Le Maroc insulte de nouveau l’Algérie
Souvent, l’escalade dans les propos ou dans les réactions marocaines frôle l’irréparable, n’était la retenue particulièrement zen des autorités d’Alger qui refusent la diversion marocaine s’acharnant à vouloir transformer son contentieux de type colonial en un conflit bilatéral avec l’Algérie. En ce sens, les propos du MAE marocain trahissent encore une fois le jeu de Rabat.
C’est à croire que les officiels marocains choisissent les dates symboliques commémorant la glorieuse guerre de Libération pour relancer leur campagne régulière de provocations ciblant l’Algérie. Après l’épisode de l’offense à l’emblème national sur les toits de la représentation consulaire algérienne à Casablanca un premier novembre, voilà que c’est un ministre de sa Majesté qui commet un «nouvel acte isolé» pour agresser verbalement Alger, au lendemain de la fête nationale du 5 juillet. Cause du courroux de son excellence Salaheddine Mezouar, ministre marocain des affaires étrangères : la désignation par l’Union Africaine d’un envoyé spécial au Sahara occidental. Rabat accusant l’Algérie d’avoir œuvré «par une méthode minable» à cette nouvelle mesure de l’UA en faveur de la défense des droits des Sahraouis.
Contre l’organisation «tam-tam»
Pourtant, la position ferme du concert des pays africains unitairement mobilisés pour le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui ne date pas d’hier. On se souvient que le Maroc a dû quitter l’OUA en 1984 parce que ladite structure transnationale avait clairement énoncé sa reconnaissance de la République arabe sahraouie, la RASD, en lutte pour son indépendance, en l’accueillant dans ses rangs comme 51e membre. Depuis, le royaume chérifien mène une guerre larvée contre l’organisation panafricaine en tentant, par sa pratique affûtée du lobbying, de saboter toute initiative visant à l’émancipation du Sahara occidental actuellement sous occupation marocaine.
Nos aînés se souviennent de l’aversion que le roi Hassen II manifestait à l’endroit de l’OUA qu’il qualifiait amèrement d’ «organisation tam-tam» ; avec une bonne dose de mépris raciste envers l’ensemble des pays jaloux des principes fondateurs de l’Union continentale, tels le respect de l’intangibilité des frontières et la solidarité pour la décolonisation totale en Afrique.
Lobbying en vain
Cela fait donc trois décennies que le Maroc tente d’inverser la tendance au sein de l’UA, comptant sur l’usure du mouvement anticolonial, en investissant dans des entreprises de pression sur certains de ses partenaires africains grâce à une complicité plus ou moins discrète de la France, acquise au plan d’autonomie inventé par le royaume alaouite pour perpétuer son occupation illégale du territoire sahraoui. Ainsi, on a entendu récemment le Gabon s’essayer à remettre en cause le soutien de l’UA à la cause sahraouie en plaidant pour le retour du Maroc au sein de la famille panafricaine. Le retour du Maroc devait passer par l’exclusion de la RASD. Une tentative qui en est restée au niveau des coulisses tant l’écrasante majorité des locataires d’Addis-Abéba sont résolument pour la défense du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, dans le cadre de la légalité internationale.
Or, tout comme l’Afrique du Sud, l’Algérie ne cache pas son attachement à cette position de principe. Hébergeant depuis près de quarante ans des camps de réfugiés sahraouis, dénonçant les atrocités commises par les autorités marocaines sur les populations civiles des territoires occupés et plaidant pour l’élargissement des prérogatives de la MINURSO à la surveillance du respect des droits de l’homme, le voisin algérien est devenu pour le makhzen la bête noire à abattre.
Déclarations irresponsables
On comprend donc ce cycle malheureux de provocations, gorgé d’invectives, de déclarations irresponsables, de gestes déplacés, une tension unilatérale caractérisée par la surenchère belliqueuse en contradiction avec l’amitié, voire la fraternité naturelles qui ont toujours dominé les relations entre les deux peuples.
Souvent, l’escalade dans les propos ou dans les réactions marocaines frôle l’irréparable, n’était la retenue particulièrement zen des autorités l’Alger qui refusent la diversion marocaine s’acharnant à vouloir transformer son contentieux de type colonial en un conflit bilatéral avec l’Algérie. En ce sens, les propos du MAE marocain trahissent encore une fois le jeu de Rabat : «Notre conflit aujourd’hui n’est pas avec le Polisario mais avec l’Algérie.» Une déclaration mensongère à laquelle devrait répondre l’UA, qui adopte ses résolutions par des mécanismes excluant le rôle que le Maroc voudrait prêter à l’Algérie. Pour rappel, c’est à l’issue du 23e sommet de l’UA qui s’est tenu à Malabo, en Guinée Equatoriale les 26 et 27 juin dernier, que la décision d’affecter un envoyé spécial pour le Sahara Occidental a été entérinée.
C’est à l’ex-président du Mozambique, Joaquim Chissano, qu’a été dévolue cette mission délicate aussitôt contestée par le Maroc.
Le MAE marocain avait d’abord pointé du doigt un «antimarocanisme primaire» en ajoutant que «le différend régional au sujet du Sahara marocain est du ressort exclusif de l’ONU.» Pour finalement s’en prendre à l’Algérie. Tactique de défense ridicule et irresponsable à laquelle Alger répondra certainement avec le tact diplomatique habituel. Sans incidence aucune sur le processus irrémédiable vers l’autodétermination du peuple sahraoui.
Le Jeune Indépendant, 11/07/2014
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