Quand on sait la promptitude à réagir que suscite le moindre incident concernant un «droitsdelhommiste» en Chine, au Venezuela, en Russie ou en Iran, on mesure la complicité et la protection dont jouit le Makhzen à Washington ou à Bruxelles. Il y a d’abord que le Makhzen, au même titre que l’entité sioniste, est investi du droit privilégié de mépriser les résolutions des Nations unies. Il y a, aussi, que la Mission des Nations unies pour l’organisation du référendum au Sahara occidental (Minurso) est la seule du genre qui est interdite de se mêler de la situation des droits de l’homme. Grâce aux EtatsUnis et à la France.
Il y a, encore, que le Maroc est promu «Partenaire pour la démocratie» par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (Apce), un statut qui en a fait «un modèle pour les pays de la région». Sans rire. Et puis, sur le même tempo, il y a des déclarations des ténors du «printemps», telle celle d’Hillary Clinton, la secrétaire d’état étatsunienne, en février 2012, qui clame que le Maroc est «un très bon modèle pour d’autres pays», ou celle du ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, au mois de mars de la même année, qui manifeste son «admiration devant ce modèle marocain».
À la décharge de ceux qui ont mis à feu et à sang la Libye et la Syrie, il faut préciser que les manifestants contre le Makhzen sont inconnus des ONG droitsdelhommistes et ne font pas appel à la «communauté internationale». Signalons, tout de même, que le monarque alaouite a fait preuve de «démocratie», il a dû offrir des strapontins aux Frères musulmans, en réponse aux desiderata des Occidentaux.
Pour les autres, il peut user à satiété de la matraque et de la prison, en toute tranquillité. C’est ce qu’il n’hésite pas à faire. Le 27 avril 2014 à Tanger, par exemple, la jeune Wafa Charaf, qui s’est portée en soutien aux ouvriers de la multinationale Greif (le n°1 mondial de l’emballage industriel), licenciés après la création d’une section syndicale, a été enlevée par des «inconnus» pour être molestée et jetée, en pleine nuit, en dehors de la ville. En portant plainte, Wafa a été condamnée à deux ans de prison. Depuis, elle porte le numéro d’écrou 92694 à la prison civile de Tanger, avenue Moulay Rachid.
Un autre exemple est celui du journaliste Ali L’Mrabet qui, interdit d’exercer depuis 2005, est privé du droit de disposer de carte d’identité et de passeport. Il est en grève de la faim devant le siège de l’ONU à Genève, en Suisse. Il allait rentrer dans son pays pour relancer son hebdomadaire satirique, Demain et sa version arabe Doumane. Il ne peut plus. Son associé, Khalid Gueddar, vient d’être condamné à trois mois de prison ferme pour une affaire qui date de 2012 «pour ébriété sur la voie publique». L’Mrabet a, notamment interviewé des dirigeants du Polisario à Alger et affirmé que les Sahraouis réfugiés à Tindouf étaient bien des réfugiés et non des «séquestrés». Gueddar a été le premier dessinateur à caricaturer Mohammed VI. Les deux ont «blasphémé» contre des fondamentaux du Makhzen, Le roi, la «marocanité» du Sahara occidental.
Les Débats, 28/07/2015
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