Entre Alger et Paris, c’est la raison économique et le partenariat raisonné

Le ministre des Affaires étrangères et du développement international français, Jean-Marc Ayrault, est aujourd’hui à Alger pour une visite officielle. S’il s’agit de son premier déplacement en Algérie en sa qualité de chef de la diplomatie, le séjour de l’ancien Premier ministre de François Hollande n’est pas exceptionnel. Il s’inscrit dans la continuité d’un mouvement régulier de voyages officiels de responsables de l’Exécutif socialiste, avec comme point d’orgue, la visite du chef de l’Etat français lui-même, en juin 2015. 
La présence dans la capitale algérienne de M. Ayrault précède et prépare celle du Premier ministre Manuel Valls. Il sera question cette fois-ci encore d’approfondir davantage des relations bilatérales de plus en plus marquées par la raison économique, fil rouge d’un partenariat raisonné. «Les relations entre la France et l’Algérie peuvent être bonnes ou mauvaises, en aucun cas elles ne peuvent être banales». Ce constat vaut axiome. Il a été établi en 1974 par Abdelaziz Bouteflika, alors jeune ministre des Affaires étrangères d’une Algérie guide révolutionnaire du tiers-mondisme non aligné. 
Si le temps a beaucoup passé, la relation entre l’Algérie et la France reste compliquée et est toujours singulière. Malgré l’intention récurrente d’Alger et de Paris de la «refonder». De lui donner un nouveau souffle en lui redonnant à chaque fois un nouveau départ. Assez souvent, les deux capitales se rapprochent puis s’éloignent à nouveau. Mouvement de pendule, flux et reflux. Avec, ces dernières années, la volonté de les «normaliser» encore plus grâce à la raison des affaires. On ne parle plus donc que de partenariat qui serait «d’exception» et de «grande dimension». 
En effet, les coups de froid et les coups de sang ont eu en réalité assez peu d’effet sur la coopération multiforme entre les deux pays. À ce jour, la France, devancée de peu par la Chine depuis 2013, entend rester le premier partenaire économique de l’Algérie. Elle est déjà son quatrième partenaire commercial et le premier investisseur étranger hors hydrocarbures. Les fluctuations de la météo diplomatique, notamment le positionnement partial et systématiquement favorable aux thèses du Maroc dans le dossier du conflit du Sahara occidental, n’ont pas empêché pour autant le renforcement de rapports déjà étroits entre les peuples. Notamment à travers la présence en France d’une importante communauté algérienne. Attaches culturelles étroites, mais surtout liens de sang versé et mêlé. 
Côté français, il y avait au départ la volonté du général de Gaulle de faire de la relation franco-algérienne «le symbole d’une nouvelle forme de coopération postcoloniale exemplaire». En fait, l’ex-colonisateur et l’ancien colonisé peuvent-ils avoir désormais des rapports normaux alors qu’ils ont des liens si particuliers ? Les deux pays ont souvent entretenu des rapports cyclothymiques. Avec des troubles de l’humeur des uns et des autres. Et des crises mémorielles parfois mémorables, de part et d’autre, favorisant une alternance de périodes d’euphorie et des temps de dépression. 
Dans les phases d’optimisme raisonnable et de satisfaction modérée, la raison des affaires reprenait le dessus. Et dans les étapes de pessimisme excessif et d’irritabilité partagée, les gros contentieux et le poids mémoriel lestaient lourdement la relation bilatérale. Et freinaient pour un temps les élans de la coopération. Mais depuis une douzaine d’années, on fait, ici et là-bas, assaut de pragmatisme. On parle donc de normalisation en mettant en avant la logique froide des intérêts.
N. K.

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