandis que près de 500 réseaux de trafic ont été démantelés durant la même période, dont 50 internationaux, et alors que plus de 50 barons de la drogue ont été arrêtés lors d’opérations menées sur la base de renseignements minutieusement recueillis. Du jamais vu ! Les grosses quantités saisies, qui sont presque quotidiennement communiquées par les services de sécurité, suite aux interceptions de convois des narcotrafiquants, parlent d’elles-mêmes quant à cette montée vertigineuse du trafic de drogue en Algérie. Les tonnes de kif traité saisies par les services de sécurité constituent un record. Un record jamais atteint depuis l’indépendance de l’Algérie, en 1962. En 2012, 170 tonnes de résine de cannabis avaient été saisies par les forces de sécurité algériennes. Période qui a coïncidé avec le record depuis 1962. Le Maroc, ce premier producteur de cannabis dans le monde, selon l’ONU, avec une moyenne annuelle de 53 000 tonnes, semble déterminé à « noyer » l’Algérie de drogue. Les répercussions de cette politique de « guerre » marocaine contre l’Algérie sont déjà perceptibles. D’un côté, la criminalité en Algérie a brusquement augmenté, notamment dans les milieux urbains, et même dans le sud du pays, pourtant réputé être une zone depuis longtemps quasi totalement épargnée par les crimes. Aujourd’hui, de jeunes consommateurs de kif n’hésitent pas à porter des armes blanches et à asséner des coups mortels à leurs victimes, alors que d’autres, sous l’effet de la drogue aussi, kidnappent des enfants avant de les violer et les assassiner. Ces formes nouvelles de la criminalité ont choqué les Algériens. Pour s’adapter à cette nouvelle carte de la criminalité, les services de sécurité ont opté pour une nouvelle approche en matière de lutte contre les réseaux de trafic de drogue.
QUAND TERRORISME RIME AVEC TRAFIC DE DROGUE
Comme déjà souligné sur ces mêmes colonnes en août 1013, plusieurs experts, y compris ceux des Nations unies, ont souvent souligné dans des rapports publiés périodiquement que le Maroc, avec sa production annuelle de 38 000 tonnes d’herbe de cannabis, représente la source du mal de toute la région maghrébine. C’est dans ce pays qu’est située la plus grande surface des champs de culture de cannabis au monde, soit 47 500 hectares, contre 12 000 ha en Afghanistan et au Mexique, qui complètent le podium, selon le dernier rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) publié récemment. La sonnette d’alarme est tirée, d’autant que le lien entre trafic de drogue et terrorisme est souvent mis en évidence. Pendant longtemps, la région du Sahel était essentiellement concernée et affectée par le trafic et la contrebande de cannabis, principalement cultivé au Maroc. Cependant, depuis le début du XXIe siècle, la partie nord-ouest de l’Afrique est devenue un carrefour de trafic de drogues de toutes sortes, de crime organisé et de terrorisme. Aussi, la prépondérance et le lien entre crime organisé et terrorisme a aujourd’hui des répercussions négatives et inquiétantes sur la santé des populations locales, ainsi que sur la stabilité, la sécurité et le développement des pays concernés, particulièrement l’Algérie. Ce trafic de drogue est, par ailleurs, aggravé par les liens tissés entre les narcotrafiquants et les groupes terroristes présents au Sahel, tels qu’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Ansar Dine, Boko Haram, le Mouvement d’unité pour le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Trafics d’armes, de drogues et blanchiment d’argent sont devenus monnaie courante entre tous ces groupes. « La drogue en provenance du Maroc alimente les groupes terroristes en Tunisie et dans les pays du Sahel et l’Algérie détient des preuves irréfutables de ces filières et la connexion entre les narcotrafiquants, les terroristes et les trafiquants d’armes », avait affirmé Abdelmalek Sellal lors de son regroupement avec la société civile en marge de la visite qu’il a effectuée dans la wilaya de Tlemcen. « La drogue (cannabis) en provenance du Maroc est une menace pour la paix et la stabilité de la région et finance le crime organisé et le terrorisme. L’afflux de ces toxines dans toutes les régions est devenu une grave menace pour les peuples de la région, menaçant la destruction des jeunes et hypothéquant leur avenir », avait déploré le président sahraoui Mohamed Abdelaziz à l’ouverture des travaux de la 4e Conférence internationale sur « le droit des peuples à la résistance : le cas du peuple du Sahara occidental » qui s’était tenue, pour rappel, à Alger, en décembre 2013.
