Par Kamel Zaïdi
Il faut dire aussi que le règlement de la crise malienne ne ferait pas le bonheur de tout le monde. Cette crise représente même une sorte d’alibi et de fond de commerce à plusieurs puissances étrangères pour interagir dans la région. Comme le craignait et le supposait notre journal dans de précédentes éditions, le dialogue inclusif malien, censé avoir repris à Alger depuis le premier de ce mois (après un premier report de près de deux semaines) continue de patiner dangereusement. Les raisons, hélas, en sont multiples, si bien que l’on en arrive à se demander si l’Algérie a eu raison de prendre sur elle de driver ce dialogue alors que tant d’acteurs ne veulent absolument pas que le Mali se sorte enfin de sa crise. Passons en revue tout cela pour comprendre à quel point la situation est compliquée, et se présente sous d’assez sombres augures.
La presse malienne, celle de Bamako, qui exprime tout haut ce que les dirigeants du sud pensent tout bas, n’en finit plus de nous tomber dessus à bras raccourcis. Les griefs sont tout aussi multiples qu’injustifiés. Selon elle, donc, Alger aurait donné asile à Iyad Ag Ghali, le chef d’Ançar Sharia. Sans être sur que l’info que voici soit fondée ou pas, il est vrai que l’Algérie a toujours distingué entre les terroristes criminels d’AQMI (al-Qaïda au Maghreb arabe) et du MUJAO (mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest) et les touaregs musulmans qui se sont regroupés sous la bannière de Ghali, lequel avait fait, pendant un temps seulement, cause commune avec les autres islamistes, tant il était dépité par l’attitude de l’ancien président malien, Amadou Toumani Touré (ATT), soutenu en cela par la France. Son successeur, Ibrahim Boubacar Keita (IBK), après toutes les turpitudes traversées par le Mali ne fait guère mieux. La presse malienne nous reproche également d’imposer à ce dialogue de nouveaux acteurs sans même en informer Bamako. Or, cela est d’autant plus faux que notre pays, outre son rôle d’hôte en sa qualité de puissance régionale incontestée dans la région sahélo-saharienne, se refuse catégoriquement à s’immiscer dans les affaires internes des autres pays. Ces accusations, qui cherchent à torpiller le dialogue entrent dans le cadre de manipulation française, pour qui la poudrière malienne est le prétexte idoine pour garder ses soldats » bakhanisés » autour et dessus les lieux recélant les plus grandes richesses sous-terraines.
De Serval à Bakhane ou comment la Françafrique tombe son masque
Preuve en est que comme il n’existe pas de hasard en politique, ni en diplomatie, la visite à Alger d’une conseillère élyséenne à quelques jours du début d’ » Alger II » ne pouvait signifier qu’une chose : Paris cherche à imposer son droit de regard, pour ne pas dire plus hélas, sur ces négociations inclusives.
Pour poursuivre avec la série d’éléments négatifs qui font craindre le pire, et qui menacent de torpiller ces négociations qui patinent gravement, il ne faut pas oublier que la France a posé son pied militaire au Mali, et qu’elle n’est pas prête d’en déménager. Alors qu’elle a toujours eu beaucoup d’ascendant sur Bamako, à telle enseigne que c’est sur son instigation que les deux anciens président, IBK et Alpha Oumar Conaré avaient refusé deux précédents accords de paix signés à Alger ; l’influence de la France sur le Mali a pris beaucoup plus de poids grâce ou à cause de cette présence militaire, qu’Alger avait toujours dénoncé. Il faut ajouter à tout cela la réunion des groupes rebelles touaregs au Burkina Faso afin d’accorder leurs violons quelques jours avant la reprise des pourparlers d’Alger. Le jeu double de Ouagadougou a pu influer négativement dans la recherche d’un terrain d’entente entre les deux parties protagonistes, d’autant que les rebelles négocient en position de force, étant entendu que sur le plan militaire, ce sont eux qui ont défait et humilié l’armée malienne en un temps record, avant d’occuper le septentrion malien, qui représente les deux tiers du territoire de ce pays.
Mais l’élément le plus grave dans cette série de paramètres pouvant faire capoter ces négociations inclusives réside très certainement dans le parasitage marocain. Rabat, qui a déjà partie liée avec les criminels du MUJAO et qui utilise le Sahel pour écouler sa drogue en quantités industrielles vers l’Europe, tente elle aussi, de faire échouer la médiation algérienne afin que l’instabilité, synonyme d’impunité, d’opacité et de poursuite de ces opérations délictueuses, pour empêcher Alger de mener à bien sa médiation. Une preuve ?
Maroc : entre trafic de drogue, parasitage et manip terroriste
Sur invitation de Mohamed VI en personne, une délégation du MNLA (mouvement national pour la libération de l’Azawad), conduite par son secrétaire général, Bilal Ag Cherif, a été reçue par le » minable » ministre de la Communication marocain, Salah Eddine Mezouar, en date du 29 août passé. Outre les mauvaises influences, les faux conseils et même les tentatives de corruption que l’on peut subodorer (car la diplomatie marocaine ne » carbure » qu’à cela) cette énigmatique et anecdotique audience a eu pour effet de retarder de plusieurs jours la reprise de ce dialogue étant donné que la délégation du MNLA (groupe armé touareg le plus puissant présent sur le terrain) n’a pu se rendre à Alger dans les délais convenus.
Cerise sur le gâteau, la violence ne s’est pas totalement estompée au nord du Mali. La mission d’Alger en devient trop délicate, pour ne pas dire carrément officielle. Preuve en est que six jours après la » reprise » de ce dialogue, les parties antagonistes en sont encore à s’échanger des accusations mutuelles, sans arriver à s’entendre sur un SMIG consensuel pouvant permettre la reprise effective de ce problématique dialogue inclusif… La » panne » de ce dialogue inclusif est telle que les auditions des » représentants de la société civile » sont reportées de jour en jour sous les prétextes les plus divers qui soient.
Nous apprenons également, et c’est là une nouvelle particulièrement inquiétante, que le MNLA aurait été admis en tant que treizième membre de l’organisation des Etats africains émergeants. Il s’agit d’une organisation intergouvernementale qui défend l’autodétermination des peuples d’Afrique. Basée à Washington, cette organisation est membre observateur au sein de l’ONU. Si cette adhésion, qui aurait été formalisée depuis le 18 novembre passé, venait à se confirmer, l’avenir de l’Azawad malien risque d’être particulièrement sombre. Les conséquences sur les autres régions occupées par les tribus touaregs pourraient également être catastrophiques. La politique française au sein de ses anciennes colonies peut carrément être qualifiée aujourd’hui de criminelle.
K. Z.
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