Par Noureddine Khelassi | 14-03-2016
Ban Ki-moon a réagi fermement au communiqué du gouvernement marocain qui a été d’une rare virulence et d’une surprenante outrecuidance à son endroit, après ses déclarations qualifiant le Sahara occidental de territoire occupé par le Maroc. Le SG de l’ONU renvoie donc Mohamed VI dans les cordes et à ses chères études. Il lui rappelle que «le statut du territoire du Sahara occidental reste à déterminer, car il est un territoire non autonome». Et il enfonce encore le clou : ce fait est «reconnu par tous les États membres de l’ONU, y compris le Maroc», et se trouve «consigné dans les résolutions annuelles de l’Assemblée générale adoptées sans vote». Le Secrétaire général des Nations unies lui rappelle également que «le Conseil de sécurité avait demandé à l’ONU de faciliter les négociations visant à une solution politique mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental». Cette réponse diplomatique, mais néanmoins cinglante, était attendue après les propos insultants tenus par le gouvernement marocain à son égard. Des accusations graves comme «complaisance injustifiée», «propos inappropriés politiquement», «contraires aux résolutions du Conseil de sécurité» et tenus par un Ban Ki-moon qui aurait «cédé au chantage de parties». En fait, ce qui a provoqué le courroux royal ce ne sont pas seulement les propos justes et appropriés du SG de l’ONU, mais aussi son engagement pour que la Minurso organise le référendum d’autodétermination «si les deux parties sont d’accord». On le voit bien, cet engagement met à mal le Plan d’autonomie limitée comme «seule solution crédible et réaliste». L’ire du palais royal est encore accentuée par la volonté personnelle de Ban Ki-moon de réunir une conférence des donateurs avant juin, court-circuitant ainsi «les Marocains et leur allié français qui font tout pour couper les aides humanitaires de l’UE» aux Sahraouis. En rappelant que le Sahara occidental relève d’une occupation, précisément d’un fait accompli colonial, même si le mot «colonisation» n’est pas utilisé, le Sud-Coréen fait implicitement écho aux conditions historiques de l’annexion marocaine de Saguia El Hamra et Rio de Oro colonisés alors par l’Espagne. Il faut rappeler d’abord que le roi Hassan II, avant d’annexer, en deux temps, ces deux territoires, avait proposé à l’Algérie et à la Mauritanie un partage à trois. Le président Houari Boumediene avait rejeté cette offre en rappelant que Saguia El Hamra et le Rio de Oro appartiennent au peuple sahraoui qui doit avoir le premier et le dernier mot au sujet de leur possession. Après ce refus de principe algérien, le Sahara occidental fut partagé dans un premier temps entre le Maroc et la Mauritanie qui cédera plus tard sa partie à son voisin du Nord, faute de pouvoir la contrôler sur tous les plans. Mais il y a eu aussi une autre offre, mais pas de partage celle-là, et bien plus intéressante, formulée par Boumediene à Hassan II et au président Mokhtar Ould Dadda, et ce, au moment même où l’Espagne colonisait encore les territoires sahraouis. Cette offre, bien plus noble que le partage en trois tranches du Sahara occidental, plus un corridor proposé à l’Algérie pour acheminer ses minerais de Ghara Djebilet et de Leknadsa vers un terminal portuaire sur l’Océan Atlantique, avait été faite ainsi par Boumediene : On soulève le problème de la décolonisation du Sahara occidental, mais en cas de refus de l’Espagne de l’évacuer, on forme une armée de libération commune pour en chasser de force l’occupant. Un colonisateur qu’on forcerait aussi à quitter les enclaves de Ceuta et Melillia en territoire marocain. Cette proposition a été refusée par Hassan II qui a sorti ensuite, en 1975, la ruse tactique de la Marche verte. Cachant à peine sa colère, le président Boumediene a révélé tout ça dans un discours télévisé dont on ne trouve pas trace sur le réseau de partage You Tube… Il avait parlé alors de grande trahison et de lâcheté du monarque alaouite. Discours inoubliable. Il faut rappeler aussi d’autres faits tangibles d’histoire et de droit international. Le Rio de Oro et Saguia El Hamra, n’ont jamais été des territoires alaouites avant l’occupation espagnole. Ils ne furent pas non plus une terra nullius, mais des territoires habités par des tribus sahraouies dont certaines formulaient un acte d’allégeance intermittent et court dans le temps au roi du Maroc. Ces actes sporadiques d’attachement au Trône chérifien, n’ont pas été pris en compte par l’ONU pour les considérer comme des arguments juridiques valables pour décider le rattachement au Maroc. Depuis, l’ONU, dans aucune résolution ad hoc, aucun texte annexe, aucun addenda, n’a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, pas même celle de l’Espagne l’ancienne tutelle coloniale. Le processus de décolonisation du Sahara occidental est dans l’impasse en raison du refus systématique du Palais Royal d’accepter un référendum souverain. Refus encouragé systématiquement par la France, qui a le droit de véto au Conseil de sécurité. Le Sahara occidental est le dernier territoire au monde qui reste à décoloniser, exceptions faites des enclaves de Ceuta et Melilla et des ilots Persil en Méditerranée que le Maroc ne revendique pas à l’Espagne et n’a pas le courage politique ou l’audace militaire nécessaires pour les récupérer.
N. K.
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