Dans le cadre de la 36ème édition du Cinéma du réel organisé par la bibliothèque du Centre Pompidou-Beaubourg, à Paris, Laëtitia Tura et Hélène Crouzillat ont présenté leur documentaire « Les messagers », un film qui retrace aussi les va-et-vient entre l’Afrique subsaharienne et le Maroc dans leur requête de regagner l’Europe.
Les migrants, au péril de leur vie, traversant l’Afrique, en bus, en camion, mais souvent à pied, se retrouvent ensuite piégés au Maroc, avant de tenter le passage : franchir la frontière de barbelés qui serpentent sur des kilomètres pour entrer dans l’enclave espagnole. Ou alors s’embarquer sur des rafiots de fortune pour gagner la côte ibérique. Quelques chanceux y accosteront mais, pour la plupart, c’est un voyage sans retour. Leurs embarcations délabrées et surchargées sombrent dans la Méditerranée.
Ce qui obsède les deux réalisatrices, ce sont les corps naufragés. Que deviennent-ils? Elles interrogent les douaniers espagnols qui recueillent certains cadavres anonymes, des pêcheurs marocains qui en ramènent aussi parfois dans leurs filets, un prêtre français au Maroc qui note, quand il le peut, l’origine des défunts dans le registre paroissial. L’horreur est racontée par des survivants qui évoquent leurs compagnons de route malchanceux tués par balles, à leurs côtés, par les carabiniers ou rejetés à la mer après qu’on eut détruit leur gilet de sauvetage !
Comble du cynisme, certains bateaux lancent des cordes auxquels, bien sûr, s’agripperont des survivants, en dérive, avant que des marins ne les coupent, laissant ainsi plonger au fond de la mer en furie ces malheureux candidats à l’émigration. Ces corps sans vie et martyrisés hanteront la mémoire des survivants. La parole des «messagers», recueillie avec beaucoup de pudeur par Lætitia Tura et Hélène Crouzillat, leur redonne une sorte de sépulture digne de tout être humain.
Les témoignages sobres et poignants alternent avec le discours froid et détaché d’un chef de la garde civile espagnole qui explique le fonctionnement de la barrière high-tech, « pas nocive envers les migrants », posée par les Espagnols. Le film, fort et humaniste, soulève notre indignation devant la complicité d’un pays africain, le Maroc, qui a fait de son territoire, une prison pour les subsahariens. Ils y sont malmenés par la police, la gendarmerie et même une population qui est devenue raciste à cause de la réaction des autorités marocaines contre les malheureux africains. Une situation maintes fois dénoncée par les plus grandes ONG internationales des droits de l’homme.
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