Traducido por Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي
Le 25 avril 2015, le Conseil de sécurité des Nations Unies a prolongé d’un an la présence de la MINURSO (Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara occidental) dans l’ancien Sahara espagnol, divisé en territoires occupés (envahis illégalement par le Maroc) et le territoire de la République arabe sahraouie démocratique (la RASD occupe un cinquième de l’ancien Sahara espagnol). Lorsque le cessez-le-feu convenu entre le POLISARIO (Front populaire pour la libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro) et le Maroc a mis fin à la guerre qui avait duré depuis 1976, la résolution 690 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 29 avril 1991 a établi la MINURSO.
Cette Mission (comprenant quelque 250 militaires et civils) avait pour objet d’organiser un référendum sur l’autodétermination du Sahara occidental, en plus de surveiller le maintien du cessez-le- feu, d’assurer le déminage du territoire (en 2014 plus de 3 200 mines ont été désactivées), gérer avec les deux parties la libération des prisonniers politiques, faciliter les visites familiales entre les deux territoires etc. Mais cette mission a échoué dans son objectif principal, vu que le référendum n’a toujours pas eu lieu, bien qu’il y ait eu un recensement des Sahraouis, organisé par l’Espagne, contestée par le Maroc et faisant l’objet d’un désaccord sur la question de savoir si les électeurs devraient être ceux qui vivent au Sahara occidental ( ce qui inclurait de nombreux colons marocains) ou les Sahraouis ethniques (ce qui inclurait des réfugiés à Tindouf, les Izarguien vivant entre le parallèle 27° 40’N et l’Oued Draa –l’ancien Cap Juby colonial- et même les Imraguen établis sur la côte mauritanienne).
Mais, que ce soit du fait des divergences sur le recensement ou des difficultés que soulève périodiquement le Maroc (qui, paradoxalement, craint qu’une grande partie des colons installés dans le territoire sahraoui votent pour l’indépendance), un référendum contraignant reste en suspens. Dernièrement, le Maroc a décidé d’ignorer le recensement et de ne pas accepter le référendum, n’admettant qu’un système de large autonomie pour l’ancienne colonie, ce que rejettent les Sahraouis.
Pendant ce temps, les autorités marocaines d’occupation continuent de commettre des abus constants contre la population sahraouie : arrestations arbitraires, répression des manifestations pour l’indépendance, matraquages, perquisitions sans mandat, exclusion des Sahraouis des emplois dans l’agriculture et la pêche, brutalité policière, homicides dans les postes de police, détentions provisoires sans dates de procès, dépossession de leurs ressources naturelles etc. Mais comme la MINURSO ne s’est pas vue attribuer une compétence pour enquêter sur les violations des droits humains et les dénoncer, ses membres doivent rester impassibles face à leur violation continue.
En mars 2014, le Royaume-Unis a proposé de doter la MINURSO de cette compétence, mais le Maroc a protesté à hauts cris, affirmant que cela affecterait sa souveraineté nationale; et la France, véritable mentor du Makhzen [pouvoir royal, NdT], s’est opposée à l’initiative, si bien que la résolution 2152 (2014) du Conseil de sécurité de l’ONU qui a prorogé le mandat de la MINURSO jusqu’au 30 Avril 2015 ne mentionne pas, comme cela avait été proposé, la surveillance des violations des droits humains. Et la même chose est arrivée un an plus tard avec la Résolution 2218 (2015), qui a prorogé le mandat jusqu’au 30 Aavril 2016. L’absence de cette mention est d’autant significative que l’Espagne (qui est encore formellement le pays administrant le Sahara occidental et a maintenu un silence stratégique à ce sujet) faisait déjà en 2015 partie du Conseil de sécurité comme membre non permanent; et que les USA, la France, la Grande-Bretagne et la Russie membres permanents avec droit de veto, constituent avec l’Espagne le Groupe des Amis du Sahara. Comme on dit, si c’est cela que font vos amis, que ne feront pas vos ennemis !
Il est frappant de constater qu’aucune information sur le Sahara occidental ne passe dans les médias espagnol, en dépit de l’existence d’agences de presse comme Sahara Press Service et d’ organisations comme Western Sahara Resource Watch, qui rendent compte sans filtre marocain de la réalité du Sahara Occidental. Ce qu’on appelle le grand public espagnol n’entend parler des Sahraouis que lorsque leurs enfants sont accueillis en Espagne pour les vacances d’ été ou lorsque des ONG collectent de la nourriture et des fournitures scolaires pour les camps de Tindouf. Le public n’est pas informé sur la répression et les actes de félonie commis par le Maroc au Sahara, qui est le dernier territoire dans le monde soumis à une puissance colonialiste! Espagne Si près de l’Espagne, si près des Canaries…
Les politiciens espagnols ont adopté sur le Sahara occidental et sa population sahraouie une position quand ils sont dans l’opposition et un autre radicalement opposée quand ils sont au pouvoir. Ainsi, Felipe González a proclamé en 1976 devant les Sahraouis : « Je ne vais pas promettre, je m’engage devant l’histoire en vous disant que le PSOE sera avec vous jusqu’à la victoire finale »; mais le président n’a pris au cours de sa longue carrière aucune mesure favorable aux Sahraouis (reconnaissance de leur nationalité espagnole, reconnaissance de la RASD etc.), et le journal « El Mundo » a rapporté le 1er mars 2010, que Felipe González construisait une villa en front de mer à Tanger, avec la bénédiction de Mohamed VI, avec qui il a d’excellentes relations.
