Le Premier ministre français en Algérie – Une visite sur fond de tensions
par Moncef Wafi
Le ministre de l’Intérieur a emboîté le pas à son collègue des Affaires étrangères, protestant contre ce qu’Alger qualifie de campagne de presse hostile, à l’égard de ses institutions. Ce jeudi, et en marge d’une séance plénière, à l’APN, consacrée aux questions orales, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Nouredine Bedoui, a évoqué cette «ligne rouge à ne pas franchir», à propos de l’atteinte aux institutions constitutionnelles et à leurs symboles. L’objet de cette colère algérienne, la Une’ du journal français Le Monde’ illustrant son papier sur le scandale des «Panama papers» par la photo de quatre chefs d’Etat dont celle de Bouteflika et un chef de gouvernement. Pourtant, l’enquête menée, durant une année, sur le monde opaque de la finance offshore’ et des paradis fiscaux, par le International consortium of investigative journalists’ (ICIJ), en partenariat avec 107 médias, 378 journalistes, dans 77 pays du monde, n’a jamais cité le nom du président algérien. Par contre, celui de Abdeslam Bouchouareb, ministre de l’Industrie et des Mines, figure dans la liste des personnalités impliquées. En effet, et selon des documents consultés par Le Monde’, le ministre algérien a détenu une société établie au Panama, la Royal Arrival Corp’ (RAC) à travers la société de domiciliation d’entreprises offshore’ Mossack Fonseca. Le gouvernement algérien a réagi, aussitôt, à la Une’ du quotidien français. Alger a officiellement, protesté, lundi dernier, auprès de Paris et Lamamra de dénoncer «une campagne diffamatrice et manipulatrice, menée par Le Monde’ contre l’Algérie».
Le chef de la diplomatie algérienne a convoqué, deux jours plus tard, au siège de son ministère, l’ambassadeur français, Bernard Emie, auprès duquel il a élevé une protestation énergique, selon le communiqué des AE algériennes. Lamamra a dénoncé une campagne «malveillante et fallacieuse» excluant tout prétexte relatif à la liberté de la presse. Pour Alger, cette campagne de presse «a atteint son paroxysme, avec des manipulations diffamatoires délibérément, dirigées contre l’institution présidentielle», menées en France, dans différents médias et à travers d’autres activités publiques, toujours, selon la même source d’informations. Commentant la protestation de Lamamra, Bedoui l’a qualifiée d’ «appropriée».
En réponse, Le Monde’, et au lendemain de la protestation algérienne, a publié une précision dans son édition du 6 avril dans laquelle il est mentionné que «contrairement à ce que la photo en Une’ du Monde, daté du 5 avril (édition imprimée) a pu laisser croire, le nom du Président algérien, Abdelaziz Bouteflika, n’apparaît pas dans les «Panama papers». Ce sont des proches du chef de l’État qui sont soupçonnés d’avoir détourné une partie des ressources du pays (
)». Pour rappel, l’article en question est consacré à l’affaire Sonatrach-Saipem. Alger estime, également, que cette «campagne s’inscrit dans une campagne, plus large, qui cible l’Algérie de manière négative, depuis quelques temps».
C’est la première fois que la diplomatie algérienne se montre aussi virulente, envers son homologue française, croisant le fer deux fois, en l’espace de quelques semaines. Rappelons que Lamamra avait, vertement, interpellé Ayrault, le MAE français, lors de sa dernière visite, à Alger, sur le dossier sahraoui. Alger reprochant à Paris son alignement systématique, derrière le Maroc, concernant l’indépendance du Sahara Occidental. Cette brouille, entre les deux pays, intervient à quelques heures de la visite du Premier ministre français, à Alger, prévue, pour aujourd’hui, pour participer au 3ème Comité interministériel de haut niveau. Accompagné par une dizaine de ministres dont Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, Najat Vallaud Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, Audrey Azoulay, ministre de la Culture et Marisol Touraine, ministre de la Santé, il devra rencontrer son homologue algérien. Demain, et suivant le programme officiel, Valls présidera, avec Sellal, les travaux du Comité interministériel de haut niveau, un forum d’échanges, créé lors de la visite de François Hollande, en 2012.
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