par Maître Takioullah Eidda
Lors de sa dernière visite au Sahara Occidental et aux camps de réfugiés sahraouis, le Secrétaire Général des Nations-Unies, M. Ban Ki-Moon, a qualifié le Maroc de pays «occupant» du Sahara Occidental et l’a invité à permettre au peuple sahraoui d’exercer son droit à l’autodétermination. Il n’en fallait pas plus pour que le Maroc le qualifie à son tour d’ennemi, dont la position est contraire à son devoir de neutralité.
Pour y voir clair, parcourons les textes des résolutions de l’ONU, adoptées depuis 1960, ainsi que l’avis de la Cour Internationale de Justice (CIJ) de 1975.
A- RESOLUTION 1514 DU 14 DECEMBRE 1960 RELATIVE AU DROIT DES PEUPLES COLONISES DE DISPOSER D’EUX-MEMES:
«Article 5. Des mesures immédiates seront prises, dans les territoires sous tutelle, les territoires non autonomes et tous autres territoires qui n’ont pas encore accédé à l’indépendance, pour transférer tous pouvoirs aux peuples de ces territoires, sans aucune condition ni réserve, conformément à leur volonté et à leurs vœux librement exprimés, sans aucune distinction de race, de croyance ou de couleur, afin de leur permettre de jouir d’une indépendance et d’une liberté complètes.»
B- RÉSOLUTION 3458 DE 1975, AFFIRMANT LE DROIT DU PEUPLE SAHRAOUI DE DÉCIDER DE SON AVENIR :
«Article 5. Prend acte du rapport de la Mission de visite des Nations-Unies au Sahara Espagnol en 1975, et fait sienne sa conclusion selon laquelle des mesures devraient être prises pour permettre à tous les sahraouis originaires du territoire de décider de leur avenir en toute liberté et dans une atmosphère de paix et de sécurité, conformément à la résolution 1514 (XV).»
C- AVIS DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE RENDU LE 16 OCTOBRE 1975 NIANT AU MAROC TOUT DROIT SUR LE SAHARA OCCIDENTAL :
«La Cour a été saisie des questions sur lesquelles un avis consultatif lui est demandé par une lettre du Secrétaire général de l’organisation des Nations Unies au Président de la Cour datée du 17 décembre 1974 et enregistrée au Greffe le 21 décembre 1974. Dans cette lettre, le Secrétaire général porte à la connaissance de la Cour que, par la résolution 3292 (XXIX) adoptée le 13 décembre 1974, l’Assemblée générale des Nations Unies a décidé de demander à la Cour de donner, à une date rapprochée, un avis consultatif sur les questions énoncées dans la résolution.
1. Le Sahara occidental (Rio de Oro et Sakiet El Hamra) était-il, au moment de la colonisation par l’Espagne, un territoire sans maître (terra nullius)?
Si la réponse à la première question est négative,
2. Quels étaient les liens juridiques de ce territoire avec le Royaume du Maroc et l’ensemble mauritanien?
(Réponse à la question 1)
«Quelles qu’aient pu être les divergences d’opinions entre les juristes, il ressort de la pratique étatique de la période considérée que les territoires habités pas des tribus ou des peuples ayant une organisation sociale et politique n’étaient pas considérés comme terra nullius.»
(Réponse à la question 2)
«La Cour conclut que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n’établissent l‘existence d’aucun lien de souveraineté́ territoriale entre le territoire du Sahara occidental d’une part, le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien d’autre part. La Cour n’a donc pas constaté l’existence de liens juridiques de nature à modifier l’application de la résolution 1514 (XV) quant à la décolonisation du Sahara occidental et en particulier l’application du principe d’autodétermination grâce à l’expression libre et authentique de la volonté́ des populations du territoire.»
D- RÉSOLUTION 380 DE 1975 CONTRE LA «MARCHE VERTE» DU LE MAROC:
«Article 2. Demande au Maroc de retirer immédiatement du territoire du Sahara Occidental tous les participants à la marche.»
E- RÉSOLUTION 37/34 DE 1979, CONDAMNANT «L’OCCUPATION» DU SAHARA OCCIDENTAL PAR LE MAROC :
«Article 5. Déplore vivement l’aggravation de la situation découlant de l’OCCUPATION du Sahara Occidental par le Maroc et l’extension de cette OCCUPATION au territoire récemment évacué par la Mauritanie.»
