En visite au Maroc les 19 et 20 mai dernier, le Commissaire chargé de la politique européenne de voisinage et de l’élargissement, Stefan Füle a vu un peu tout le monde parmi les officiels du Makhzen et écouté leurs «chikayate», plaintes typiquement marocaines, tout en subissant ce qui ressemble plus à des pleurnicheries qu’à de véritables critiques sur ce qui ne plaît pas au royaume dans ses relations avec l’Union européenne.
Selon certaines indiscrétions, tous les interlocuteurs du commissaire Füle – du chef du gouvernement jusqu’aux présidents des deux chambres du Parlement en passant par le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’Economie et des Finances, des conseillers du roi et des représentants de la société civile – ont voulu lui faire comprendre que le Maroc n’a pas digéré la décision de l’UE de modifier les prix d’entrée des fruits et légumes marocains aux marchés européens.
Le Maroc a beau être membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), depuis janvier 1995, et avoir signé un accord d’association avec l’UE, cela n’empêche pas ses partenaires européens de décider en fonction de leurs intérêts sans tenir compte de l’impact sur l’économie marocaine de la baisse des prix de ses fruits et légumes à l’entrée du marché européen. Le pire dans cette relation qui n’a rien de «gagnant-gagnant», c’est que le Maroc n’a pas du tout été consulté par son partenaire européen avant cette prise de décision qui le concerne pourtant directement.
Les responsables marocains n’ont pas compris une telle attitude qu’ils ont sans doute perçue comme une forme de mépris et ils l’ont fait gentiment remarquer au commissaire Füle qui, à son tour, a tout fait pour rassurer ses interlocuteurs sur l’espoir de trouver une solution. En réalité, le Maroc est trop engagé dans la voie de la dépendance, particulièrement avec l’UE, et ne peut pas changer sa politique agricole tournée presque totalement vers l’exportation, notamment pour la tomate. Alors, le Makhzen s’accroche aux promesses du commissaire Füle quant à une solution qui serait satisfaisante pour les deux parties et aux mécanismes de coordination à mettre en place pour prévenir de telles difficultés à l’avenir.
Le Maroc persiste à vouloir être le bon élève maghrébin dans les relations avec l’UE et il en donne pour preuve la mise en œuvre de ses recommandations à travers le programme de réformes. Mais personne ne peut nier que ces relations ont du plomb dans l’aile.
Dans la société marocaine, chez les observateurs qui ne sont pas dupes, c’est le sentiment d’avoir été trahis qui domine. L’écrivain Tahar Bendjelloun a bien traduit cette frustration dans sa supplique à Hollande quand il lui a parlé, sur un mode terre à terre, de tomates, d’oranges, de pêches…
Kamel Moulfi
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