Sahara Occidental: Pourquoi Ban ki-moon n’a pas rencontré Mohamed VI
par Ghania Oukazi
Des sources diplomatiques onusiennes affirment que le secrétaire général des Nations-Unies et le roi du Maroc sont convenus de se rencontrer, en juillet prochain.
Ce n’est pas tellement la date de la rencontre qui pose problème, aux deux responsables, même si le roi du Maroc a prétendu que son agenda ne lui permettait pas d’être dans son pays, lors de la dernière tournée du SG de l’ONU, dans la région. Le dilemme porte, en lui-même, une problématique complexe qui risque de ne pas être traitée, selon les usages diplomatiques et notamment, conformément aux principes des Nations-Unies dont, le plus en vue est le respect des libertés des peuples et leur droit de décider, souverainement, de leur sort et de leur avenir. L’on susurre, en effet, dans les milieux diplomatiques qu’il est très probable que Mohamed VI voulait accompagner Ban Ki Moon, à El-Ayoun occupée, ce qui aurait mis ce dernier dans une situation embarrassante. Il est fort probable que les deux responsables aient choisi, de commun accord, de ne pas se rencontrer, pour cette fois, et ce, pour éviter que le premier ne mette le second dans l’embarras parce qu’il aura approuvé de fait, une situation de colonisation. Embarras qui lui aurait coûté une sortie par la petite porte des Nations-Unies, puisqu’il ne lui reste que quelques mois pour terminer son second mandat. Il est évident, comme le soulignent nos sources, que Ban Ki Moon aurait préféré rencontrer le roi du Maroc, lors de sa dernière visite, pour que son déplacement, dans la région lui aurait servi à «écouter» les deux parties, en conflit depuis plus de 40 ans, sur la propriété et l’identité du Sahara Occidental.
Le SG de l’ONU s’est dit satisfait d’avoir eu à discuter avec le premier responsable du Front Polisario et d’avoir visité la base de la Minurso, la mission onusienne du maintien de la paix dans les territoires occupés, par le Maroc. Mais il a certainement, ressenti ce goût d’inachevé d’une mission qui lui tenait à cœur mais qui a été amputée d’un élément important de l’échiquier maghrébin, en l’occurrence le Maroc. «C’est bien que cette visite se soit passée, sans incident, avec le roi du Maroc, le SG de l’ONU s’en est sorti apaisé, mieux vaut qu’il ne l’ai pas rencontré que s’il l’aurait mis, très mal à l’aise, » affirment nos sources.
Appréhensions onusiennes
Ce qui ne règle pas le problème pour autant. Les deux responsables sont, certes selon nos sources, convenus de se rencontrer, en juillet prochain, mais rien ne dit que Mohamed VI ne demandera pas à accompagner Ban Ki Moon, à El-Ayoun.
Les diplomates onusiens croisent, d’ores et déjà, les doigts pour que le responsable onusien ne subisse pas cet affront. Lui qui a déclaré être, profondément, attristé par la situation désastreuse, dans laquelle vivent les réfugiés sahraouis et ce, à force d’être privés de leurs droits les plus élémentaires par le royaume marocain. Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra a bien souligné l’exigence de la résolution de ce long conflit, par la conclusion du processus de décolonisation des territoires sahraouis. Il a rappelé la nécessité d’organiser un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, sous l’égide des Nations-Unies qui devront, par les soins de la Minurso, lui assurer des conditions acceptables par les Sahraouis et par la Communauté internationale.
Cette position immuable de l’Algérie est largement partagée par le SG de l’ONU qui promet de faire, son possible pour libérer «ce peuple oublié par le monde, depuis plus de 40 ans.» Le temps qui lui reste de son mandat ne lui permettra, certainement, pas de convaincre de la réalisation d’un vœu, aussi légitime. Les hésitations entretenues, notamment par les Etats-Unis et la France, sur l’adoption d’une solution juste et équitable de ce conflit, ne sont pas, non plus, pour l’aider à le faire.
Ban Ki Moon a, quand même, décidé de convoquer prochainement, à Genève, une conférence des donateurs pour aider les réfugiés sahraouis à financer ses besoins alimentaires. L’on sait que le Programme alimentaire mondial (PAM) qui leur est destiné se débat, dans des difficultés financières accrues. L’idéal, pour ses responsables, est de pouvoir assurer annuellement, la collecte de 23 millions d’euros, un montant qui, «bien réparti» peut les couvrir. Mais l’on sait qu’il a diminué, ces dernières années de 25%, à cause, disent nos sources, de plusieurs facteurs.
