On savait depuis toujours qu’au royaume chérifien, véritable » cour des miracles » des temps modernes, il fallait s’attendre à tout, à commencer par le pire. Mais là, il faut dire que ces évènements vécus dépassent tout entendement. Aucun poète surréaliste n’aurait pu les imaginer, même pas dans ses rêves les plus fous. Et pourtant, ils se sont bel et bien produits…
Voilà en tous cas ce qui s’appelle effectuer des avancées très importantes en matière de respect des droits de l’homme et des libertés d’expression et de la presse, a ironisé hier, le seul magazine qui continue encore de défendre son indépendance et sa liberté de ton, face à un paysage médiatique où le nivellement par le bas n’a épargné aucun titre, ni aucune forte tête.
Le magazine » Telquel « , car c’est de lui qu’il s’agit, révèle ainsi ce que l’on pourrait qualifier de » scandale du siècle « . Alors qu’elle était entrain de filmer l’humoriste marocain Ahmed Sanoussi, alias » Bziz « , dans une salle de l’hôtel Villa Diyafa, de Rabat, une équipe de la chaîne de télévision fran- çaise France24 a été subitement assaillie et prise à partie par le pacha de la ville, des agents des Renseignements généraux (RG) et des membres des forces auxiliaires, les tristement célèbres » GUS)..
Selon un témoin, le pacha se pointa face au journaliste de France24, Jamal Boudouma, venu filmer au Maroc pour son émission » Hadith Al Awassime « , en lui ordonnant manu militari non seulement qu’il cesse de filmer Bziz, mais qu’il remette également les cassettes de l’interview. Pour cela, ce fonctionnaire du ministère de l’intérieur ne s’est pas gêné d’ordonner l’encerclement de l’hôtel par les forces auxiliaires, empêchant tout le monde de sortir. Contacté, Bziz, un humoriste mondialement connu, et qui est interdit de spectacle et de parole dans son propre pays depuis maintenant plus de 20 ans, a déclaré se sentir » menacé » par ce déploiement des forces de l’ordre. «
Nous sommes irrémédiablement retournés aux années de plomb. Dans quel pays au monde on interdit à une chaîne de télévision d’interviewer un artiste ? « , a-t-il dit, outré. A l’issue du tournage de l’émission, les autorités sont intervenues auprès des responsables de la chaîne française pour récla- mer une copie de l’enregistrement. Une requête refusée par l’équipe de France24. La réaction des autorités est alors d’empêcher l’équipe de la chaîne de sortir, selon Khalid Gueddar, contacté par Telquel. Le caricaturiste explique que les trois invités, pourtant autorisés à sortir par les autorités, ont refusé de quitter les lieux par solidarité avec l’équipe de France 24. Les autorités ont indiqué aux employés de la chaîne d’information qu’il n’y aurait aucune négociation. Le plus grave sans doute c’est qu’hier, jusqu’à l’heure où nous mettions sous presse, l’affaire n’était pas dénouée et la prise d’otages se poursuivait toujours. A suivre… A.O.
La Tribune des Lecteurs, 25/01/2015
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