Le Makhzen sait le rôle important qu’il joue dans le dispositif néocolonialiste français et le besoin qu’a l’Elysée de disposer d’un pied à terre en Afrique du nord et d’une porte d’entrée sur l’Afrique. Il sait aussi que la stabilité du trône depend du soutien français, notamment dans l’affaire du Sahara occidental.
par Ahmed Dalfaoui
Depuis quelques jours, il est question d’une supposée crise diplomatique entre la France et le palais royal marocain. Du moins, c’est ce que la presse des deux pays, semble vouloir faire accroire. L’origine des choses a été le fait qu’une magistrate, Sophie Kheris, qui ne faisait que son travail, a dépêché, le 20 février dernier, des policies pour interpeller un officiel marocain, au siège de l’ambassade de son pays en France. Elle avait été alertée de sa présence, étant donné qu’elle instruisait des plaintes à son encontre. Le monsieur était venu se réunir avec des homologues français, portugais et espagnols, autour de questions de sécurité. Tiens… ! Toujours est-il que cela n’a pas du tout plu au Makhzen. On sait que François Hollande, le president français, a appelé le monarque marocain, sans lui donner les « explications » qu’il faut et pour on ne sait donc pas quel conciliabule. Ce qui a fait que Mohamed VI a donné l’ordre de sortir le grand jeu, au point d’organiser une manifestation de plusieurs milliers de personnes devant l’ambassade de France à Rabat. Fait qui a eu pour réaction française de faire en sorte que trois ministres français, Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls et Laurent Fabius, appellant leurs homologues marocains, Abdelilah Benkirane, Mohamed Hassad et Salaheddine Mezouar. Là aussi on ne sait pas ce qu’ils ont bien pu se raconter, sachant au moins une réalité, c’est que jusqu’à prevue du contraire en France, la justice n’obéit qu’à ellemême.
C’est ce qu’ont pu dire les Français aux vizirs de sa majesté. Ces derniers vont réagir comme ils le peuvent… Ils vont interdire de visite au Maroc Nicolas Hulot, l’écologiste, qui doit se demander en quoi il peut être concerné, ignorant qu’il est de la culture makhzénienne. Par dépit et ne pouvant mieux, ils vont aussi suspendre les accords de cooperation judiciaire en expliquant la mesure par un communiqué dont voici la teneur : « Puisque les Français nous indiquent que le problème ne concerne que leur justice et que leur justice est indépendante, bref qu’ils n’y peuvent rien et que cela risque de se reproduire, notre riposte se situe donc sur le terrain judiciaire ».
Et les relations partent en vrille. Certains médias sautent sur le filon, propice à l’audimat, et des «mots» qui font mal fusent. Le malaise est patent chez les officiels français qui n’ont pas le pouvoir d’un monarque absolu sur leur pays. D’autant, qu’euxmêmes, n’ont que du mépris vis-à-vis de lui. Preuve en est donnée, à ce propos, par une petite phrase qu’aurait prononcée, en 2011, l’ambassadeur de France auprès de l’ONU, Gérard Araud : « Le Maroc est une maîtresse avec laquelle on dort tous les soirs, dont on n’est pas particulièrement amoureux, mais qu’on doit défendre ». Une phrase qui exprime à la perfection les relations entre deux partenaires interdépendants. Le Makhzen sait le rôle important qu’il joue dans le dispositif néocolonialiste français et le besoin qu’a l’Elysée de disposer d’un pied à terre en Afrique du nord et d’une porte d’entrée sur l’Afrique. Il sait aussi que la stabilité du trône depend du soutien français, notamment dans l’affaire du Sahara occidental. La France sait que le Makhzen est un supplétif précieux, y compris sur le plan économique. Lui qui a saigné son trésor public pour offrir à l’industrie française le juteux marché du TGV Tanger-Marrakech…au détriment d’autres projets infiniment plus utiles et plus pressants. Parions donc que la « crise » actuelle n’est qu’une scène de ménage sans lendemain.
Les Débats, 08/03/2014
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