Conférence de presse de Sellal et Valls: L’aveu «tardif» du Premier ministre français

par Ghania Oukazi
«Vous ne pouvez à aucun moment et jamais dire que nous avons touché à la liberté de la presse, mais un journal respecté et respectable s’est permis de porter atteinte à l’honneur et au prestige de la plus importante institution de ce pays». 
Les propos sont du Premier ministre et «la plus importante institution de ce pays», c’est la présidence de la République. Abdelmalek Sellal répondait, hier, à une question d’un journaliste sur le pourquoi des autorités algériennes d’avoir refuser le visa à des confrères français qui devaient accompagner leur Premier ministre, à Alger. Les deux premiers ministres ont animé, hier, une conférence de presse au Palais du gouvernement, après trois heures et demie d’entretiens. A ce journaliste français qui disait «exprimer son profond désaccord», sur ce refus algérien de visa et qui faisait part du boycott de certains médias français, de la visite de Manuel Valls, Sellal a répondu avec le sourire : «admirez toute cette presse qui est présente, aujourd’hui, vous êtes près de 86 journalistes, encore que je n’ai pas compté les photographes.» Le Premier ministre a affirmé qu’ «en Algérie, beaucoup d’efforts ont été déployés pour préserver la liberté de la presse, nous sommes un des rares pays qui l’a constitutionnalisée et qui a inscrit, dans sa Constitution, qu’un journaliste ne pourra, jamais, être emprisonné pour ses écrits.» Il note à propos du Monde qu’il qualifie de «journal respecté et respectable», qu’«il a publié une information fausse et a touché un symbole de ce pays.» Le Premier ministre convoque l’histoire coloniale pour lâcher à propos du Président Bouteflika, qu’il qualifie de «symbole de ce pays», que «jeune, il a été l’un des plus grands combattants pour l’indépendance de ce pays, après, il a donné toute sa vie, à l’Algérie.» Pour lui «aucun Algérien ne permet que le président de la République soit vilipendé, qu’on touche à cette institution.» Sellal rappelle à cet effet, que «la loi algérienne est claire, il est vrai qu’un journaliste ne doit pas être emprisonné mais on n’accepte pas un tel acte.» Sellal estime que «porter préjudice aux plus hautes institutions de l’Etat, peut créer la haine, il faut lutter contre la haine, ça fait partie de notre culture.» Il insiste, encore, qu’«on n’a pas touché à la liberté de la presse, on n’y touchera jamais, mais chacun de nous doit respecter les valeurs de l’autre, et s’interdire de toucher aux institutions et à la présidence de la République.» 
«Affection et soutien» de la France à Bouteflika 
Le Premier ministre français lui emboîte le pas à propos de ce que les autorités algériennes ont qualifié de «Une tendancieuse» pour noter que «grâce à l’engagement commun des Présidents Bouteflika et Hollande, on a pu assurer un caractère exceptionnel à notre relation. Comme l’a dit le Premier ministre, cette réunion est une démonstration éclatante ( …), pas dans les mots, l’écoute, l’amitié, le partenariat (…) que nous saluons (…), mais dans les actes que nous réalisons à travers cette relation, les grands dossiers dans la région, que nous partageons (…), nos échanges humains (…), ce qui se passe depuis 2012, c’est exceptionnel, rien ne doit entraver ce niveau exceptionnel, nous considérons que l’Afrique est ce grand continent pour l’Europe et pour la France et c’est ensemble que nous voulons bâtir cette relation de partenariat.» Le Premier ministre français continue sa plaidoirie, en faveur de l’Algérie, en soutenant que «je tiens à exprimer notre affection et notre soutien au Président Bouteflika, notre relation est basée sur la franchise et la sincérité mais nous avons, surtout, une vision commune sur les questions régionales, tout en notant que je connais l’Algérie et la liberté de ton de sa presse, nous en sommes parfois victimes, j’ai déjà eu l’occasion d’exprimer nos regrets, les messages sont passés, nous devons construire notre relation à travers les peuples et pour les peuples, nous sommes résolument tournés vers l’avenir.» 
En prélude à ces propos, Sellal avait précisé que «l’Algérie et la France font une même analyse, ont une même vision sur les conflits dans la région.» En notant que «la position algérienne et ce qu’elle fait pour la résolution de ces conflits, conforte la France,» il a fait savoir que «nous avons réitéré la position immuable de l’Algérie sur le Sahara Occidental (…), il y a une compréhension du côté français.» Il note l’insistance de l’Algérie sur la lutte contre le terrorisme qui, dit le Premier ministre «touche la civilisation humaine et notre position constante est de ne pas faire d’amalgame entre le terrorisme et l’Islam.» 
