Le soutien de la France au Maroc dans le dossier du Sahara occidental, la présence aussi dans ce pays voisin d’opérateurs économiques français de première importance ne sont pas toujours bien compris en Algérie.
Pendant des années, la relation politique Alger-Paris a tangué entre le bon et le mauvais. Prisonnière de l’Histoire, mais pas seulement, elle a surtout été ponctuée, voire chahutée par les difficultés typiques que rencontre une ancienne puissance occupante à un Etat qui s’en est débarrassée.
Les exemples dans ce domaine sont nombreux dans le monde et il n’y a qu’à suivre l’évolution de l’actualité sino-japonaise, pourtant si différente, pour se rendre compte qu’il n’est pas facile pour deux pays et deux nations qui ont en commun un contentieux historique et mémoriel de bien réguler leurs relations.
Dans d’autres domaines, ce sont les choix stratégiques de Paris en matière de priorité d’investissement économique et en géopolitique qui ont souvent et continuent d’être-des points de discorde avec l’Algérie. Le soutien de la France au Maroc dans le dossier du Sahara occidental, la présence aussi dans ce pays voisin d’opérateurs économiques français de première importance ne sont pas toujours bien compris en Algérie.
Et c’est sans doute en raison du poids du passé et des contraintes du présent que l’Algérie et la France tentent depuis une dizaine d’années d’avoir de nouvelles relations «pragmatiques» et «réalistes», dira un observateur français de passage à Alger, il y a quelques mois. Sur ce point, il y a au moins un paradoxe à relever. Dans les années 1999-2003, Alger et Paris, Paris surtout, affichaient les concepts et les slogans les plus ambitieux pour exprimer leur volonté d’apaiser leur relation et de la réguler en fonction de leurs intérêts partagés et réciproques : le plus célèbre est celui de «refondation» sorti des bureaux chargés de l’Afrique du Nord au Quai d’Orsay et inspiré par un certain Michel Foucher. La logique aurait voulu que cette «refondation» débouche sur la signature d’un «traité d’amitié» entre les deux pays. Il n’en fut rien pourtant et le vote d’une certaine loi du 23 février 2005 sur les bienfaits de la colonisation a enterré le traité. Dix ans après, il n’y a plus ni concepts ni grands mots pour caractériser la relation algéro-française ou l’inverse, peu importe. Sur le terrain, en revanche, jamais cette relation n’a paru aussi bien et aussi vite avancer que par le passé. La raison est que plus de cinquante ans sont passés depuis que l’Algérie est indépendante, que les générations de cette époque sont en train de disparaitre et que le « passé qui ne passe pas » finit quand même par passer sous le poids des réalités.
L’une des plus redoutables tient en deux mots : le voisinage algérien et l’existence à ses frontières de pays « frères » en difficulté et dans le besoin d’un secours et d’un soutien français. Le terrorisme, aussi, et l’apparition dans ces pays et la sous-région maghrébo-sahélienne de nouvelles menaces tant pour nos intérêts que pour ceux, importants, de Paris.
L’apparition de groupes armés islamiques (GAT) dans le Sahel oblige aujourd’hui Paris à faire appel à l’Algérie pour sa proximité et sa connaissance de la région et pour ses capacités militaires et de renseignement. Elle oblige Alger à coopérer et échanger avec Paris pour sa puissance militaire – l’opération Serval a été un succès salué par les grands Etats-majors dans le monde, américain compris – et l’influence indiscutable qu’elle a dans le Sahel en particulier et en Afrique en général. Sur ce point, ce qu’a dit le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, à propos d’un front antiterroriste commun n’est pas que des mots à servir aux médias. Il s’agit bien d’une nouvelle ère amorcée par un accord de Défense signé en février dernier et d’une vision commune et «convenue» entre les parties algérienne et française. «Nous avons évoqué la situation sécuritaire dans l’ensemble de la sous-région convenant ensemble que nous avons un ennemi commun qui était le terrorisme et qu’il fallait tout mettre en œuvre pour l’éradiquer là où il se trouvait », a déclaré M. Le Drian, à l’issue de l’audience que lui a accordée le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. La preuve est aussi bien au Nord-Mali comme en Libye.
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