Dans une note interne, les autorités marocaines désignent les domaines où les les procédures spéciales trouveront des lacunes : « la liberté d’expression, de la liberté d’association, les détentions arbitraires, les disparitions forcées, la torture, les exécutions extrajudiciaires, la situation des défenseurs des droits de l’homme, la liberté de religion, la lutte anti-terroriste ».
Le Makhzen reconnaît aussi que les violations des droits de l’homme dans le territoire du Sahara Occidental sont plus nombreuses que sur le territoire marocain. « Certaines procédures spéciales pourraient vouloir se focaliser exclusivement sur les provinces du sud et faire ressortir une réalité distincte du reste du territoire national », souligne la note.
Texte intégral de la note
Monsieur le Ministre
Objet :Question du Sahara/Note de réflexion sur les enjeux de l’interaction future du Maroc avec les procédures spéciales du CDH.
A la lumière de l’engagement pris par le Maroc pour accorder un accès sans réserve, ni restrictions à tous les titulaires de mandats relevant des procédures spéciales du Conseil des Droits de l’Homme (PP 12 de la résolution 1979), j’ai l’honneur de vous soumettre une note de réflexion sur certains aspects relevant de la mise en œuvre de cet engagement, ainsi que sur les enjeux de l’interaction avec les procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme dans le contexte de l’instrumentalisation éhontée de la question des droits de l’homme par l’Algérie et le polisario au Sahara marocain
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Interaction actuelle positive du Maroc avec les procédures spéciales du CDH :
Au cours de la dernière décennie, et à la faveur des réformes engagées par le Maroc en matière de promotion des droits de l’homme et de défense des libertés fondamentales, le Maroc s’est inscrit, aussi bien au niveau de la démarche que de la méthode, dans une logique d’interaction positive et constructive avec les procédures spéciales de la défunte Commission des droits de l’Homme et le nouveau Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
Au niveau de la démarche :
Le Maroc a toujours participé activement dans le processus de consultation pour la négociation des résolutions portant création des mandats relevant des procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme
1-Sur le plan des droits civils et politiques :
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Le Maroc a été l’instigateur avec la Norvège de la résolution sur les défenseurs des droits de l’Homme et l’a présentée, en 2000, devant l’ancienne Commission des droits de l’Homme
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Le Maroc est le seul pays arabe à avoir cooparainé , depuis 2003, jusqu’à ce jour, les résolutions portant sur des thématiques problématiques telles que les résolutions présentées par la France sur la détention arbitraire, les disparitions forcées ou involontaires ou la résolution soumise par le Danemark sur la lutte contre la torture ;
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Le Maroc est devenu, depuis 2010, avec la France et l’Argentine, auteur principal, de la résolution sur les disparitions forcées qui a reconduit, pour 3 années, le mandat de la procédure du Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires
2- Sur le plan des droits économiques et socio- culturels :
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Le Maroc a toujours participé et introduit des ajouts aux résolutions portant sur la promotion des droits économiques et socio-culturels
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L’objectif de ces ajouts étant de mettre en valeur les actions entreprises par le Maroc, dans le cadre de l’INDH, dans les résolutions portant sur la lutte contre l’extrême pauvreté, le droit à l’éducation et au logement convenable, le droit à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement…etc.
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Le Maroc a toujours appuyé la mise en place et la reconduction des procédures spéciales du CDH, dont l’objectif est de promouvoir les droits économiques et socio-culturels.
