Sonntagszeitung, Switzerland 26.10.14
Le géant suisse du négoce de matières premières veut effectuer des forages pétroliers vivement contestés dans le territoire occupé du Sahara Occidental Berne. L’Atwood Achiever est un énorme navire: une île flottante avec piste d’atterrissage pour hélicoptère, grand comme deux terrains de football, construit pour la recherche de pétrole à des profondeurs jusqu’à 12 km. C’est avec ce type de navire gigantesque que plusieurs grandes sociétés veulent débuter des forages exploratoires dans l’une des zones les plus controversées politiquement d’Afrique: le Sahara Occidental. L’Atwood Achiever commencera en décembre, d’autres navires suivront. Une entreprise suisse sera également de la partie. Comme on l’a appris récemment, Glencore a des projets de forages exploratoires dans cette zone. Depuis peu, le groupe basé à Zoug a acquis des participations à deux licences pour des zones d’exploration offshore. Les premiers forages devraient bientôt avoir lieu, selon un porte-parole. Des compagnies multinationales entravent le processus de paix de l’ONU Ces explorations sont fortement contestées politiquement. Les compagnies qui envisagent de forer avec ces navires, violent le droit international, selon l’organisation non gouvernementale Western Sahara Resource Watch (WSRW). Le problème selon WSRW: le Maroc occupe la majorité du Sahara Occidental et attribue les licences dans ce territoire sans le consentement de la population indigène, les Sahraouis. Cela serait, selon un rapport de l’ONU, une condition préalable à l’exploitation des ressources minérales d’un territoire étranger – et s’appliquerait déjà pour les forages exploratoires, comme les réalisera Atwood Achiever et comme les prévoit Glencore. WSRW parle dans son rapport d’un pillage du Sahara Occidental.
Le porte-parole de Glencore, quant à lui, affirme que les licences pétrolières seraient en conformité avec le rapport de l’ONU cité, d’autant plus qu’il ne s’agit actuellement que de forages exploratoires. Le document retiendrait que des forages exploratoires ne seraient pas illégaux, « tant qu’ils ne se font pas au mépris des besoins et des intérêts de la population du territoire ». Selon WSRW cependant, les Sahraouis ne sont pas d’accord avec les projets des exploitants de matières premières.
Le Maroc occupe le Sahara Occidental, une ancienne colonie espagnole, depuis les années 70. Aucun pays n’a jamais reconnu cette annexion. Pour sa part l’armée sahraouie, le Front Polisario, contrôle seulement un tiers de la superficie du territoire d’origine et une infime partie de la côte. Les Marocains défendent le territoire occupé par un mur de sable de 2000 kilomètres de long. Plus de 100.000 Sahraouis ont fui l’invasion marocaine – ils vivent à ce jour en majorité dans des camps de réfugiés en Algérie. L’ONU essaye depuis des années de trouver une solution à ce conflit. Un référendum, qui pourrait apporter l’indépendance au Sahara Occidental, échoue en raison des refus répétés du Maroc.
Ce sont ces efforts qui pourraient être encore une fois entravés par des entreprises comme Glencore. Le représentant en Suisse de WSRW Emmanuel Martinoli craint que les forages pétroliers vont encore retarder le processus de paix de l’ONU. « La perspective des retombées financières d’une exploitation pétrolière va renforcer l’opposition du Maroc à l’indépendance du Sahara Occidental », dit-il. L’expert en matières premières de la Déclaration de Berne, Oliver Classen, ajoute: «Tant que le Maroc, puissance occupante de facto, peut profiter des ressources du Sahara Occidental par ce genre de transactions, il n’a aucun intérêt à de véritables négociations. » La conseiller national Louis Schelbert, Verts-Lucerne, membre du groupe parlementaire Sahara Occidental, se dit agacé. «Glencore est sans cesse en tournée de relations publiques, chez nous les parlementaires aussi, et insiste toujours sur la légalité de ses actes. » Mais cette affaire montre une fois encore que le contexte n’a apparemment que peu d’intérêt pour ces géants des matières premières, « quand il s’agit d’affaires». La collègue de Schelbert, la conseillère aux Etats (sénatrice) Liliane Maury Pasquier, PS-Genève, veut s’impliquer politiquement et déposera une interpellation lors de la prochaine session parlementaire. Un demi-million de dollars par jour pour le navire de forage Même à l’étranger les sociétés actives dans le forage au Sahara Occidental font face à de nombreuses critiques. Le Fonds de pension norvégien KLP a éliminé les actions de la société française Total de son portefeuille. Des raisons éthiques ont été le facteur décisif, selon les responsables du fonds, qui gère des placements pour un montant de près de 50 milliards de francs suisses. La Norvège est elle- même un important pays producteur de pétrole. Glencore n’est pas impressionné. Dans un communiqué, le groupe maintient: «En tant qu’entreprise, nous nous engageons à un comportement transparent et éthique, conforme à la législation applicable». Pendant ce temps, le navire de forage Atwood Achiever progresse au large de la côte d’Afrique du Sud – en direction du nord. En décembre il plongera pour la première fois ses trépans dans les fonds marins. Il est peu probable que les entreprises revoient leurs projets controversés au Sahara Occidental. Elles ont déjà investi beaucoup d’argent. L’Atwood Achiever à lui seul coûte un demi-million de dollars par jour. Dominik Balmer
Traduction de l’original « Glencore stösst auf Widerstand » par arso.
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