Le représentant du Front Polisario en Europe, Mohamed Sidati, parle, dans ses réponses à nos questions, du contexte «particulier et important» dans lequel se tiennent les travaux du 14e Congrès du Front Polisario, de la portée de l’adoption par le Parlement européen (PE), jeudi dernier, de son rapport sur la situation des Droits de l’homme dans le monde, dans lequel le PE demande à l’occupant marocain, outre la libération immédiate des prisonniers politiques sahraouis, l’élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des Droits de l’homme, ainsi que l’accès, des territoires sahraouis occupés, aux observateurs, aux eurodéputés et aux médias.
Le Courrier d’Algérie : -Le 14e Congrès du Polisario se tient dans un contexte particulier et se penchera, dans ses travaux, sur des questions importantes, qu’en est-il, au juste ?
Mohamed Sidati : – Ce Congrès se tient dans un contexte où les congressistes vont décider et, à travers eux, le peuple sahraoui de la présente situation, dans le sens ou vraiment il y a un constat. Le Maroc n’avance pas, au contraire, il essaie de faire blocage et obstacle à ce processus de paix, et, partant donc, l’on ne peut maintenir cette situation de statu quo qui mène, en fait, le conflit dans une impasse et, par ricochet, des répercussions gravissimes sur la région. Donc, les congressistes poseront le problème et doivent adopter les choix stratégiques et ces choix consistent à dire que le peuple sahraoui est prêt dans les deux sens, je veux dire, il veut aller dans cette voie pacifique, continuer à forger justement cette voie pour parvenir à ces droits. Et il l’a fait prévaloir récemment au niveau de certain nombre d’instances internationales, européennes et autres, comme la dernière décision de la CJUE. Mais, si le choix pacifique d’un côté n’est pas assumé et surtout imposé par la CI au Maroc et à toutes les parties, c’est-à-dire le Front Polisario et le Royaume du Maroc, si la Communauté internationale se déclare incapable de poursuivre son processus de paix, surtout de le mettre en œuvre et permettre au peuple sahraoui d’exercer son droit inaliénable à l’autodétermination, alors le peuple sahraoui n’exclut aucune option et toutes les options sont sur la table.
– Y Compris la lutte armée…?
– Le peuple sahraoui n’exclut aucune option, j’insiste, et les congressistes auront à débattre, y compris cette option. Incontestablement, le courant majoritaire fera prévaloir la nécessité de forger la voie pacifique et d’essayer d’y parvenir, mais si l’on n’y parvient pas, il faut savoir, je ne dirai pas que les Sahraouis n’ont jamais abandonné les armes, je ne dirai pas qu’ils ont les doigts sur la gâchette, mais n’empêche qu’ils sont sur toutes les éventualités et toutes les options. Et, je crois, il appartient, justement et c’est très important, à la CI et particulièrement aux Nations unies de saisir cette occasion, et de ne pas laisser tomber, comme on le disait autrefois, le rameau de paix que tient le peuple sahraoui dans une main et qui de l’autre tient l’arme. Donc, je crois qu’il appartient au monde de réagir plus rapidement et de façon plus urgente pour sauver cette perspective de paix, entreprise par la Communauté internationale et les Nations unies, je crois que le message du peuple sahraoui à travers ces congressistes sera fort, clair, déterminé et tranchant. Vous avez vu le slogan de ce 14e Congrès, ce qui m’amène à dire que le degré de mobilisation, maintenant, du peuple sahraoui, je précise, n’a jamais été élevé à ce stade, la mobilisation et la volonté du peuple sahraoui de parvenir à la solution, quel que soit le moyen utilisé, bien sûr, on continue de privilégier la voie pacifique. Et faute de quoi, de toute façon, la lutte qu’elle soit armée ou autre, tous les moyens légitimes sont à la disposition du peuple sahraoui, et restent à sa disposition, et il saura user du moment opportun.
– Le Parlement européen vient d’adopter, confortablement, son rapport sur les Droits de l’homme dans le monde, dans lequel, la politique coloniale marocaine au Sahara occidental est pointée du doigt, qu’en est-il au juste?
– Le Parlement européen dans son rapport sur l’état des Droits de l’homme dans le monde vient d’adopter (avant-hier, jeudi dernier) un texte très, très important et surtout exhaustif, concernant le Sahara occidental, il a obtenu une majorité confortable et, partant donc, il est devenu un document officiel du Parlement européen qui sera parmi les documents présentés au Conseil des Droits de l’homme à Genève, il faut le rappeler. Il est surtout demandé, dans ce texte, la liberté de mouvement, d’expression pour les populations sahraouies des territoires occupés et, surtout, il demande la libération immédiate des prisonniers politiques sahraouis, et c’est très, très important. De l’autre côté, il insiste sur la nécessité de doter la Mission des Nations unies pour un référendum au Sahara occidental (Minurso), du mandat de protection et de surveillance de la situation des Droits de l’homme au Sahara occidental. Aussi, le Parlement européen a demandé, textuellement, la liberté d’accès des parlementaires européens aux territoires sahraouis occupés, parce qu’il y a eu des délégations de parlementaires, empêchées par le Maroc, de se rendre dans ces territoires, et le Parlement européen l’a demandé aussi pour les observateurs indépendants, pour les professionnels des médias.