Au niveau de la méthode :
1- Réponse systématique aux communications et ouverture sur les visites des procédures spéciales du CDH durant la décennie 2000 :
a- Réponse aux communications des procédures spéciales
Conscient de l’importance de l’interaction avec les mécanismes du CDH, le Maroc a toujours répondu, de manière appropriée, aux communications, appels urgents, communications bipartites, tripartites et même groupées des rapporteurs spéciaux, experts indépendants, groupes de travail du Conseil des droits de l’Homme. Ci- après quelques éléments d’appréciation sur les réponses du Maroc
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Le Maroc a reçu 54 communications, pendant les 8 dernières années, dont seules 18 ont porté sur des allégations concernant des personnes originaires des provinces du Sud ;
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Le Maroc a répondu, au cours des 3 dernières années à 7 communications émanant des procédures spéciales en 2009, 12 en 2010, et 5 pour le premier trimestre de 2011 ;
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Le taux de réponses à ces communications a atteint sur les trois dernières années une moyenne globale de 94 % et 100% pour l’année 2010.
L’objectif de réagir dans les délais impartis aux procédures spéciales étant de refléter la réponse du Maroc dans les rapports de ces mécanismes dans leur rapport qui sont soumis au Conseil des droits de L’Homme.
b-Invitation par le Maroc de 4 procédures spéciales du CDH:
Au cours de la décennie 2010, le Maroc a invité 4 procédures spéciales qui ont effectué des visites au Maroc. Il s’agit de :
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La rapporteuse spéciale sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2000);
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La rapporteuse sur le droit à des migrants (2003)
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Le rapporteur spécial sur le droit à l’éducation (2006) ;
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Le Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires (2009)
Au terme de leurs visites, les 4 procédures ont partagé leurs rapports avec le Maroc, pour des remarques et observations générales, avant sa soumission au Conseil des droits de l’Homme. Les 4 rapports ont été, grossomodo,équilibrés et ont fait l’objet d’un débat interactif positif avec les membres du CDH
2- Participation du Maroc au débat interactif sur les rapports des 4 procédures après leurs visites au Maroc :
La stratégie du Maroc aussi bien à l’ancienne Commission des droits de l’Homme qu’au Conseil des droits de l’Homme a été toujours de prendre le devant, au cours du dialogue interactif entre les procédures spéciales et les membres du CDH, et de s’exprimer dans un esprit constructif sur le contexte des visites qui s’inscrivent dans le choix irréversible du Maroc pour la promotion des droits de l’homme. L’objectif étant de démontrer que notre pays interagit positivement avec les mécanismes alors que d’autres pays, notamment de la région refusent tout dialogue ou même toute visite.
En plus de son positionnement au CHD dans le cadre du dialogue avec les procédures spéciales, le Maroc a été, cette année, l’un des rares pays qui ont répondu substantiellement aux recommandations des procédures spéciales. Ainsi, pour gêner certains pays notamment l’Algérie dont le nombre de disparus dépasse 2000 cas et maintenir le momentumde la visite du GTDFI, première de son genre dans le monde arabe et en Afrique, le Maroc s’est exprimé lors de la dernière session du CDH, pour souligner qu’il a répondu favorablement, dans le cadre de son interaction positive avec cette procédure spéciale, à 22 des 24 recommandations du GTDFI, soit un ratio de plus de 90%.
Cette méthode participative conforte le Maroc dans sa démarche d’ouverture sur les procédures spéciales et consacre son rôle dynamique de partenaire crédible. Cependant, l’engagement pris par le Maroc sur son ouverture sans réserve, ni restrictions sur les 33 procédures du CDH doit nous interpeller sur les perspectives et les enjeux de notre interaction dans le contexte de la nouvelle stratégie suite à l’appel lancé par le dénommé abdelaziz aux sahraouis à « l’intifada de l’indépendance dans tout le Royaume »
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Perspectives et enjeux de l’interaction avec les procédures spéciales
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Obligations du Maroc :
Au regard de son engagement d’accorder un accès sans entrave à toutes les procédures spéciales, le Maroc est appelé à garantir aux titulaires de mandats la liberté de mouvement dans l’ensemble du territoire national et la liberté d’investigationnotamment en ce qui concerne:
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l’accès aux prisons, aux centres de détention et aux lieux d’interrogatoire ;
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les contacts avec les autorités centrales, locales et avec toutes les branches du gouvernement ;
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les contacts avec les représentants des ONG, d’autres institutions privées, et les médias ;
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les entretiens, confidentiels et libres de toute supervision, avec des témoins et autres personnes, y compris celles privées de liberté ;
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l’accès à tous les documents relevant du mandat.
