Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, et son homologue français, Jean-Marc Ayrault, ont eu un accent inédit sur un sujet de divergence majeur pour les politiques étrangères de la France et de l’Algérie.
Il s’agit du processus contrarié de décolonisation du Sahara occidental, qui a été abordé avec une franchise révolutionnaire devant un parterre de journalistes et de diplomates.
La conférence de presse animée conjointement par le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, et son homologue Ramtane Lamamra, ministre d’Etat et MAE algérien, hier à Alger, a eu un accent inédit sur un sujet de divergence majeur pour les politiques étrangères de la France et de l’Algérie.
Il s’agit du processus contrarié de décolonisation du Sahara occidental qui a été abordé avec une franchise révolutionnaire devant un parterre de journalistes et de diplomates médusés.
De longues années que ce dossier oppose la politique extérieure de la France à la position algérienne pourtant en adéquation au droit international. Malgré sa prise en charge par les Nations unies, comme l’ont rappelé les déclarations du SG de l’ONU lors de son déplacement dans la région et les camps de réfugiés de Tindouf au début de ce mois, le contentieux sahraoui demeure un boulet handicapant dans le rapprochement entre Alger et Paris.
Credo anticolonial pour la diplomatie algérienne, soutien inconditionnel à l’occupation marocaine pour le Quai d’Orsay qui va jusqu’à utiliser son droit de veto au Conseil de sécurité, en faveur du colonisateur.
Mais, cette fois à Alger, il semblerait que l’abcès ait été crevé s’il faut se fier aux déclarations des deux conférenciers, le MAE français et le ministre d’Etat et MAE algérien, qui n’ont pas recouru à la langue de bois pour exprimer les positions de chacun des Etats.
Gêne et Minurso
« Concernant le Sahara occidental, la position de la France est toujours la même. Nous sommes pour que la Minurso puisse mettre en œuvre sa mission ». Jean-Marc Ayrault choisit de répondre d’abord à cette question en se tournant vers Ramtane Lamamra. Comme pour le prendre à témoin et se débarrasser de la gêne évidente que suscite la thématique. Le MAE algérien l’écoute en affichant une inébranlable sérénité.
Le chef de la diplomatie française explique alors comment son pays a tenté ces derniers jours de travailler dans le sens de l’apaisement entre le Maroc et l’ONU, faisant référence à la tension née des déclarations désobligeantes du makhzen à l’égard de Ban Ki-moon.
Message essentiel : « La France souhaite que le mandat de la Minurso qui arrive à expiration, soit renouvelé et que cette question délicate du Sahara occidental ne soit pas une pierre d’achoppement dans les relations entre la France et l’Algérie. » Jean-Marc Ayrault laisse alors la parole à Ramtane Lamamra.
La méthode Lamamra
Courtoisie et usage diplomatiques obligent, le ministre d’Etat et MAE algérien fait d’abord remarquer que la position de la France a beaucoup intrigué la presse algérienne avant de reconnaître « en toute franchise », et sous le sceau de l’amitié, que la question de la décolonisation du Sahara occidental représente le principal désaccord entre la politique de la France et celle de l’Algérie depuis des années.
Le constat énoncé avec le tact qui caractérise les déclarations les plus fermes du ministre algérien, comme ce fut le cas il y a quelques mois lorsque ce dernier dénonça « une ingérence de l’UE dans les affaires intérieures de l’Algérie ».
Ramtane Lamamra enchaîne alors sur « l’espoir de l’Algérie de voir la France aider véritablement au règlement de la question sahraouie dans le cadre de la légalité », autre formule qui ne manque pas de délicatesse en invitant cependant Paris à respecter entièrement la démarche onusienne concernant les territoires reconnus non autonomes.
Et de conclure : « Nous pensons que la France trouverait absolument un rôle à la mesure de son histoire, de son pouvoir et de ses responsabilités dans le soutien et la conduite d’un processus qui permettra au Maghreb arabe d’aller vers un destin collectif et unitaire avec la satisfaction du droit naturel du peuple sahraoui à l’autodétermination. »
Jamais, de mémoire de journaliste, un ministre algérien des Affaires étrangères n’aura été aussi clair en présence de son homologue français quant à ce différend diplomatique presque tabou lors des séquences de rapprochement franco-algérien. La méthode Lamamra consiste à se dire les choses en face, au nom de l’amitié et du partenariat d’exception.
Le ministre français Jean-Marc Ayrault, qui n’a pas montré d’agacement, pourra-t-il prendre acte des attentes algériennes en les transformant en mesures au profit d’un peuple opprimé ? C’est au Conseil de sécurité de l’ONU, après la publication du rapport de Ban Ki-moon prévue pour la fin du mois d’avril, que nous en apprécierons la conviction.
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