Le Makhzen et l’Afrique

Par Nazim Rochd 
Quelles que soient les causes réelles qui ont poussé le Makhzen à défier la Confédération africaine de foot- ball, il apparaît évident qu’il croyait, dur comme fer, qu’il allait obtenir gain de cause. Il a campé sur sa position jusqu’au bout. Jusqu’à ce que la CAF prenne la décision qu’il fallait, laquelle l’a surpris, en appliquant souverainement les clauses prévues par son règlement. Il a cru qu’il pouvait obtenir le report de la Coupe d’Afrique des Nations, par le simple fait d’arguer de la «menace du virus Ebola» , tout en ignorant que l’argument est battu en brèche à plusieurs égards. 
A ce sujet, le magazine marocain Telquel, dans son édition du 12 novembre, écrit : «Il suffit de lire le communiqué de la Confédération africaine de football (CAF) pour s’apercevoir de la légèreté de la décision prise par le gouvernement. L’argument du risque de propagation du virus Ebola et le princi- pe de précaution brandi par nos ministres s’effondrent devant la démonstration de l’instance afri- caine, ainsi que les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (l’OMS).» 
Le magazine n’y va pas de main morte, en rappelant que le seul pays touché par la maladie invo- quée, la Guinée, joue ses matches de qualification au Maroc. L’équipe guinéenne, rappelons-le, est dernière de son groupe et a une chance très mince d’être qualifiée. Ajoutée à cette incongruité, une question est posée par un grand nombre d’observateurs. Pourquoi le Makhzen maintient-il l’organisa- tion de la Coupe du monde des clubs, qui se déroulera à Rabat et Marrakech, du 10 au 20 décembre prochain ? Soit une quinzaine de jours avant la CAN. Une seule réponse s’impose : son arrogance traditionnelle et son mépris envers l’Afrique. Tel quel, s’en désole : «Une stigmatisation de plus, dont tout le monde aurait bien pu se passer.» Il faut dire qu’en la matière, il y a des précédents. 
Feu Hassan II, en réaction à l’admission du Polisario au sein de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), a décidé de quitter l’instance africaine et l’a qualifiée d’«organisation tam-tam». Ultime insulte, inspirée des pires clichés du racisme colonialiste européen. Le même monarque avait une formule qui trahissait cette propension à assimiler son royaume aux puissances coloniales. Il disait fièrement que «le Maroc est un arbre dont les racines sont ancrées en Afrique mais dont les branches s’étendent en Europe». 
Sans vergogne, le magazine Maroc Hebdo pouvait titrer son édition du 2 au 8 novembre 2012 : Le péril noir. Il visait l’immigration subsaharienne. Il exprimait un sentiment banalisé, dont la preuve est donnée, la semaine même de la parution de l’article, par le ministre marocain de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Abdelouahed Souhail, du PPS (Parti du pro- grès et du socialisme) qui a impliqué les immigrés subsahariens dans la crise de l’emploi au Maroc, même s’ils ne sont que quelques milliers et qu’ils subissent les brimades policières et celles d’une partie de la population. Heureusement, les Marocains sont outrés et le disent. Ils ont réagi à de telles indignités. Pour la véritable cause de l’affaire de la CAN, vont-ils croire que c’est Ebola…? Vont-ils accepter le déni fait à l’image de l’Afrique ? N. R.
Le Jour d’Algérie, 14-15/11/2014

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