26 accords signés 
Il recommande à cet effet «d’aider les pays à mettre en place des plans et des projets pour lutter contre le terrorisme (…), on ne doit pas tomber dans des travers qui pourraient entraver cette relation, certains aimeraient troubler le climat entre les deux pays mais nous ne le permettrons pas, Alger s’est engagé d’aller de l’avant, dans tous les domaines, dans l’intérêt des deux pays, notamment, pour ce qui est de la circulation des personnes.» Il qualifie la réunion tenue, hier, du comité intergouvernemental algéro-français, de haut niveau, de «réunion exceptionnelle.» 26 accords ont été signés «tous très importants mais celui qui l’est plus c’est l’accord conclu entre les ministères de la Justice des deux pays qui portent sur l’entraide judiciaire,» précise-t-il. 
Manuel Valls a déclaré que «nous avons des discussions dans tous les domaines et sur tous les dossiers, nous devons œuvrer pour la stabilité.» A propos du Sahara Occidental, le Premier ministre français a dit que «la position de la France n’a pas changé, toute solution doit être trouvée dans le cadre de l’ONU et la France assume toutes ses responsabilités, en tant que membre du Conseil de sécurité.» Il soulignera à propos de la Libye qu’«il faut qu’il y ait la stabilité, lutter contre le terrorisme et l’anarchie.» 
Sur «tous ces dossiers, l’Algérie et la France travaillent ensemble et renforceront davantage leur rôle diplomatique et dans le renseignement,» ajoute-il. Il rappelle «le rôle important de l’Algérie dans le règlement du conflit au Mali, pour la stabilité» et estime que «les accords d’Alger doivent être mis en œuvre.» Pour Valls, «la France est très engagée, dans la lutte contre le terrorisme, nous savons combien l’Algérie en a souffert et le lourd tribut qu’elle a payé.» Bien que tardif, son aveu, à ce sujet est de taille. 
«Nous aurions dû, l’Europe, le monde, et la France, mieux comprendre ce qui s’est passé, durant les années 90 et les choix difficiles que l’Algérie a été obligée de prendre, elle qui a combattu, courageusement, le terrorisme,» a avoué le Premier ministre français. 
«Des menaces très fortes pèsent sur la France» 
Valls répondra à propos du «favoritisme français à l’égard du Maroc et les nombreux investissements qu’elle a réalisés dans ce pays,» en affirmant que «je m’inscris, totalement, en faux par rapport à cette analyse, nous, on ne se place dans un rapport avec un autre pays, l’Algérie est un très grand pays (…), la France qui est, aussi, une grande nation, nous avons signés ensemble des accords qui se traduisent sur le terrain (…).» Il conseille qu’«il faut sortir d’une vision caricaturale qui veut opposer l’Algérie et la France et mettre en cause leur relation, nous avons une relation exceptionnelle et rien ne la mettra en cause (…), ni même votre question.» Sellal a tenu à apporter un éclairage au partenariat qui lie les deux pays en précisant que «tout accord est un équilibre qui s’établit entre deux partenaires, nous n’intervenons pas directement, nous aidons, nous accompagnons mais nous voulons que ce partenariat soit orienté vers la croissance et la création d’emplois, c’est fondamental pour sortir du chemin des hydrocarbures.» Pour le Premier ministre «chaque partie veut gagner, nous devons continuer sur cette voie, le partenariat nous le permet, l’Algérie est un grand pays (…), il y a un potentiel que nous devons mettre sur la ligne de la croissance, on a besoin de partenaires, sur ce chapitre, nous nous sommes mis d’accord…» Interrogé sur les aveux donnés par Mohamed Abrini, arrêté en Belgique, Manuel Valls a dit «selon les déclarations du procureur belge, l’enquête a établi que le groupe qui a frappé la Belgique aurait eu l’intention de frapper la France, il y a une parfaite collaboration, entre la justice en France et en Belgique, laissons travailler la justice et les enquêteurs, pas la peine de supputer (…).» Il affirme surtout que «des menaces très fortes pèsent sur la France, c’est pour cela qu’on ne baissera pas la vigilance, la menace est là, présente, c’est pour cela que nous devons être, en permanence, mobilisés. Nous nous devons, tous les jours, d’avoir une pensée aux victimes des attentats.» Il remerciera l’Algérie pour «l’étroite collaboration que nous avons ensemble dans ce domaine (…)».

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