Madrid rouvre le 16 avril prochain le dossier sahraoui – L’honneur après la trahison

De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari
Ça bouge de partout pour le peuple sahraoui, New York, Bruxelles, Madrid. Récit d’une manifestation dans la capitale espagnole qui ne sera pas sans suite.
Le 16 avril prochain, les associations — nombreuses — et personnalités politiques qui portent l’autodétermination du peuple sahraoui manifesteront à Madrid. Cette marche pour le droit et pour la paix est très importante au moins pour trois raisons. La première est que l’Espagne est l’épicentre de la question. Ex-colonisateur des territoires de Saguia El Hamra et Rio de Oro, elle est en plus identifiée comme la seule puissance administrante au Sahara occidental par l’ONU. Ce statut n’étant pas dévolu au Maroc. La société civile espagnole se base sur cette qualité pour contraindre le gouvernement de Madrid à assumer ses responsabilités en permettant — sans triche — un processus référendaire.
La seconde raison a trait au calendrier du rassemblement madrilène qui coïncide, les organisateurs n’ont pas choisi par hasard la date, avec la remise du rapport du SG de l’ONU sur le dossier aux membres du Conseil de sécurité qui devront trancher en dernière lecture. Les premières indiscrétions indiquent que Ban Ki-moon aurait axé son travail sur trois axes distincts dans la présentation et qui, tous, mènent vers l’inéluctabilité d’un référendum sous le commandement onusien. Elargissement des missions de la mission des Nations-Unies (Minurso) à la défense des droits de l’homme ; inscription de la question sahraouie dans l’agenda international des années 2016 et 2017 ; l’établissement, enfin, d’un calendrier contraignant pour les deux parties en conflit, Polisario et Maroc, pour l’organisation d’une ou de plusieurs journées de vote.
Ban Ki-moon aurait écrit dans sa copie qu’il faudra limiter le nombre de recours pour aboutir et empêcher les manœuvres dilatoires qui risqueraient de plomber les opérations. Selon la Minurso, précisent nos sources, les listes électorales sont prêtes et que leur actualisation ne poserait pas de problèmes particuliers. Les experts onusiens privilégient, toutefois, des arrangements préalables entre Rabat et Tifariti pour mieux baliser. Au niveau des membres permanents du Conseil de sécurité, il semblerait que la France, soutien indéfectible du Maroc, préférerait que le rapport soit plus consensuel et qu’il n’en réfère pas à un calendrier précis pour le processus référendaire de même que Paris ne souhaite pas que la Minurso ne s’occupe pas de droits de l’homme au Sahara occidental. Pourtant, même avec ses réserves françaises fondamentales, la diplomatie marocaine n’est pas tout à fait rassurée. Rabat craint que la pression algérienne sur Paris n’ait apporté quelques résultats probants. La troisième raison de l’importance du rassemblement de Madrid est, sans doute, cruciale.
L’actuel exécutif en affaires est provisoire, les résultats électoraux ne l’ont pas conforté, l’Espagne se dirige inéluctablement vers de nouvelles élections en juin. Mariano Rajoy, le chef de gouvernement ayant échoué dans toutes ses options de forcer une coalition composite. Entre-temps, les principales formations sorties victorieuses des urnes, droite, socialiste, Podemos et Ciudadamos ont inscrit dans leur programme de gouvernement la résolution de la question sahraouie sur la base de la doctrine de l’ONU. Un groupe interparlementaire de soutien au peuple sahraoui a même été installé et englobe la majorité des partis politiques. Ce qui constitue une première en Espagne depuis la trahison du socialiste Felipe Gonzalez qui avait abandonné le Sahara occidental à l’armée marocaine. Depuis, empêtré dans les affaires et devenu richissime grâce à ses avoirs au pays de Mohammed VI, Gonzalez est régulièrement cité dans les opérations scabreuses et chassé des meetings du PSOE (Parti socialiste et ouvrier). A plusieurs reprises, les militants voulaient lui «casser la gueule» ou au moins, «lui cracher sur la figure». Il ne sera pas, c’est évident, le 16 avril à Madrid. Ça sera avril des Sahraouis. Nous y serons.
A. M.

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