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la garantie que les personnes privées contactées par le titulaire de mandat ne fassent l’objet d’aucune action de représailles ni de poursuites judicaires.
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Contraintes :
Le pari pris par le Maroc à travers l’ouverture sur les procédures spéciales induit certaines contraintes parmi lesquelles il y a lieu de citer :
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L’augmentation éventuelle du nombre de communications d’allégations de violation des droits de l’homme dans la région du Sahara serait utilisée par les séparatistes ;
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Les demandes de visites qui seront formulées par les procédures spéciales ne sauraient être refusées ou ignorées.
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Ces visites, à la différence des communications et autres modes d’actions des procédures spéciales (appels urgents, communication, déclarations) pourraient s’avérer problématiques.
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Parmi les procédures spéciales dont la visite au Maroc pourrait s’avérer problématique, il y a lieu de citer celles concernées par les thématiques de la liberté d’expression, de la liberté d’association, les détentions arbitraires, les disparitions forcées, la torture, les exécutions extrajudiciaires, la situation des défenseurs des droits de l’homme, la liberté de religion, la lutte anti-terroriste.
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Certaines procédures spéciales pourraient vouloir se focaliser exclusivement sur les provinces du sud et faire ressortir une réalité distincte du reste du territoire national.
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Les éventuels refus ou retards dans la concrétisation des visites, ainsi que la multiplication d’allégations et de communications seraient utilisés par nos adversaires pour réclamer la mise en place d’une procédure spéciale exclusivement dédiée au Sahara, voire de justifier la demande de doter la Minurso d’un mécanisme de monitoring.
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Les titulaires des mandats des rapporteurs spéciaux actuels sont soit des ressortissants africains ou latino-américains (ex : Rapporteur sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires(Sud africain) , la rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme (Ouganda), le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression (Guatemala), le Rapporteur Spécial sur la torture ou autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants(Argentine), Rapporteuse Spéciale sur le logement convenable (Brésil).
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Le CNDH en tant qu’institution nationale habilitée à recevoir et traiter les plaintes de violation des droits de l’homme, risque d’être court-circuité par certains plaignants qui, à la faveur de la facilité de saisine des procédures spéciales et sur instigation de nos adversaires, s’adresseront directement aux mécanismes du CDH.
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Dans la pratique et selon le code de conduite des procédures spéciales, des titulaires de mandats ont adressé des recommandations et même des communications à des autorités de fait et à des acteurs non étatiques, ce qui pourrait être utilisé par le polisario pour s’octroyer de la visibilité en tant qu’interlocuteur des procédures spéciales. Cependant, le Maroc doit faire prévaloir l’esprit et la lettre de la résolution 1979 qui stipule que l’amélioration de la situation des droits de l’Homme au Sahara et aux camps de Tindouf est conditionnée par le respect des parties (Maroc et Algérie) de leurs obligations en vertu du droit international
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Gestion de l’interaction future avec les procédures spéciales du CDH :
L’engagement d’ouverture sur les procédures spéciales, bien qu’induisant des contraintes, s’apparente en fait à une invitation permanente que beaucoup de pays ont lancé en direction des mécanismes du CDH pour manifester leur engagement en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme.
Cette invitation ouverte suppose des contraintes qui être écartés à travers la définition rigoureuse des termes de référence des visites dans le cadre du strict respect des mandats et du code de conduite des procédures spéciales à savoir:
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Les communications ne sont pas censées remplacer une procédure judiciaire ou autre à l’échelon national, leur objet principal étant d’obtenir des explications en réponse à des allégations de violations et de favoriser l’adoption de mesures visant à protéger les droits de l’homme ;
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Les communications ne doivent comporter aucun jugement de valeur et ne revêtent en aucune manière un aspect accusatoire. Elles sont strictement destinées à recueillir des clarifications à l’égard d’allégations de violations de droits de l’homme.
