L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Maroc.
Description de la situation:
L’Observatoire a été informé par des sources fiables de l’expulsion d’une délégation de juristes européens qui effectuaient une mission pour le collectif international de juristes en soutien aux prisonniers sahraouis de Gdeim Izik, qui observaient une grève de la faim depuis le 1er mars 2016 pour dénoncer, entre autres, leur incarcération[1].
Selon les informations reçues, le 6 avril 2016, aux alentours de 18h30, M. Eric David, professeur de droit international belge, Me Ingrid Metton, avocate française, M. Jesus Maria Martin Morillo, magistrat espagnol, ainsi queMe Maria Nieves Cubas Armas, Me Francisco Serrano Ramirez, Me Juan Carlos Gomez Justo et Me Altamira Guelbenzu Gonzalo, quatre avocats espagnols, et Mme Joëlle Toutain, ressortissante française qui accompagnait la mission, ont été appréhendés à leur hôtel à Rabat par les forces de l’ordre marocaines, qui les ont gardés plus de trois heures au commissariat de Rabat. Leurs passeports et téléphones ont été saisis.
Le 7 avril au matin, les membres de la délégation ont été expulsés vers la France pour motif de « menaces graves et imminentes à la sûreté du Maroc ».
La délégation se rendait au Maroc afin de rencontrer les avocats des prisonniers sahraouis de Gdeim Izik. La mission avait également prévu différentes rencontres avec les délégations diplomatiques de plusieurs pays ainsi qu’une conférence de presse à Rabat en soutien avec les prisonniers et souhaitait demander des réunions avec les autorités marocaines afin de plaider en faveur de la cause de ces derniers.
L’Observatoire dénonce l’expulsion des membres de la délégation internationale susmentionnée, qui visent à entraver leurs activités de défense des droits de l’Homme en soutien aux prisonniers sahraouis, et appelle les autorités marocaines à garantir en toutes circonstances le droit à la liberté de mouvement des défenseurs des droits de l’Homme locaux et internationaux.
Actions requises :
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités marocaines en leur demandant de :
i. Mettre un terme à toute forme de harcèlement contre les défenseurs des droits de l’Homme au Maroc afin qu’ils puissent mener leurs activités de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave;
ii. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Maroc ;
iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :
– son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;
– son article 5 qui stipule que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, aux niveaux national et international : (a) de se réunir et de se rassembler pacifiquement » ;
– son article 6 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres: a) De détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l’information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ; b) Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ; c) D’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question” ;
– et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration”.
iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Maroc.
Adresses :
· Son Excellence Abdel-Ilah Benkiran, Premier Ministre du Maroc. Fax : +212 37 76 99 95/37 76 86 56
· Son Excellence Salaheddine Mezouar, Ministre des affaires étrangères et de la co-opération, Maroc. Fax : +212 – 37-76-55-08 / 37-76-46-79. Email : ministere@maec.gov.ma
· Son Excellence El Mustafa Ramid, Ministre de la justice – Place El Mamounia, Rabat, Maroc. Fax : +212 37 72 68 56. Email : ccdh@ccdh.org.ma
· M. Driss El Yazami, Président du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Email :elyazami@cndh.org.ma
· Représentant Permanent du Royaume du Maroc auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres Organisations Internationales en Suisse – 18a Chemin François Lehmann, 1218 Grand Saconnex. Fax: + 41 022 791 81 80. Email : mission.maroc@ties.itu.int
· S. E. M. ALEM Menouar, Ambassadeur, Mission du Royaume du Maroc auprès de l’Union européenne. Avenue Franklin Roosevelt 2, 1050 Bruxelles, Belgique. Email : mission.maroc@skynet.be
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Maroc dans vos pays respectifs.
[1] Le 8 novembre 2010, les forces de sécurité marocaines ont démantelé un camp installé par des Sahraouis un mois auparavant à Gdeim Izik, au Sahara occidental, placé sous l’administration du Maroc, afin d’adresser des revendications à caractère social et économique. Le 17 février 2013, un tribunal militaire a condamné 25 hommes pour leur rôle présumé dans l’homicide volontaire de 11 membres des forces de l’ordre lors des violentes confrontations, à l’issue de procès marqués par des irrégularités. A ce jour, 21 d’entre eux continuent de purger des peines allant de 20 ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité. Les prisonniers de Gdeim Izik ont suspendu leur grève de la faim le 5 avril 2016.
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