La Campagne internationale justice pour Sankara estime que ces investigations doivent se réaliser dans le respect des procédures légistes et légales et ne doivent pas se limiter à la simple identification des restes du président Sankara, mais également aux circonstances de son assassinat et celle de ses camarades, afin que la page de l’impunité soit définitivement tournée et la réconciliation scellée.
Les membres de la Campagne internationale justice pour Sankara (Cijs) saluent la mémoire des martyrs de la révolution de l’automne 2014 au Burkina, l’avènement de la charte de la transition ainsi que l’investiture de l’Exécutif qui a été désigné. Ils reconnaissent avoir été sceptiques, conscients que les deux ténors de l’Exécutif sont liés au dispositif géopolitique qui enserre la sous région. Cependant, tous deux, malgré leur cumul de pouvoirs, ont pour l’instant traduit patriotiquement les aspirations issues de l’insurrection populaire qui a débarrassé le pays de son régime honni. La Cijs respecte le choix du collège de désignation et fait aussi sien l’esprit de tolérance et de vigilance essentiels à cette période de transition d’un an.
Profitant de ce régime d’exception, le président intérimaire, Kafando, a déclaré lors de son investiture : «Au nom de la réconciliation, j’ai aussi décidé, par le fait du Prince, que les investigations pour identifier les restes du président Sankara ne seront plus assujettis à une décision de justice mais seront du ressort du gouvernement. Aujourd’hui même, à cet instant même cette autorisation est accordée».
Tout en se félicitant d’une telle déclaration, la Cijs estime que ces investigations doivent se réaliser dans le respect des procédures légistes et légales et ne doivent pas se limiter à la simple identification des restes du président Sankara, mais également aux circonstances de son assassinat et celle de ses camarades, afin que la page de l’impunité soit définitivement tournée et la réconciliation scellée. En somme, identifier la tombe du président rime avec l’identification et la poursuite de ses assassins.
Pour rappel, entamée en 1997, la Campagne internationale a épuisé tous les recours juridiques au Burkina et a été déboutée honteusement en Cour suprême par une magistrature instrumentalisée par le régime Compaoré. Le Comité des Droits de l’homme de l’Onu, saisi ensuite par la Cijs, avait considéré que ‘’suite à l’arrêt n° 46 de la Cour suprême du Faso, du 19 juin 2001, rendant définitif l’arrêt n° 14 de la Cour d’appel, déclarant les juridictions de droit commun incompétentes, les autorités du Burkina Faso ont refusé de renvoyer la cause aux juridictions du ministre de la Défense afin que des poursuites judiciaires soient engagées devant les tribunaux militaires, tel que prévu à l’article 71(1) et (3) du code de justice militaire» et que le procureur avait arrêté à tort la procédure que nous avions engagée. Le comité avait donc statué :
« La famille de Thomas Sankara a le droit de connaître les circonstances de sa mort (…). Le Comité considère que le refus de mener une enquête sur la mort de Thomas Sankara, la non-reconnaissance officielle du lieu de sa dépouille, et la non rectification de l’acte de décès constituent un traitement inhumain à l’égard de Mme Sankara et ses fils, contraire à l’article 7 du Pacte».
« En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’Etat partie est tenu d’assurer un recours utile et effectif à Mme Sankara et ses fils consistant notamment en une reconnaissance officielle du lieu de sépulture de Thomas Sankara, et une indemnisation pour l’angoisse que la famille a subie ».
« L’Etat partie n’a pu expliquer les retards en question et sur ce point, le Comité considère que, contrairement aux arguments de L’État partie, aucune prescription ne saurait rendre caduque l’action devant le juge militaire, et dès lors la non-dénonciation de l’affaire auprès du ministre de la Défense revient au Procureur, seul habilité à le faire. (…) »
Le régime Compaoré a proposé différents recours non contentieux du Collège des sages, de la Commission de réconciliation nationale, du Fonds d’indemnisation des victimes de la violence en politique, du Médiateur du Faso. Or ces recours n’étaient pas des recours utiles. Ayant par la suite, par la complaisance de certains experts de l’Onu, échappé malgré tout à la justice, le régime Compaoré s’est de nouveau retrouvé confronté à la détermination de nos avocats. Ils ont requis la désignation d’un expert ou un laboratoire indépendant notoirement reconnu, habilité à procéder à l’identification des empreintes génétiques et un calendrier de procédure a été établi le 9 février 2011.
Le 11 mars 2011, l’Etat burkinabè a soulevé l’incompétence du Tribunal de grande instance de Ouagadougou et l’irrecevabilité de la demande. Puis la tombe présumée de Thomas Sankara a été vandalisée le 28 juillet 2011. Le régime de Blaise Compaoré, affirmant que c’était le fait d’un déséquilibré mental, annonça le déploiement d’une unité de police afin d’assurer la sécurité de la ‘’présumée’’ tombe jouxtant toujours des immondices de la décharge voisine. Seulement 2 ans et 4 mois après, la tombe présumée a été de nouveau profanée, malgré les policiers de faction devant la porte principale du cimetière. Par jugement en date du 30 avril 2014, la demande de la Cijs d’identification des empreintes génétiques a été rejetée, ledit tribunal se déclarant incompétent.
Blaise Compaoré était aussi président du Conseil supérieur de la magistrature (Csm). La magistrature a été tellement gangrenée par l’impunité qu’elle a été volontairement exclue du processus de la transition. Seule une magistrature assainie pourrait veiller à ce que la lutte contre l’impunité soit effective, avec des cours et des tribunaux intègres et impartiaux et soucieux des libertés individuelles et collectives. Une Assemblée constituante corrigerait les manquements graves occasionnés par la soumission du corps judiciaire à l’Exécutif, mais aussi veillerait à la réforme de l’armée.
Nonobstant cette exigence, et prenant acte de la position courageuse d’autoriser l’investigation sur l’identification du corps du président Thomas Sankara, nos avocats recommandent que celle-ci soit effectuée dans les règles du droit assortie de toutes les garanties d’impartialités afin que le fardeau des preuves ne soit d’aucune façon entaché d’irrégularités.
La Cijs escompte que le pouvoir de transition saura démocratiquement trouver le cadre juridique de probité et d’impartialité, pour que ses avocats achèvent leur travail de 18 ans et que la vérité et la justice adviennent. La Cijs réitère ses demandes pour que les sociétés civiles de France, des États Unis et de Côte d’Ivoire aident à y faire divulguer les responsabilités dans l’assassinat de Thomas Sankara. Elle remercie le peuple du Burkina de son soutien, l’enjoint de jouer son rôle de veille et d’encadrer plus que jamais cette lutte contre l’impunité.
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