Trinidad Jimenez s’est manifestée à Madrid le 12 juillet 2003 en faveur de l’indépendance du Sahara occidental en exhibant des autocollants sahraouis. Mais alors qu’elle était ministre des Affaires étrangères en octobre 2010, elle a prétendu ne détenir aucune information sur l’attaque et le démantèlement (avec la mort de plusieurs Sahraouis) du Camp de la Dignité de Gdeim Izik, pacifiquement installé à la périphérie d’El Ayoune, alors que toutes les agences presse, le Congrès espagnol et le Parlement européen avaient déjà pris connaissance de ce qui était arrivé. Pas une action au profit des Sahraouis, pas un mot de condamnation des exactions marocaines …
Esteban Gonzalez Pons, aujourd’hui membre du parlement européen, et Iñaki Oyarzabal, actuellement parlementaire basque, ont arboré un drapeau espagnol au milieu des drapeaux sahraouis lors d’une manifestation à Madrid le 13 octobre 2010, pour exprimer l’engagement de l’Espagne aux côtés des Sahraouis. Mais depuis 2011, le gouvernement du Parti populaire, dont ils sont membres, n’a pas pris aucune mesure en faveur des habitants du Sahara occidental, ni n’ a condamné les abus de l’occupant marocain contre la population, ni n’a reconnu la nationalité espagnole des résidents recensés ou de leurs descendants. Il ne reconnait pas non plus l’authenticité des documents délivrés par les autorités de la RASD. Il ne dissuade pas non plus les entreprises espagnoles de commercer avec les produits (phosphates, sable) extraits du sol sahraoui, ou le poisson pris dans ses eaux, en violation de l’art. 73 de la Charte des Nations Unies et de l’art. 1.2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (New York, 12/19/1966). Ces mêmes eaux que, d’ailleurs Miguel Arias Canete, aujourd’hui commissaire espagnol de l’Union européenne, situait « au sud d’Agadir ». Tout comme l’Institut Cervantès, qui a des centres au Maroc (Casablanca, Fès, Marrakech, Rabat, Tanger et Tétouan), en Algérie (Alger et Oran), et à Tunis, annonce qu’il va ouvrir un centre à El Ayoune, qu’il place en « Afrique du nord », comme si l’expression Sahara occidental était néfaste. Tout cela pour ne pas incommoder le Commandeur des croyants*.
Seul un parti, Union, Progrès et Démocratie (UPyD) a présenté le 29 ctobre 2009 au Congrès des députés une proposition de motion non-contraignante pour établir les principes qui devraient régir la politique étrangère espagnole concernant le Sahara occidental (dont le soutien à l’autodétermination du peuple sahraoui, la reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique etc.). La proposition a été rejetée et aujourd’hui, UPyD n’est plus représenté au parlement.
Cependant, la réalité judiciaire est têtue. Le plénum de la Chambre pénale de l’Audiencia nacional a rendu une ordonnance le 4 juillet 2014 dans l’affaire de l’assassinat du citoyen espagnol Baby Handay Buyema le 8 novembre 2010 au campement de Gdeim Izik, ordonnance par laquelle il maintient ouverte l’enquête sur l’affaire. Pour sa part, la Cinquième chambre centrale d’instruction a rendu une ordonnance le 9 avril 2015 mettant en accusation onze fonctionnaires marocains (gendarmes, policiers etc.) pour génocide commis lors de l’invasion et de l’occupation subséquente du Sahara occidental. L’important est cette ordonnance rappelle que l’Espagne, par mandat des Nations Unies, reste formellement l’administratrice du Sahara occidental et a, par conséquent, une compétence juridique sur le territoire (art. 8 du Code civil et 23.1 de la Loi organique du pouvoir judiciaire). D’autre part, la Cour de justice de l’Union européenne vient d’annuler le 10 décembre 2015, l’accord agricole entre l’UE et le Maroc du 12 mars 2012 car le Maroc (dont la Cour rejette la souveraineté sur le Sahara occidental,) exploite illégalement les ressources naturelles du territoire au détriment du peuple sahraoui. La Cour a ainsi reconnu le droit indéniable du Front POLISARIO, représentant légitime du peuple du Sahara occidental selon les Nations Unies, de plaider en Europe pour la défense de ses intérêts.
La réalité diplomatique est également tenace. Le Front POLISARIO a récemment obtenu une reconnaissance internationale spéciale le 23 juin 2015 en étant reconnu comme partie au Protocole additionnel (8 juin 1977) aux Conventions de Genève sur la protection des victimes des conflits armés internationaux.
Nous sommes en février 2016. Il y a 40 ans, l’Espagne a quitté le Sahara occidental, qui a été immédiatement occupé par le Maroc, qui a persécuté son peuple avec des bombardements au napalm, l’empoisonnement de puits, la pose de mines, les fusillades, les viols etc. La répression féroce continue, et la MINURSO persiste dans son incapacité forcée à veiller au respect des droits humains. On peut se demander ce que feront les Amis du Sahara en avril 2016 quand la prorogation de la mission sera examinée par le Conseil de sécurité.
NdT
* Amīr al-mu‘minīn, titre du roi du Maroc, inscrit dans la constitution du royaume.
http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=17769 |
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