Restrictions budgétaires
et agitations politiques
L’Union européenne, à elle seule, a revu sa quote-part à la baisse d’un million d’euros, pour des raisons entre autres, de politique interne. Il est dit qu’« une poignée de parlementaires européens» lui forcent la main pour ne pas trop dépenser le budget de l’institution. Parlementaires qui sont de surcroît, membres de la Commission du budget de l’UE. S’ils ne représentent pas leur pays d’origine, l’on affirme qu’ils ont chacun pour ce qui le concerne, des attitudes pas très «sympathiques », envers la cause sahraouie. Ce qui aide l’UE à rester discrète à ce propos. Il y a, aussi, les effets des baisses successives de l’euro, par rapport au dollar, qui ont réduit la marge de manœuvre des responsables du PAM, dans leur quête d’achat des produits alimentaires sur les marchés mondiaux. Les plus importants donateurs du PAM sont les Etats-Unis et l’Union européenne talonnées de très près par la Suisse et l’Espagne pour entraîner, très loin, après eux, le Canada, l’Irlande et autres petits donateurs.
Notons que l’Espagne, par exemple, a été secouée par la crise économique et financière mondiale. Ce qui ne lui permet pas, toujours, de cotiser sans compter ses sous. La conjugaison de ces facteurs a fortement, diminué les moyens du programme onusien, au profit des Sahraouis qui risquent de voir leur «panier» réduit à ses proportions les plus incongrues. Bien que l’Algérie « offre » ses territoires depuis près de 40 ans, aux réfugiés sahraouis, l’on lui fait le reproche de ne pas aider le PAM «financièrement ».
Il est rappelé qu’il y a plus de 10 ans, elle a remis une grande quantité de riz qu’on dit venu du Vietnam, un pays qui devait rembourser une dette contractée auprès de l’Etat algérien.
Les instances onusiennes souhaiteraient, vivement, que l’Algérie finance quelques «programmes» alimentaires. Mais en ces temps de vaches maigres, il lui est, quasiment impossible, d’inscrire des dépenses supplémentaires, dans son budget, fortement, amenuisé par la chute du prix du pétrole.
L’Algérie face à ses fondamentaux
Pas seulement. Avec les lourdes menaces qui pèsent sur les frontières du pays, il est clair que les besoins en logistique de l’Armée nationale ont augmenté d’une façon substantielle. Tous les moyens militaires sont mis pour protéger, notamment, les frontières est et sud, des infiltrations de terroristes, d’armes, de trafic de drogues dont le SG de l’ONU lui-même, en a fait part, lundi, dans le point de presse qu’il a animé, aux côtés du MAE.
La déclaration de Ramtane Lamamra, le 24 février dernier, sur la situation en Libye, laisse entendre, clairement, que l’Algérie subit de grosses pressions pour qu’elle intervienne, militairement, en Libye. « Personne n’entraînera l’Algérie, dans une intervention militaire en Libye,» a-t-il déclaré. Son rappel des principes constitutionnels de la non-ingérence, dans les affaires internes des Etats et du refus de l’Algérie de sortir son armée, hors de ses frontières, est de tout temps, insistant. Tout autant que la nécessité de trouver une solution politique et pacifique à la crise libyenne et lui éviter «une intervention militaire étrangère dont on peut se passer,» a précisé le MAE. La résolution du conflit sahraoui et de la question palestinienne constituent, aussi, en permanence, des revendications algériennes. Le SG onusien a dû l’entendre, à tous les niveaux des discussions qu’il a menées avec les autorités algériennes, durant sa dernière visite qui a pris fin, hier. En janvier 2017, Ban Ki Moon devra quitter son poste mais en septembre, l’organisation onusienne saura qui la dirigera pour les quatre années à venir. Comme noté, dans notre édition du lundi, les pronostics tablent sur l’arrivée de la Bulgare Irini Bokova, l’actuelle directrice générale de l’Unesco. Un choix, qui s’il arrive à être retenu, plaira bien aux Etats arabes qui soutiennent les causes justes comme l’Algérie. Pour rappel, c’est sous l’égide de Bokova que la Palestine a été admise comme membre, à part entière, au sein de l’Unesco. Dès l’annonce de cette importante décision, la directrice générale avait fait face aux menaces des puissants, en premier, les Etats-Unis, de suspendre leur cotisation.
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