Bruxelles valide l’expertise algérienne

De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari

Lamamra «raisonnablement optimiste», Bruxelles veut qu’Alger aboutisse…
Le Maroc qui veut initier le dialogue interlibyen ne poursuit, en définitive, qu’un objectif, empêcher l’Algérie de contribuer au rétablissement de la paix dans l’ex-pays de Gueddafi. La démarche est insensée. Folle.
Comme si l’Algérie disputait à la Syrie une initiative au Liban, à la Jordanie une volonté de prendre langue avec Bachar Al Assad ou à l’Égypte d’évoquer la situation au Sinaï avec Israël. La politique est depuis la nuit des temps d’abord affaire de géographie. Les stratèges modernes la définissent comme géostratégie.
En l’affaire, le Maroc n’a absolument rien à voir dans le dossier libyen. Ce n’est pas un voisin direct, n’a pas de frontières terrestres avec le pays et n’est nullement concerné par l’amélioration ou la détérioration qui peut y avoir lieu. Pourquoi les Libyens, premiers concernés, les Égyptiens, les Tunisiens et les Algériens qui sont, en quelque sorte, la zone du front, en appelleraient-ils à l’expertise marocaine dans le dossier ? Ils ont moins de raisons de penser que pour être facilitateur, il faut être validé par des parties importantes en conflit ou du voisinage. Rabat est récusé par une forte composante des protagonistes en Libye qui lui reprochent son aveuglement-alignement sur les positions de l’Otan et de Sarkozy lors de la descente punitive contre Gueddafi. Qui peut croire, un seul instant, que la reconstruction de la Libye se fera sans l’inclusion d’ex-partisans de l’ex-guide de la révolution libyenne ? En tout cas pas les les Etats-Unis, l’UE, l’ONU qui cherchent à nouer contact avec des ex-officiers de l’armée libyenne. Des bidasses et du renseignement. 
L’Égypte, la Tunisie et l’Algérie sont de précieux atouts dans cette perspective. L’autre erreur d’appréciation du maroc dans l’épineuse question libyenne est le souhait des Etats-Unis de ne pas trop aller dans la destruction du pays. Le projet américain GME consistant en la destruction d’Etats, dont la Libye, ne place pas l’ex-Tripolitaine ou l’ex-Cyrénaïque en tête de série, pour le moment.
Cela a été envisagé au début, mais des réajustements semblent nécessaires. Priorité à la casse au Moyen-Orient, tout d’abord où le verrou syrien s’est avéré plus compliqué que prévu. L’Union européenne a aussi pesé d’un poids certain pour infléchir la politique américaine en Afrique du Nord et de laisser tranquilles les Etats qui y sont (Algérie, Tunisie, Égypte, Maroc, Mauritanie) et d’œuvrer à maintenir la Libye dans ses frontières actuelles. Le Maroc, voiture-bélier des Etats-Unis et de l’Otan, avec la Turquie contre les régimes arabes non-moyenâgeux, travaille, toujours, sur cette seule hypothèse. Les services secrets américains ne sont pas obligés de l’instruire sur les nouveautés.
Dan ses approches avec les States et les Européens, le Maroc exige toujours que la question du Sahara occidental soit incluse dans la problématique d’ensemble, c’est-à-dire, lui donner le quitus onusien pour son occupation des territoires du peuple des ténèbres. Rabat, que la question sahraouie rend fou, inapte au raisonnement, n’arrive pas à saisir les complexités du dossier libyen. Ses interlocuteurs occidentaux le savent et l’ont déjà dessaisi du traitement du cas libyen. Après la mort de Hassan II, le Makhzen, dans sa version palais royal, a perdu le sens du rapport de force, de la realpolitik, ne maîtrise pas les enjeux internationaux. Mohammed VI fonctionne au «sentiment», à la «nostalgie», croit qu’en diplomatie, il y a de la place pour la haine ou l’amour, où le Maroc serait toujours la maîtresse préférée au brumeux et révolutionnaire voisin algérien. Il n’y a pas plus de place à une diplomatie makhzénienne qu’il y en a pour une autre. Les intérêts, seuls les intérêts priment et impriment les affaires entre les Etats. Présentement, l’Algérie — et ce n’est pas éternel — est un pivot, un élément central dans la géostratégie mondiale. Les Américains et les Européens de l’UE, les Russes, les Chinois, les Égyptiens, les Tunisiens se satisfont, largement, du rôle-clef qu’Alger joue dans la région. Elément stabilisateur en Afrique subsaharienne et incontournable dans le dispositif à inventer par la Libye de demain, l’Algérie, à la différence du Maroc, ne met pas le couteau sous la gorge de ses partenaires. Sur le dossier sahraoui, la diplomatie algérienne ne fait que rappeler son attachement au droit international consigné à l’ONU.
Le Maroc, tellement en colère, ce qui est de mauvais présage en diplomatie, n’arrive pas à assimiler que la paix en Libye est affaire de sécurité pour l’Algérie. Simplement. Tout simplement. Rien à voir avec le Sahara occidental, territoires non-autonomes, identifiés comme relevant de la doctrine des Nations-Unies en matière de décolonisation.
Après Alger, le dialogue interlibyen reprendra à Bruxelles. C’est dire que l’UE tient à l’expertise algérienne. Le relex algérien a, pour ce qui le concerne, estimé qu’il «était raisonnablement optimiste».
A. M.

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