De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari
Tensions et dissensions à Bruxelles sur le dossier sahraoui. Minutes.
Hier à 16h dans l’une des salles appropriées du Parlement européen (PE) se tenait une réunion exceptionnelle de l’inter-groupes «Paix pour le peuple sahraoui». Juste à côté dans une autre place forte de la Chambre de l’UE, Louis Michel, eurodéputé «mais pas que» — ex-ministre des AE, ex-chef du Parti libéral francophone, père de l’actuel chef de gouvernement du royaume de Philippe et de l’altière Mathilde — animait autour d’un documentaire «Sahara occidental, sources et ressources» des débats autour de la question. Les eurodéputés regroupés pour la défense de l’autodétermination du peuple sahraoui, nombreux et représentant l’essentiel des groupes parlementaires se méfient de la démarche Michel.
Ils le soupçonnent de rouler pour le Maroc et de vouloir phagocyter par des tours de passe-passe l’actuel élan de solidarité européen en faveur d’une solution juste, définitive, durable et, surtout conforme en droit international au problème de l’ex-colonie espagnole.
Louis Michel, il est vrai, n’a jamais apporté un soutien quelconque au plan de paix onusien et n’est pas identifié sur le dossier, comme pouvant être d’un arbitrage sincère.
Les gorges profondes bruxelloises et les salles des pas perdus de la prestigieuse représentation européenne le donnent même comme un lobbyiste roulant pour le palais royal… marocain. Selon des indiscrétions recueillies sur place, l’ex-chef de la diplomatie belge ne serait pas, ne serait plus, dans cet état d’esprit. Il veut se positionner comme interlocuteur des deux parties Maroc et Polisario, en vue d’une probable reprise des négociations.
Ce n’est pas l’avis de l’intergroupes. Mohamed Sidati, ministre sahraoui, délégué auprès des institutions européennes est plus intéressé par la réunion du groupe parlementaire que du spectacle Louis Michel… Cette activité débordante sur le Sahara occidental indique, toutefois, des pistes d’analyse que l’actualité accrédite.
A la veille de ce remue-ménage parlementaire, une délégation de «Western-ressources-Sahara» était dans la capitale européenne où elle avait rencontré les principaux responsables tant du Conseil, du Parlement que de la Commission, gouvernement de l’Europe.
Cette puissante ONG, dont les actes font autorité ne cesse de rappeler l’Europe à ses obligations envers le peuple sahraoui et de souligner le caractère «urgent» et «impératif» de protéger les richesses naturelles sahraouies du colonialisme et de la prédation marocaine en attendant l’organisation du processus référendaire.
Le rappel de «Western-R.-Sahara» s’inscrit en droite ligne de l’annulation par la Cour européenne de justice de l’Accord agricole UE-Maroc qui englobait le territoire du Sahara occidental, non autonome et relevant de la doctrine des Nations-Unies en matière de décolonisation.
Dans la même veine, l’eurodéputée Paloma Lopez Bermejo apporte l’information — vérifiée — selon laquelle un juge britannique a introduit un recours contre les «arrangements halieutiques» entre Bruxelles et Rabat, en définitive contre les actes de brigandage sur la façade atlantique sahraouie auxquels se livrent l’UE et le Maroc.
Là aussi, la justice britannique ne fera pas de cadeaux aux pirates, l’Accord de pêche sera invalidé et tout indique que les Européens le savent, d’où leur recherche d’une solution négociée à laquelle consentirait le Front Polisario. D’où, sans doute, les mouvements «Michel».
Paloma Lopez ajoutant aussi «l’Europe fait preuve de lâcheté vis-à-vis du Maroc». Comme Mme Lopez est membre actif du groupe interparlementaires, l’orientation générale de l’UE sur la question est vite assimilée. D’autres sources affirmant même qu’au niveau de la Commission européenne, des dissensions apparaissent sur le traitement de l’arrêt de justice européen et son suivi.
Le président Jean-Claude Juncker et sa numéro 2, Fédérica Mogherini, n’étaient pas favorables à l’introduction de l’appel contre la décision des magistrats de Luxembourg et que seules des pressions franco-espagnoles ont permis cela. Juncker et Mogherini ayant, néanmoins, averti que nul ne doit s’attendre que le recours invalidera profondément le premier jugement et que chacun devra, alors, prendre ses responsabilités. Ambiance !
Bruxelles ne pourra plus assister le cambrioleur et se lamenter avec sa victime (tesrak maâ essarek ou tebki maâ moul eddar).
Luxembourg-City a rendu publics les actes de propriété.
A. M.
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