Le coup de main de Fabius à son homologue marocain Mezouar pour sa fifille qui galère…

Le 28 mars 2014, apprend-on, en googlisant les ministres français et marocains des Affaires étrangères en quête d’une photo officielle qui les réunirait, Laurent Fabius a présenté ses excuses à son homologue, Salaheddine Mezouar, victime d’un pénible contrôle d’aéroport à Roissy malgré son rang et son passeport. L’anecdote, pour significative qu’elle pût être des préjugés régnant dans le personnel au sol des aéroports français, ne sert ici qu’à introduire un document mis en ligne par une « source », via twitter.
La source en question, qui se fait appeler « Chris Coleman », a lâché déjà de nombreux documents. Impliquant des journalistes français, accusés en somme de se faire payer des articles complaisants pour le royaume chérifien, publiés en marge de leurs activités et employeurs officiels par des sites et parutions sans lecteurs, contreparties de sujets, eux aussi favorables au royaume, produits via leurs employeurs et leurs supports, qui eux ont de l’audience. Traduction : contre un reportage bienveillant – en particulier à propos de la douloureuse question Sarahouie – sur une grande chaîne ou dans un grand journal, les journalistes reçoivent commande d’un article « touristique », que personne ne lira, perdu sur le web ou dans quelques revue pour salle d’attente institutionnelle à égayer, mais qui leur sera payé en dehors de tous les barèmes connus.
À la marge, si on peut dire, certains de ces documents établissent des liens entre barbouzes et dignitaires marocains et des diplomates américains, des lobbystes pro-israéliens… de quoi nourrir les débats virtuels.
Coleman voudrait donner à penser qu’il agit sur ordre des services algériens, en vue de déstabiliser et affaiblir le Maroc, l’Algérie étant supposée soutenir le Front Polisario adversaire des Marocains, qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Ainsi joue-t-il, mêlant documents authentiques et d’autres aux origines douteuses. Les vérifications se révélant de fait parfois impossibles, tant les « méta-données » peuvent subir de « corrections ». Un document word ou un email seraient, par exemple, particulièrement aisés à anti-dater.
Mis en circulation sur les réseaux sociaux, ces documents n’ont pas manqué de susciter moult intérêts, relais, contestations. Les journalistes sont tout prêts à s’émouvoir de ce type de pratiques, mais, s’agissant de dénoncer des confrères, ils sont étonnamment friands de preuves, de recoupements et d’authentifications…
La Toile et ses réseaux dits sociaux fourmillent de tweets et de partages au sujet des révélations de Coleman. On se répond, se met en cause, déniche des « preuves ». Citoyens, trolls, militants, journalistes. Aussi Mediapart a-t-il fini par se pencher sur le sujet (ICI, pour les abonnés). Séparant les bonnes graines d’infos vérifiées de l’ivraie des rumeurs séduisantes. Ou à peu près.
Car si ce site permet à quelques journalistes d’effectivement pouvoir mener à terme et diffuser à grande échelle certaines épineuses enquêtes, il lui arrive aussi de servir à noyer – pour le tuer – un poisson empoisonnant. On songe ici au récent, étonnant, vaseux et sous étayé article consacré à la possibilité que Pierre Péan ait pu essayer de faire acheter son silence par le pouvoir gabonais. Article qui, d’expérience françafricaine, ne pouvait servir qu’à enfumer, proposer des pistes bidons, conjecturer inutilement des impossibilités fondamentales : de quoi discréditer possiblement Péan et donc amoindrir, folkloriser, relativiser, compliquer et donc perdre son propos et son livre sur l’Ali fils d’Omar qui dirige l’émirat bongolien.
Cette fois, Mediapart semble de bonne foi.
À ceci près : pourquoi une information aussi importante que celle qui suit est-elle « perdue » dans la (fidèle) recension d’une affaire Coleman aux dimensions premières journalistiques ?
Question autrement formulée : pourquoi une telle information ne fait-elle pas l’objet d’un article en soi ? Voici comment Mediapart présente un des documents :
« Dans le cas des documents mis en ligne par Chris Coleman, certains sont incontestablement authentiques, et tendent à prouver qu’il y a bien eu piratage, du fait qu’ils portent sur des faits connus, comme les photos du mariage d’une ministre ou celle du passeport du ministre des affaires étrangères Mezouar.
D’autres documents officiels sont cohérents au niveau des métadonnées et semblent, dans leur présentation, authentiques. Ainsi, Chris Coleman a diffusé deux lettres envoyées par Laurent Fabius à son homologue marocain.Dans l’une, datée du 20 novembre 2013, il explique être intervenu à sa demande auprès de l’administration du travail, pour faciliter l’obtention par sa fille d’une autorisation de travail en France. »
Personne ne doute que la pratique, le coup de main, l’accélérateur de formalités, soit répandue bien au-delà de la Françafrique. Et Fabius et son collègue marocain ne sont ici que les dindons dévoilés d’une farce généralisée. Ce qui surprend, c’est que les tombeurs de Cahuzac banalisent en l’enfouissant dans une à peine compréhensible affaire un de ces documents grâce auxquels habituellement ils font le buzz.
Relativement au même ministre français – dont la rumeur web prétend qu’il serait malade -, nous nous permettrons de proposer à Mediapart une autre affaire, un autre « fait » intéressant.
À ce qui se raconte, en 2013, la même année donc, la CPI aurait été sur le point, faute d’éléments dans le dossier, de libérer le dernier président ivoirien élu, Laurent Gbagbo. L’apprenant – n’oublions pas que l’avocat de Ouattara est un proche de Hollande (et de Mediapart) -, Laurent Fabius, en tout point solidaire des précédents gouvernements français (et proche de Mme Ouattara), se serait dépêché de profiter d’un déplacement aux Pays Bas pour passer à La Haye et faire en sorte que la CPI finalement garde Gbagbo dans ses geôles.
Texte / Louis Fall (feat G.P.)

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