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Les visites ne sont effectuées qu’avec le consentement ou à l’invitation de l’Etat intéressé, la promotion du dialogue et de la coopération étant une obligation qui incombe aux procédures spéciales et aux parties prenantes. Cependant, la reproduction éventuelle du scénario Gdim Izik ou le flux d’allégations de torture ou détention arbitraire inciteraient à une demande de visite urgente de certaines procédures. D’où la vigilance et la nécessité de se préparer à des visites en termes de mise à niveau de nos centres de détention et de nos prisons dans tout le Royaume, conformément aux règles minima des Nations Unies en la matière.
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Le programme officiel de visite est arrêté, selon le code de conduite des procédures spéciales, directement avec les autorités du pays hôte, avec le soutien administratif et logistique du bureau local de l’ONU et /ou du représentant sur place du HCDH, qui peuvent également contribuer à l’organisation de visites privées ;
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L’éventuelle contribution de la Minurso à la préparation des visites doit donc être écartée, étant précisé que c’est le Maroc qui administre la région Sahara ;
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Les visites ne doivent pas se focaliser uniquement sur les provinces du sud, conformément à la résolution 1979. Dorénavant, toute demande de visite doit être adressée au Maroc et à l’Algérie à moins que les autorités algériennes ne considèrent pas Tindouf une partie de leur territoire.
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Les termes de références des visites doivent obligatoirement préciser les responsabilités de l’Algérie et du Maroc pour éviter le scénario du rapport de la visite inachevée de l’équipe du HCDH au Maroc et en Algérie en 2006
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Le rapport de la visite doit être soumis en premier à l’Etat hôte pour vérification et correction d’éventuelles erreurs ou incompréhension (misunderstanding) ;
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Les institutions nationales indépendantes des droits de l’homme constituant, selon le code de conduite pour les procédures spéciales, l’interlocuteur idéalement indiqué pour interagir avec les procédures spéciales. Le respect du rôle de ces institutions nationales en tant que voie de recours initiale et incontournable pour recevoir et traiter les plaintes de violations des droits de l’homme doit être impérativement souligné conformément au paragraphe 131 du code de conduite qui stipule « Independent national human rights institutions are usually ideally placed to interact with, and facilitate , the work of mandate holders, as well as to contribute to the implementation of , and follow-up, to their recommandations. The roles of the two actors should be mutually reinforcing in various respects”.
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L’annonce du Maroc de son ouverture sur les procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme a été certes une réaction intelligente de la part du Maroc dans le contexte de la pression sur l’impératif d’un mécanisme international de monitoring des droits de l’Homme au Sahara marocain. Cependant, le polisario avec l’appui de l’Algérie, recourront à toutes les procédures pour contester la souveraineté du Maroc sur le Sahara et demanderaient même une rencontre de certaines procédures spéciales qui visiteraient le Maroc avec les membres intéressés du Conseil de sécurité under the Arria formula, telle que prévue par le para 89 du Code de Conduite qui stipule « One of the most important forms of follows up consists of interactive dialogue between mandate holders who are presenting their reports and the HRC. Around one third of the mandate holders also report to the GA, and some have informally briefed the security council”
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Le Maroc a intérêt a répondre aux communications, à définir les termes de référence des visites et à bilateraliser le différend sur le Sahara pour contrecarrer l’objectif tant recherché par l’Algérie, depuis des années, consistant à inscrire la question du Sahara sur l’agenda du Conseil comme situation des droits de l’Homme. Cette stratégie sera confortée quand le Maroc deviendrait membre du CDH car il serait en mesure de voter et de sensibiliser davantage ses amis. D’où l’importance d’envisager à présenter notre candidature dés notre élection au Conseil de sécurité.
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