Par Amine Bensafi
Le Parlement marocain a réuni ses deux chambres hier. Ce matin, des manifestations sont prévues dans les rues de la capitale. Rabat s’enfonce dans le rejet des décisions de l’ONU. Les autorités marocaines le savaient à l’avance, la tournée du Secrétaire général de l’ONU dans la région allait sérieusement mettre à mal le projet d’autonomie du Sahara occidental dans lequel elles s’investissent depuis des années.
Dans les camps de réfugiés sahraouis, à Tindouf, Ban Ki-moon a indiqué que sa visite lui a permis de constater de visu les «souffrances du peuple sahraoui et d’examiner les moyens de réaliser une avancée dans le processus de règlement du conflit qui dure depuis plus de 40 ans». A Alger, il a affirmé que les Sahraouis «ont le droit à la dignité, à la protection de leur droits humains et surtout à jouir de leur droit à l’autodétermination».
Pour avoir balayé les doutes et relancé l’exigence onusienne d’un référendum d’autodétermination du Sahara occidental, Ban Ki-moon a également conforté la position du Front Polisario qui signe ainsi une victoire diplomatique incontestable et éclatante. Cela on le savait. Mais à quel point cette tournée a-t-telle rétabli l’équilibre dans le dossier sahraoui ? On le découvre seulement aujourd’hui, c’est-à-dire une semaine après que Ban Ki-moon ait rejoint son bureau à New York, avec l’annonce d’une session extraordinaire du Parlement marocain, qui a réuni ses deux chambres hier après-midi en présence du Premier ministre, Abdel-Ilah Benkirane, pour entériner ce qui n’est en définitive qu’une nette dégradation des relations entre le Maroc et le Secrétariat général de l’ONU.
Tous les partis politiques marocains représentés au Parlement, dans une démarche que la presse locale qualifie de «spontanée» et dont les chefs se seraient réveillés le même matin avec la même idée en tête, ont interpellé le gouvernement marocain au sujet des déclarations de Ban Ki-moon sur le Sahara occidental.
Rabat avait déjà exprimé son rejet de la position du SG de l’ONU qui, pourtant, n’a fait qu’appeler au respect du droit du peuple sahraoui à déterminer par lui-même son avenir, en s’adossant aux résolutions de l’ONU et plus spécialement celles du Conseil de sécurité. Ban Ki-moon avait aussi appelé à relancer le dialogue entre le Maroc et le Front Polisario, sans vouloir imposer ce qui, cependant, constitue des résolutions de l’ONU qui font force de droit international. Mais, comme toujours, refusant la légalité internationale, les autorités marocaines rejettent tous ces principes et entendent lancer une importante marche «spontanée» à Rabat qui devrait avoir lieu aujourd’hui, avec les partis satellites du Makhzen et autres organisations dites de masse.
Les autorités de Rabat pourront toujours s’agiter, la réalité est bien là : l’occupation du Sahara occidental, qu’il leur arrive de temps à autre de penser qu’elle finira bien par s’imposer comme un fait accompli, se révè- le de plus en plus coûteuse. En tournant le dos au Secrétariat général de l’ONU, Rabat démontre qu’il n’a aucun respect pour le droit international. Mais avant ce coup de froid historique avec l’instance onusienne, le Maroc est déjà entré dans une spirale négative avec son partenaire le plus important, l’Union européenne et cela, au lendemain d’un gel des contacts en raison de l’annulation de l’accord agricole conclu en 2012. Toujours à cause du Sahara occidental !
A ce net recul de la diplomatie marocaine s’ajoute depuis toujours son isolement sur la scène continentale par rapport à l’Union africaine dont il n’est pas membre depuis l’adhésion de la Rasd (alors que l’UA milite en faveur de la libération de Ceuta et Melilla). Pour Rabat, qui semble pris de panique et qui ne manquera pas à brève échéance, comme toujours, de s’en prendre à Alger, il s’agit de l’une des heures les plus difficiles dans ses relations internationales. Un véritable coup dur après que Ban Kimoon ait enfoncé un premier clou sur le cercueil du projet d’autonomie.
Les Débats, 13/03/2016
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