Par Mohamed Abdoun
Observateurs, sources diplomatiques, acteurs situés aux premières lignes des tractations et des enjeux en cours, tout ce beau monde s’accorde à dire que la récente visite à Alger du chef de la diplomatie française, laquelle avait coïncidé avec la présence sur notre territoire de représentants de groupes armés maliens (touaregs), a été le déclic salvateur ayant poussé la France à admettre ses erreurs commises en Libye d’abord, et au Mali ensuite, contre l’avis de notre diplomatie.
Cette reconnaissance, on s’en doute bien, est accompagnée du retour en force de notre pays en tant qu’acteur principal et incontournable dans le règlement des crises régionales, ce qui disqualifie de facto le Maroc, ce royaume où la culture de la drogue et la contrebande font loi, et dont les services secrets sont allés jusqu’à commanditer la création d’un groupe terroriste armé, le MUJAO (mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’ouest), dont la mission principale, sinon la seule, est de porter atteinte à nos intérêts.
Le MUJAO, en effet, a été derrière les deux attentats à la bombe qui avaient visé les brigades de gendarmerie de Ouargla et Tamanrasset, l’enlèvement de nos de nos diplomates à Gao, dans le nord du Mali et celui des travailleurs humanitaires européens dans le camp de réfugiés de Rabouni. Le chef spirituel de ce groupe, Ould Kheiro, avait en outre été libéré par Bamako sur demande instante de la France en contrepartie de celle de son agent secret Pierre Camatte, ce qui avait amené Alger et Nouakchott à réagir avec une extrême vigueur en rappelant leurs ambassadeurs respectifs à Bamako » pour consultation « .
Entre enjeux et perspectives…
Depuis l’élection du président IBK (Ibrahim Boubacar Keïta) à la tête de l’Etat malien, le processus de dialogue est au point mort. Face à l’ambiguïté de Bamako, qui a jusque-là obéi aux injonctions de la France, et la pluralité des acteurs dans la crise malienne, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a tranché à Alger où il effectuait depuis le dimanche 8 juin, une visite officielle de deux jours, centrée sur la sécurité au Sahel: » Le dialogue au Mali passe par trois canaux : la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le représentant spécial, IBK, et un canal, l’Algérie, dont l’efficacité est reconnue par les uns et les autres « , a-t-il déclaré en conférence de presse.
A côté de la CEDEAO dont la mise à l’écart par Bamako n’était plus qu’un secret de polichinelle, et de l’Algérie, traditionnellement dans la crise du nord du Mali, le Maroc était arrivé dans le dossier, depuis les réserves à peine voilées des nouvelles autorités maliennes sur l’accord préliminaire de Ouagadougou. Ainsi, tout en (re)faisant la cour à Alger, pour l’appeler à se ressaisir de l’épineux dossier de la crise malienne (en revenant en force dans le dossier), la France a-t-elle voulu dire au Mali de compter en outre avec la médiation sous-régionale de la CEDEAO dont le médiateur n’est autre que le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré.
Le Maroc, quant à lui, est définitivement mis hors course. La tournée de Mohamed VI dans la région aura donc été effectuée pour rien. Il en va tout autrement, en revanche, de celle de notre chef de la diplomatie, Ramtane Lamamra. Il n’en demeure pas moins que la situation demeure particulièrement tendue et que de nouveaux rebondissements ne sont pas à exclure. L’on apprend par exemple qu’après le sommet de Paris, qui avait regroupé cinq chefs d’Etat africains directement impliqués dans la lutte contre les groupes terroristes du MUJAO, de l’AQMI, des Shebab et de la très dangereuse et très puissante secte Boko Haram, un second sommet serait prévu dans les prochains jours à Londres. Si les observateurs n’en voient pas du tout l’utilité, ils se demandent seulement si l’Occident ne voit pas d’un mauvais œil le retour en force (mais forcé), du désormais plus grand pays d’Afrique aux devant de la scène diplomatique et géostratégique, au moment où l’Egypte et le Niger sombrent dans le chaos, ce qui le place en pôle position (après l’Afrique du sud peut-être) pour arracher un siège de membre permanent au Conseil de sécurité, une fois que la réforme de l’ONU aura été finalisée et adoptée par les Etats membres…
M. A.
http://www.tribunelecteurs.com/fichier/11_6_2014/alger.html
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