Entre Alger et Paris, pas d’amour mais que des preuves d’amour !

C’est un Français, le grand poète Pierre Reverdy qui le dit : il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. Les sentiments, s’il y en a, c’est bien, mais les actes c’est encore mieux. Du concert, il y en a eu donc au bout du 3e Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) algéro-français. 26 accords de coopération et une douzaine de contrats économiques conclus. Pour autant, entre l’Algérie et la France, est-ce «toujours un grand ciel bleu», c’est-à-dire sans nuages, comme le dit Abdelmalek Sellal avec son appétence légendaire pour le calembour et l’hyperbole ? 
Certes, entre Alger et Paris, il y a eu par le passé des cieux de traine, particulièrement changeants et dans lesquels se succédaient des averses, des éclaircies et des passages nuageux, voire parfois de l’orage et de la foudre. Mais ce n’est plus le cas depuis une décennie et un ciel de printemps assez dégagé caractérise la relation bilatérale. Mais ce ciel n’est pas tout à fait limpide et comporte quelques nuages plus ou moins gros. Il y a d’abord l’accord pour l’installation d’une usine d’assemblage de Peugeot-Citroën près de Relizane qui n’a pas été signé. Contre toute attente, la conclusion de ce contrat est reportée sine die. Le dossier était pourtant dans le parapheur, selon le ministre algérien de l’Industrie. Derrière d’apparentes raisons techniques, il y a peut-être des causes politiques
. Après avoir accepté une usine Renault produisant un modèle unique et destiné à répondre à une demande domestique exclusive avec 25 000 véhicules/an au démarrage, les Algériens ont peut-être décidé de demander au partenaire français d’installer une usine à taux d’intégration appréciable. Avec notamment une création d’emplois plus importante que les 800 postes directs et indirects de l’usine Renault d’Oran, un transfert technologique à la clé et une orientation de la production à l’export. Ce serait à saluer si tel était vraiment le cas. Contrairement à l’usine Renault en Algérie, celle de Tanger au Maroc est dédiée à la production des modèles Lodgy et Dokker, de l’emboutissage au montage en passant par la tôlerie et la peinture. Et l’usine répond à la demande locale et internationale de modèles d’entrée de gamme. Sa capacité de production annuelle initiale de 170 000 modèles devrait rapidement atteindre 400 000 véhicules l’an grâce à la mise en service d’une 2e ligne de montage. Sans compter l’usine Peugeot à Kénitra avec 90 000 véhicules par an, la fabrication de moteurs sur place et un taux d’intégration devant atteindre dès le départ 60%. Ajoutez à cela, le fait que Renault où l’Etat français est toujours actionnaire, vient de lancer un méga projet d’un milliard d’euros au Maroc, développant une plateforme mondiale d’approvisionnement. Le groupe français crée ainsi un écosystème de l’industrie automobile qui générera pas moins de 50 000 emplois permanents. En termes de taille, d’emplois et de ressources générées, l’usine Renault et celle à venir de Peugeot-Citroën en Algérie souffriront beaucoup de la comparaison. 
Encore une fois, il n’y a pas d’amour, mais que des preuves d’amour. A ce niveau, Abdelmalek Sellal a eu tout à fait raison de rappeler à Manuel Valls que «dans un partenariat, chaque partie doit gagner. Et que l’on ne peut pas concevoir de s’associer avec un partenaire français alors que l’on perde de l’argent». Rappel qui relève à la fois du patriotisme et du simple bon sens. 
Ajoutez encore à la relative modestie des investissements français en Algérie, en net recul ces trois dernières années, deux divergences fondamentales sur le terrain diplomatique. A savoir la question de la décolonisation au Sahara Occidental et le paiement systématique par la France de rançons aux terroristes preneurs d’otages. S’agissant surtout de la cause sahraouie, MM. Sellal et Lamamra ont encore une fois bien fait de rappeler à leurs homologues français la position indéfectible de l’Algérie en faveur d’un référendum d’autodétermination libre du peuple sahraoui, dans le cadre de l’ONU. A l’opposé de la diplomatie française qui soutient de manière tout aussi indéfectible le plan d’autonomie limitée défendu par le Maroc, aux mépris des résolutions onusiennes.
N. K.

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