Exploitation des richesses du Sahara Occidental – La France prend ses distances
La France a-t-elle décidé de mettre un terme à son soutien au Maroc sur le dossier du Sahara occidental ? Les faits récents montrent qu’il y a au moins un petit changement : d’abord la compagnie pétrolière Total a décidé, cette semaine, d’abandonner la prospection des hydrocarbures sur les eaux profondes du Sahara occidental.
Pour sa part, Engie (ex-GDF Suez) n’a pas postulé à la présélection des entreprises qui devront réaliser une centrale photovoltaïque à El Ayoun, sur les territoires occupés du Sahara occidental. A Rabat, on considère que c’est la diplomatie algérienne qui est derrière le retrait des entreprises publiques françaises.
Le rêve évaporé
En 2011, la compagnie Total avait obtenu un permis de recherche et d’exploration d’une superficie de 100 mille kilomètres carrés au large d’Anzarane, situé sur les territoires sahraouis.
Un projet tellement ambitieux que le Maroc se voyait déjà dans le gotha des monarchies pétrolières.
L’attribution de ce permis de recherche avait soulevé la protestation de plusieurs ONG, notamment Western Sahara Resource Watch. Dans une déclaration publique, cette organisation avait noté que, par ce geste, «Total compromet directement les efforts de paix de l’ONU et sabote le droit international. Nous lançons un appel à la société pour reconsidérer immédiatement son implication», avait déclaré Erik Hagen, président de l’ONG.
Prise dans l’étau du droit international et les pressions des ONG, la compagnie française devait riposter conjointement avec l’Office marocain des hydrocarbures et des mines (Onhym). Dans une déclaration commune diffusée le 19 décembre 2013, l’Onhym et Total «notent que les secteurs des mines et des hydrocarbures au Maroc sont libéralisés et que l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles d’hydrocarbures obéissent aux principes et aux normes internationaux, à la législation nationale pertinente et notamment le code minier, le code des hydrocarbures et la loi sur l’environnement». Avec encore plus de mépris envers les ONG, les sociétés française et marocaine ajoutent que «les populations locales et leurs représentants sont consultés et associés et qu’elles en bénéficient effectivement et équitablement. L’exploration et l’exploitation des ressources naturelles d’hydrocarbures contribueront d’une manière transparente au développement des régions concernées».
L’exploitation de ce même permis avait été portée, en 2001, devant le Conseil de sécurité qui avait demandé une expertise juridique sur la question. Le 29 janvier 2002, le conseiller juridique, secrétaire général adjoint aux affaires juridiques, Hans Corell, notait que «si des activités de prospection et d’exploitation devaient être entreprises au mépris des intérêts et de la volonté du peuple du Sahara occidental, elles contreviendraient aux principes de droit international applicables aux activités touchant aux ressources minérales des territoires non-autonomes».
En dépit de cette gifle, Total a repris, en 2011, les explorations sur le permis d’Anzarane, en profitant de l’agitation du printemps arabe.
Etrangement, depuis le début des opérations d’exploration, Total n’a jamais communiqué sur les réserves que recèle ce permis, alors que la partie marocaine évoquait, en off, des milliards de mètres cubes de gaz et des quantités similaires de pétrole.
Mais voilà qu’au cours de cette semaine, Total a montré sa volonté d’abandonner le permis sous prétexte que les résultats de l’exploration ne sont pas encourageants.
Cette décision est intervenue quelques jours seulement après la suspension par la communauté européenne des accords agricoles signés avec Rabat. La Cour de justice européenne justifiait cette décision par le fait que «le Conseil de l’Union européenne n’a pas vérifié si l’exploitation des ressources naturelles du Sahara sous contrôle marocain se faisait ou non au profit de la population de ce territoire».
Dans le même sillage, la compagnie française Engie n’a pas participé, au début du mois en cours, à la préqualification lancée par l’Agence marocaine de l’énergie solaire (Masen) pour la sélection des sociétés qui devront participer à la réalisation du projet d’une centrale photovoltaïque à Layoune, au Sahara occidental.
L’ombre de Lamamra
A Rabat, on pense que c’est Alger qui a exercé des pressions sur les sociétés françaises. Il est dit que c’est le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qui a pesé de tout son poids sur les compagnies françaises à l’occasion de la tenue de la COP21, la semaine dernière à Paris.
On relie ce retrait également avec la visite organisée, il y a quelques jours à Oran, au profit des sociétés françaises sur les sites de la Sonatrach. Les responsables de 15 sociétés françaises se sont en effet rendus aux différentes installations de l’aval algérien et certaines d’entre elles ont même signé des contrats de partenariat avec des entités algériennes.
La partie marocaine pense que les entreprises françaises ont changé de cap, en craignant la réaction algérienne. Ils rappellent souvent le sort qui a été réservé à Siemens. Celle-ci avait participé à la réalisation d’une centrale éolienne sur les territoires occupés du Sahara occidental. Depuis lors, elle n’a bénéficié d’aucun projet de réalisation en Algérie, malgré le fait qu’elle ait soumissionné dans pratiquement tous les appels d’offres pour la réalisation de centrales électriques.
Mokhtar Benzaki
Le Soir d’Algérie, 24/12/2015
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