F- RÉSOLUTION 43/33 DE 1988, ENTÉRINANT L’ACCORD INTERVENU ENTRE LE MAROC ET LE F.POLISARIO POUR L’ORGANISATION D’UN RÉFÉRENDUM D’AUTODÉTERMINATION:
«Article 6. Se félicite également de l’accord donné le 30 août 1988 par le Royaume du Maroc et le Frente Popular para la liberacion de Sagua El-Hamra y Rio de Oro aux propositions conjointes du Président en exercice de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Organisation de l’unité africaine et du Secrétaire général des l’Organisation des Nations-Unies en vue de la tenue d’un référendum d’autodétermination du peuple du Sahara Occidental, organisé et contrôlé par l’Organisation des Nations-Unies en coopération avec l’Organisation de l’unité africaine.»
G- RÉSOLUTION 658 DE 1990, AUTORISANT LA DÉSIGNATION D’UN ENVOYÉ SPÉCIAL POUR LE SAHARA OCCIDENTAL :
«Rappelant sa résolution 621 (1988) du 30 septembre 1988 par laquelle il a décidé d’autoriser le Secrétaire général à nommer un représentant spécial pour le Sahara Occidental et de demander au Secrétaire général de lui remettre dans les meilleurs délais possibles un rapport sur la tenue d’un référendum d’autodétermination du peuple du Sahara Occidental et sur les moyens à mettre en œuvre en vue d’assurer l’Organisation et le contrôle de ce référendum par l’Organisation des Nations-Unies en coopération avec l’Organisation de l’unité africaine. (…)
Article 2. Approuve le rapport du Secrétaire générale remis au Conseil conformément à la résolution 621 (1988) en vue de régler la question du Sahara Occidental, qui contient le texte intégrale des propositions de règlement telles qu’elles ont été acceptées par les deux parties le 30 août 1988 ainsi qu’un exposé du plan du Secrétaire général en vue de la mise en œuvre de ces propositions.»
H- RÉSOLUTION 690 DE 1991, DÉCIDANT LA MISE EN PLACE DU MINURSO :
«Article 3. Décide d’établir son autorité une mission des Nations-Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental conformément au rapport du 19 avril 1991.»
I- L’AVIS JURIDIQUE DU CONSEILLER JURIDIQUE DE L’ONU, HANS CORELL, S2002161 DU 12 FÉVRIER 2002, CONCLUANT À L’ILLÉGALITÉ DE L’EXPLOITATION PAR LE MAROC DES RESSOURCES NATURELLES DU SAHARA OCCIDENTAL:
«Il faut donc conclure que (…) si des activités de prospection et d’exploitation devaient être entreprises au mépris des intérêts et de la volonté́ du peuple du Sahara occidental, elles contreviendraient aux principes de droit international applicables aux activités touchant aux ressources minérales des territoires non autonomes.»
J- CONCLUSION :
Ban Ki-Moon est le Secrétaire général des Nations-Unies, dont les résolutions, comme on vient de les voir, ont qualifié le Maroc de pays «occupant» du Sahara Occidental. Elles ont affirmé aussi, à maintes reprises, le droit du peuple du Sahara Occidental à l’autodétermination suivant la tenue d’un référendum libre et transparent.
Par conséquent, Ban Ki-Moon ne peut et ne doit rester neutre au mépris de la légalité internationale constatée, déclarée et demandée par sa propre organisation et confirmée par la Cour Internationale de Justice (CIJ).
Le Maroc est donc mal placé pour faire des reproches à Ban Ki-Moon à cet égard et les brouhahas dans la rue et devant les micros des médias ne changent rien à cette réalité, devenue si incontournable qu’aucun pays au monde, pas un seul, ne lui a reconnu la moindre souveraineté sur ce territoire.
Pire, le 10 décembre 2015, la Cour Européenne a conclu que les pays membres de l’UE ne peuvent conclurent des accords avec le Maroc relatifs à des biens produits au Sahara Occidental, compte tenu de son occupation illégale de ce territoire.
Maître Takioullah Eidda, avocat Montréal, Canada
18.03.16
quebec171[at]gmail.com
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