– Qu’en est-il du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination dans le rapport adopté par le Parlement européen ?
– De l’autre côté, non seulement pour l’élargissement du mandat de la Minurso, mais surtout le soutien clair et net au droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, et je crois qu’il s’agit là d’une résolution très importante qui vient à point nommé en cette fin d’année, pour dire, à quel point la question du Sahara occidental et la lutte du peuple sahraoui ont fait du chemin en l’Europe, notamment au sein de ses institutions. N’oubliez pas qu’on vient d’assister, récemment, au verdict du tribunal européen, qui annule les Accords du Maroc avec l’UE, car étant illégaux, tant que le Sahara occidental est inclu dans ce genre d’accords, et c’est très important, et c’est à l’actif du peuple sahraoui, mais, aujourd’hui, c’est l’Institution la plus démocratique et la plus importante, c’est le plus grand Parlement du monde qui consacre la question du Sahara occidental dans son rapport sur les Droits de l’homme.
– Quelle sera l’impact de la teneur de ce rapport, notamment au sein des institutions de l’UE ?
– On peut en conclure qu’il y a, non seulement, une prise de conscience de l’importance du problème, mais surtout aussi la position exprimée par le Parlement européen, selon laquelle la question du Sahara occidental, dans sa dimension, d’un problème fondamentalement de décolonisation, Droits de l’homme et de question de liberté, requiert et surtout retient l’attention de ce Parlement, institution importante, des trois qui constituent l’UE et ses décisions doivent être prises en considération par l’Exécutif de l’UE, notamment la Commission et le Conseil. Et là c’est un message très fort qui vient de l’Europe à l’endroit du Maroc, lui rappelant que la Légalité internationale ne peut être détournée, que les violations des Droits de l’homme au Sahara occidental, ne peuvent être indéfiniment tolérées. Et, encore une fois, en cette fin d’année, c’est à l’actif du peuple sahraoui et le Front Polisario qui tient un évènement majeur dans son histoire, en l’occurrence son 14e Congrès. Et les congressistes justement viennent de prendre de ce texte très applaudi, et surtout très confortant pour les congressistes qui débattent la conduite à adopter face aux atermoiements du Maroc face à cette situation d’impasse concernant la question du Sahara occidental et qui, surtout, ont pris note que la position du Parlement européen vient s’ajouter aux nombreux acquis et victoires enregistrés par le peuple sahraoui, durant l’année 2015, et en prévision, aussi, des décisions qui seront prises, lors du Congrès en cours, qui, comme je l’ai dit, est un évènement majeur dans la lutte du peuple sahraoui et le Front Polisario.
– La position du Parlement européen est-elle, aussi, un rappel à l’ordre à leurs collègues eurodéputés qui dans leur soutien au Maroc, dans sa colonisation du Sahara occidental, font fi de la Légalité et du Droit international, relative (la position) à une question de décolonisation inscrite à l’ONU?
– Je crois que c’est très important de souligner que le Maroc mène une activité, tous azimuts avec un lobby, pour essayer de contenir la position du Parlement européen essayer d’empêcher celui-ci de se pencher et débattre sur la question du Sahara occidental. Et le rapport qui vient d’être adopté par le Parlement européen est un désaveu, outre pour les lobbyistes marocains, mais aussi pour les eurodéputés récupérés par ces derniers. Le Parlement européen vient de dire que sa position sur le Sahara occidental est claire, et que les tentatives de soudoyer certains eurodéputés ne sauraient changer en rien la position de principe du Parlement européen, soutenant le Droit et la Légalité international. Ce texte est à l’initiative de l’intergroupe du Parlement européen, très solide, le plus important au sein du Parlement européen. Je vous rappelle que le Parlement européen compte de 28 inter-groupes formels, dont celui du Sahara occidental, ils sont tous des inter-groupes thématiques, sauf celui du Sahara occidental qui porte sur la lutte de libération du peuple sahraoui, et que c’est un intergroupe composé d’un certain nombre de groupes politiques, ce qui fait que c’est un inter-groupe d’eurodéputés très représentatif de ce qu’on pourrait appeler le paysage politique au sein du Parlement européen, et qui a pris des initiatives importantes, depuis sa création, et là c’est une de ses initiatives réussie de l’intergroupe qui a permis de sensibiliser, de conscientiser les eurodéputés, qui, faut-il le rappeler, sont les représentants des peuples de l’espace européen. Donc, il s’agit bel est bien d’un acquis pour le peuple sahraoui, l’adoption par le Parlement européen, aujourd’hui, (jeudi dernier, ndlr) du rapport et surtout un désaveu pour ceux, au sein et hors du Parlement, et de leurs tentatives d’essayer de bloquer la question du Sahara occidental ou d’empêcher l’institution européenne de se pencher sur cette question.
De notre envoyée spéciale, aux camps des réfugiés sahraouis -Dakhla-, Karima Bennour
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