Mali : le Makhzen en boutefeu

par Ahmed Halfaoui
A observer son agitation, le Makhzen paraît s’être attribué une mission de défense des droits des peuples au Mali. Mais il n’y a pas de quoi en être ahuri. Le monarque alaouite n’en est pas à une incongruité près, quand il s’agit de se tailler une influence ou de se donner un statut de partenaire stratégique de la France. 
Pourtant, cette fois-ci, il semble pousser le bouchon un peu trop loin, en voulant à tout prix s’imposer en tant que médiateur dans les négociations entre le gouvernement malien et les divers mouvements armés du nord du pays. Il faut dire, à sa décharge, que François Hollande lui a fait miroiter une place de choix dans l’échiquier, lorsqu’il l’a emporté dans ses valises, lors de l’investiture du président fraîchement émoulu, Ibrahim Boubacar Keïta, le 19 septembre 2013. 
Le temps était à l’euphorie, avec un possible renversement de l’orientation malienne concernant sa position vis-à-vis de la question du Sahara occidental. Surtout qu’il y a eu un cadeau qui augurait de la chose. Mohamed VI roi a été gratifié de la non-invitation du président du Front Polisario, premier pas supposé vers le retrait de la reconnaissance malienne de la République sahraouie, sous les prescriptions évidentes de du président français. En contrepartie, le chef du Makhzen a apporté son assistance au gouvernement malien.
En fait, celle qu’il a pu, en considération du traitement économique et social qu’il inflige aux populations marocaine et sahraouie. Le Royaume devait s’occuper de la formation de 500 imams maliens et installer un «hôpital temporaire de campagne», à Bamako, où des médecins marocains vont soigner gratuitement «tous ceux qui le souhaiteront». Hélas pour lui, il ne pouvait comprendre que la géographie et que le rapport de force ne pouvaient éliminer l’Algérie de la scène régionale. Ce sera elle qui réunira les protagonistes de la crise du Nord-Mali autour de la table des pourparlers, avec la bénédiction de la diplomatie française qui, par la bouche de son responsable, Laurent Fabius, considère que «la médiation algérienne a abouti à un texte d’accord que la communauté internationale et nous-mêmes considérons comme positif.» Et ce n’est pas de la faute du palais makhzénien, qui a déployé tous les efforts que lui étaient permis pour torpiller le processus et qui s’est engagé dans une fuite en avant désespérée en vue de pousser le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) à faire de la surenchère. Même si cela lui coûte de défendre le séparatisme, au prix du ridicule. 
Le fait, d’abord, d’occulter que le Mnla a bénéficié de l’intervention de l’armée française, contre les djihadistes, pour survivre, et qu’il serait extraordinaire qu’il n’obéisse pas aux injonctions de Paris. Ensuite, en tant que colonisateur au petit pied qui refuse l’autodétermination au peuple sahraoui. Enfin, en prenant le risque d’alimenter l’argumentaire des populations rifaines, dont l’allégeance au Maroc n’est pas si consentie qu’elle en a l’air. Les Maliens, quant à eux, ne sont pas près de tolérer une ingérence, aussi grossière qu’inepte, qui compromettrait le retour à la paix et à la stabilité.
Les Débats, 07/04/2015

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