L’image du Maroc, pays d’accueil et de liberté serait-elle un leurre ?

Depuis plusieurs jours on ne compte plus les expulsions d’étrangers décidées par le royaume, journalistes de la chaîne Canal Plus et ce 7 avril 2016, huit avocats et juristes, belge, français, espagnols et leur coordinatrice, arrêtés dans leur hôtel ce mercredi 6 avril, retenus dans un commissariat de Rabat pendant 6 heures, menacés d’expulsion dans la nuit par Tanger, et en fait expulsés le lendemain matin 7 avril, dans le premier avion disponible.
Le gouverneur de la willaya comme le porte-parole du gouvernement et Ministre de la communication ont expliqué : « le royaume ne peut accepter qu’un groupe d’étrangers sème le trouble et porte atteinte à l’ordre public ».
En effet, ces avocats et juristes, forts de leur exigence du respect du droit, qui venaient à la rencontre des avocats des prisonniers politiques sahraouis, en grève de la faim depuis le 1er mars, représentent un réel danger pour l’Etat marocain et sa monarchie. Le royaume à l’extérieur s’affronte à l’ONU, aux institutions européennes, à son voisin l’Algérie et s’entête dans l’occupation du territoire du Sahara occidental, au mépris même de ses intérêts. A l’intérieur c’est répression et arbitraire pour tous ceux qui osent s’opposer publiquement à une monarchie autoritaire et affairiste.
Aussi qu’un groupe de prisonniers politiques sahraouis se permettent une grève de la faim de 37 jours pour simplement demander l’application du droit et refuser un verdict politique, c’est insupportable. D’autant plus insupportable que ces grévistes sont soutenus en Europe et aux Etats –Unis par les associations des droits de l’homme et qu’un collectif de juristes et d’avocats a organisé une mission sur place, pour mieux comprendre et soutenir leur revendication.
En même temps qu’il vante ses qualités d’accueil, l’Etat marocain ne manque jamais d’exalter sur toutes les tribunes, ses progrès démocratiques et fait croire par exemple à l’importance du CNDH, Commission nationale des droits de l’homme.
Le contexte de l’arrêt de la grève de la faim et de l’expulsion des avocats contredit cruellement ces prétentions démocratiques. Le CNDH a été normalement créé sur la base des principes de Paris qui requièrent l’indépendance de ce type d’institution. Au Maroc, pas d’indépendance et aucun rôle ! Le CNDH a attendu 32 jours pour visiter les grévistes de la faim sans relayer leurs revendications. Quand un responsable du CNDH s’est enfin décidé à les rencontrer et qu’au terme de longues et éprouvantes discussions, il a obtenu des grévistes la suspension de la grève au 37 éme jour, son rôle a été bafoué, contredit par cette mesure imbécile d’expulsion d’avocats, avocats que le CNDH devait rencontrer le lendemain.
Les avocats et juristes devaient également rencontrer plusieurs missions diplomatiques et tenir une conférence de presse dans les locaux de l’association marocaine des droits de l’homme, pour dénoncer l’injustice subie par les prisonniers sahraouis. Cette association ayant déjà subi des pressions pour empêcher cette rencontre.
Maître Bréham, avocat de l’association ACAT s’indigne : « arrêter et expulser des avocats agissant dans le cadre de leur mission de défense signe le mépris du Maroc pour les droits de la défense et les canons du procès équitable. Dérive autoritaire qui a abouti hier à la violation d’un des droits les plus fondamentaux, celui de choisir son avocat ».
Avec cette nouvelle expulsion, le Maroc s’efforce d’isoler les Sahraouis pour les empêcher de faire connaître leurs légitimes revendications à l’autodétermination, à la liberté d’expression et à des procès équitables. Le moment est-il bien choisi à la veille de la publication du rapport du Secrétaire général des Nations unies et de la réunion du Conseil de sécurité ? Ce coup de force sera-t-il comme souvent payant ? Nous venons d’apprendre par le point presse du Quai d’Orsay, que notre Ministre des Affaires Etrangères recevait ce 7 avril pour un dîner son homologue marocain. N’était-il pas opportun de reculer voire d’annuler ce repas et manifester ainsi d’un réel « mécontentement » officiel face à de telles pratiques ?
(Association des Amis de la République Arabe Sahraouie Démocratique)

Be the first to comment

Leave a Reply

Your email address will not be published.


*