LA CONSOMMATION DE DROGUE : UNE REALITE A L’ECOLE ALGERIENNE
« L’école se situe au cœur de la société et, par voie de conséquence, elle n’est pas à l’abri des phénomènes qui traversent la société. » Mais « la victime, ici, est une population très vulnérable sur le plan psychologique : les enfants et les jeunes en milieu scolaire », écrit le Conseil des lycées d’Algérie (CLA) dans une longue enquête dédiée à ce phénomène dans le milieu scolaire. Que faut-il, alors, faire pour mettre les élèves à l’abri de ce poison ? Le CLA pense que « toute campagne de sensibilisation, si elle est menée à bien, ne peut être que bénéfique ». Une circulaire doit être en voie de préparation pour alerter les parents d’élèves sur le danger. Parfait. Seulement voilà,« la sensibilisation n’est pas suffisante », soutient-on. Pour Bachir Hakem, coordinateur du CLA à Oran et enseignant des mathématiques au lycée Lotfi de la même ville, « une mobilisation tous azimuts s’impose pour sauver les meubles (de nos écoles) ». Ou ce qui en reste. Le CLA insiste sur l’implication de toutes les parties concernées par l’affaire : familles, élèves eux-mêmes, acteurs pédagogiques et administratifs, élus et autorités publiques. « Il faut traiter le mal à la racine», estime le CLA. Et ce traitement tant souhaité « passe nécessairement par trouver des réponses à un festival de questions lancinantes», selon le même enseignant : pourquoi de plus en plus d’élèves s’adonnent, aujourd’hui, à la drogue ? Le recours à la drogue est-il lié au désespoir que suscite la faillite du système éducatif lui-même ? L’inquiétude quant à l’efficacité déficiente de ce système et ses retombées négatives sur la possibilité d’emploi y sont-elles pour quelque chose ? Le contenu pédagogique dispensé actuellement contribue-t-il réellement à forger un esprit sauf et autrement vacciné contre la délinquance qui guette nos écoles ? La détérioration des conditions sociales en général n’a-t-elle pas une part de responsabilité dans le dérapage ambiant ? Beaucoup de questions qui se bousculent dans la tête restent en suspens.
Une chose, cela étant, est sûre et certaine : la propagation galopante de la drogue dans nos écoles est à interpréter à la lumière de la faillite du système éducatif national en entier. Car, au-delà de la drogue, d’autres fléaux viennent assombrir davantage le tableau. Le fléau de la prostitution qui prospère à la porte de nos écoles vient rajouter à la crise des valeurs que connaît notre école. Pour mesurer comme il se doit l’ampleur du problème, une enquête très sérieuse a été réalisée en milieu scolaire basée sur un questionnaire centré sur les usages, attitudes et opinions relatifs aux substances psycho-actives chez les jeunes élèves algériens en milieu scolaire, plus particulièrement ceux âgés de 15 à 17 ans.
Une enquête a été élaborée par le CLA. Les résultats sont sans appel. Cette enquête démontre ainsi que 15,6% des élèves interrogés ont déclaré avoir pris du cannabis à un moment ou un autre sans lendemains, dont 8,4% des élèves ont consommé du cannabis occasionnellement durant 12 mois, tandis que 8,2% de l’échantillon total l’ont consommé plus régulièrement. La prédominance du sexe masculin est significative et les chiffres de prévalences augmentent
avec l’âge des élèves. p
La fréquence d’utilisation des psychotropes chez les élèves de 15-17 ans relève que jusqu’à 29% des consommateurs de psychotropes durant les 30 derniers jours en ont pris plus de 5 jours. La majorité des usagers restent des expérimentateurs. Avec une prévalence de 8% sur la vie entière (5,9% chez les garçons et 4,6% chez les filles). Les taux de prévalence concernant les psychotropes ne sont pas influencés par le sexe de l’élève. Concernant la cocaïne, 7,5% des élèves interrogés ont déclaré avoir consommé de la cocaïne durant la vie.
Mariem Ali Marina
Reporters.dz, 28/01/
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