De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari
La Cour de justice européenne, la Suède, le Parlement belge, Podemos en Espagne, les lignes bougent au Sahara occidental. C’est évident et c’est clair, dans les pays de l’Union européenne pris séparément ou dans l’ensemble composite qui les lie dans les institutions qu’ils ont créées, la question sahraouie bouge les positions, bouscule les hypocrisies et oblige, désormais, à avancer à visage découvert.
L’arrêt de la Cour européenne de justice qui a annulé l’Accord agricole avec le Maroc et qui englobait le Sahara occidental a eu des effets désastreux sur Rabat. Présentement, aucune institution européenne, de droit ou politique, ne peut assumer la «marocanité» du Sahara occidental, ni même de continuer de reporter aux calendes grecques la question.
Depuis, le Parlement européen à Strasbourg, ensuite à Bruxelles, a adopté une résolution dans laquelle il demande à ce que la Minurso (Mission des Nations-Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental) élargisse ses prérogatives à la défense des droits de l’Homme, l’une des principales exigences du Front Polisario depuis longtemps.
La Commission européenne, on le sait, maintenant, a longtemps hésité avant de faire appel de la décision de justice européenne invalidant, illico presto, l’Accord agricole avec le Maroc. Non pas que les Européens aient été satisfaits de la décision des juges du Luxembourg, mais parce qu’ils savent qu’ils n’ont aucune chance d’obtenir l’annulation de l’arrêt. La commissaire aux relations extérieures et à la défense commune, Federica Mogherini, numéro 2 en définitive du gouvernement de l’UE, faisant valoir dans d’interminables réunions autour de la question, qu’il ne servirait à rien d’engager des avocats, de solliciter des «conseils» à engraisser alors que l’issue est connue. Les magistrats de la cour d’appel ne casseront pas le premier jugement, un arrêt «blindé».
Le président Jean-Claude Juncker a même dit, en coulisses : «Le Maroc ne veut pas regarder les choses en face, au lieu d’aller négocier avec le Polisario, il s’entête à proposer des formules auxquelles plus personne ne croit.» Entre-temps, des informations parvenant de Suède font état de l’imminente reconnaissance par ce pays de la République sahraouie, la RASD. Les Suédois l’ont dit et donc le feront, tout le monde, ici, en est conscient.
Même la Belgique, traditionnellement si discrète, si vicieuse en relations internationales, s’y met et évoque le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
La semaine dernière, au Parlement belge, plusieurs députés ont pris la parole pour exhorter l’Union européenne à ne pas prendre ses distances avec le droit international concernant le Sahara occidental.
Juste retour des choses ou ironie de l’histoire, l’Espagne, qui a permis au Maroc la colonisation du Sahara occidental en lui servant la soupe, est sur le point de corriger un crime à nul autre pareil.
La fin du bipartisme dans ce pays signifie, aussi, que les complicités du Parti socialiste et de la droite populaire avec Rabat concernant le Sahara occidental ne peuvent plus être aussi ouvertement assumées.
Les forces montantes dans l’échiquier politique, Podemos et Ciudadanos, ont inscrit dans leurs programmes la question sahraouie. Même au sein des forces traditionnelles, droite conservatrice et PSOE, les nouveaux dirigeants ne sont pas sur la même ligne que leurs aînés, tout en pharisianisme, en duplicité et en corruption.
C’est ainsi. Il n’est pas de colonialisme éternel. Ni au Sahara occidental, ni ailleurs.
A. M.
Le Soir d’Algérie, 22/12/2015
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