Enlevée et séquestrée par les autorités marocaines

Délit d’amitié avec les Sahraouis
13 août 2014 par Michèle Decaster Répression
Après quelques heures de repos je poste sur le site de l’AFASPA le récit des sévices que j’ai subis de la part des autorités marocaines à l’aéroport d’El Ayoun, capitale du Sahara occidental, occupé illégalement par le royaume du Maroc depuis novembre 1975, date de l’agression militaire.
J’étais venue passer trois semaine chez des amis sahraouis. Je suis arrivée à El Ayoun le mercredi 6 août à 18h50 via Casablanca. A ma descente de l’avion, en arrivant à la porte de l’aéroport j’ai vu un homme en civil me filmer. J’ai pensé : « déjà », étant habituée à être photographiée, filmée, écoutée et suivie dès que je mets les pieds au Sahara occidental ou à Guelmim et Tan Tan dès que je rencontre les résistants sahraouis. Cette situation je l’ai connue en 2002, 2008, 2010, 2012 et 2013 La suite pourtant m’a surprise.
Un homme en civil s’est saisi de mon passeport sans se présenter et a disparu plus d’une demi heure. A son retour il m’a dit que je devais repartir par l’avion qui m’avait amenée car « indésirable ». Je lui ai fait remarquer que ce n’est pas un terme juridique et que cela ne suffit pas à me contraindre à partir. J’ai exigé d’être présentée à une autorité judiciaire.
Leurs demandes conciliantes, m’invitant à « être raisonnable » ont bien vite été suivies d’intimidations verbales et physiques. Après s’être saisis de mon sac de voyage, un policier a tenté de m’arracher mon bagage à main. Il m’a tordu le bras pour y parvenir. Ensuite ils m’ont poussée et tirée par les bras. Je me suis retrouvée au sol, ils me traînaient, mais se sont arrêté à la porte, de crainte que les passagers de l’avion aperçoivent cette scène non prévue à leur scénario… Ils ont alors eu recours au commandant de bord qui m’a expliqué ramener souvent des Marocains, expulsés de France… et que si je ne repartais pas en avions, je devrai voyager en taxi jusqu’à Casablanca !
Vers 21h15 les policiers en civil sont revenus vers moi pour m’annoncer que j’allais être conduite en taxi devant une autorité judiciaire (des fourbes et des menteurs). Devant cette vingtaines de personnes j’ai senti qu’il y avait un gros risque d’enlèvement et j’ai exigé qu’un policier en tenue m’accompagne et j’ai vloulu prévenir le Consulat de France et des défenseurs des droits de l’homme sahraouis, mais ils me l’ont interdit. Tout était donc clair. J’ai tenté de téléphoner, l’un d’eux, plus vindicatif que les autres m’a saisi la main pour me prendre mon téléphone qui est tombé à terre ; je l’ai récupéré mais la batterie avait été éjectée et un policier a mis un coup de pied pour l’éloigner de moi, un autre m’a retenue. La scène a été filmé comme la plupart des échanges, qu’ils osent montrer ces images de policiers courageux malmenant une femme qui vient de fêter ses 67 printemps !
Ils m’ont dit (et encore menti) que la batterie me serait rendue dans le taxi. Je suis alors allée vers le taxi où j’ai réclamé ma batterie. Refus de leur part, refus de la mienne de monter à bord. Ils m’ont alors poussée à trois, pendant qu’un quatrième entré par l’autre porte me tirait par le corps.Je précise que je n’ai pas été tabassée, seulement rudoyée à deux reprises : dans l’aéroport et devant le taxi.
J’ai été enlevée contre ma volonté hier soir à 21h30 de l’aéroport d’ElAyoun et séquestrée dans un véhicule présenté comme étant un taxi. Je n’ai pas été expulsée, ayant fait valoir que cette expulsion aurait été illégale car sans décision judiciaire alors que j’étais entrée en toute légalité à Casablanca.
Deux hommes en civils sont mottés à bord en sus du chauffeur. 3 fourgons des GUS (Groupes Urbains de Sécurité) nous ont « escortés » jusqu’à la sortie El Ayoun ainsi qu’un véhicule banalisé qui fut seul à nous suivre jusqu’à la sortie du territoire non autonome du Sahara occidental. Direction Agadir m’a-t-on annoncé alors. Pour quoi y faire ???
Durant le voyage j’ai craint plusieurs fois que nous ayons un accident : le chauffeur roulait « à tombeau ouvert », téléphonant sans cesse ou répondant à des appels alors qu’une circulation importante de gros camions venant en face éblouissait souvent. Je ne pouvais m’attacher, les ceintures à l’arrière ne pouvant être accrochées. D’ailleurs personne n’était attaché. Les deux portières arrière étant bloquées, si nous avions eu un accident nous n’aurions pu sortir. On ne m’a permis qu’une seule fois d’aller aux « toilettes » plus d’une heure après que j’en aie eu fait demande. Il fallait que mes « accompagnateur » téléphonent à droite et à gauche pour y accéder, de même pour que je puisse avoir accès à mon bagage à main enfermé dans le coffre. Le taxi ne s’est pas arrêté dans l’un des restaurants devant lesquels nous sommes passés, mais à la dernière pompe à carburant où les WC femmes étaient d’une puanteur écœurante, sans chasse d’eau ni porte, dans un couloir dont la porte n’avait pas de serrure.
Ma deuxième demande n’a pas été exhaussée car nous approchions d’Agadir. Pourtant c’est à Inzgen qu’on a prétendu me débarquer vers 4h30 devant un hôtel miteux où d’ailleurs personne n’avait réservé de chambre. J’ai refusé de quitter la voiture un policier est intervenu à la demande du chauffeur, mais il a fait droit à mon exigence d’être conduite dans un hôtel correct à Agadir.
J’été reçu très courtoisement par la Vice Consul de France à Agadir et je vais me rendre à l’Ambassade de France qui, prévenue de ce qui s’était passé par les militants sahraouis défenseurs des droits de l’Homme, a tenté de me joindre à deux reprises alors que mon téléphone était hors d’usage.
Je n’ai pas pu prévenir mes amis ni ma famille de la suite des événements avant le lendemain après-midi après avoir racheté une batterie à Agadir.
J’ai appris qu’hier soir une avocate canadienne, stagiaire à l’UNICEF, avait été expulsée de l’aéroport d’El Ayoun et expédiée dans l’avion qui l’avait amenée. Elle venait elle aussi visiter une amie sahraouie qu’elle avait rencontrée lors d’une cession du Conseil des droits de l’homme au Palais des Nations Unies.
Voilà ce qu’il en est des progrès en matière de droits de l’homme au Maroc. Mais, chutt… il ne faut pas que l’opinion publique soit au courant, d’ailleurs la presse, la radio, la télé !!!! en ont-elle parlé ? Je dis ça pour rire bien sûr. J’ai pourtant envoyé mon message à nombre de journalistes français, jusqu’à présent seules une radio algérienne et une journaliste de l’Humanité m’ont appelée. Imaginez un instant la scène se produisant à Cuba… elle ferait la Une du JT. Mais je n’ai pas connaissance de ce qui a paru dans différents médias.
Voilà ce qu’il en est de l’ambargo médiatique que le Maroc veut imposer sur ce territoire non autonome pour lequel il n’a aucun mandat international ni autorité légale.
Michèle DECASTER
Secrétaire Générale de l’AFASPA

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