Redéploiement de la diplomatie face à «l’agressivité» des pays du Golfe
Alger, le monde arabe et les principes immuables
Messahel a fait part au Président syrien de l’expérience de l’Algérie en matière de réconciliation nationale pour la concrétisation de la stabilité mettant l’accent sur l’inévitable règlement politique des crises qui secouent le monde arabe. Bachar Al-Assad a exprimé ses remerciements pour le soutien et la solidarité. C’est la première posture de coopération officielle et affiché d’un pays arabe avec Damas depuis le début de la crise. Le message est on ne peut plus claire adressé à d’autres capitales arabes. Il faut dire qu’historiquement les monarchies du Golfe ont toujours penché pour le Maroc dans le conflit du Sahara occidental, mais ils veillaient à l’exprimer de manières moins abruptes tout en essayant parfois de jouer les «intermédiaires». Ce qu’Alger a toujours refusé pour des raisons évidentes
Après un séjour en Libye pour confirmer la réouverture de la représentation diplomatique algérienne à Tripoli la virée syrienne de Abdelkader Messahel, ministre des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes intervient dans un contexte particulier. Elle se fait dans le cadre de la 2e session du Comité de suivi algéro-syrien. Messahel a été reçu par le président syrien, Bachar al-Assad, et a réitéré le soutien au peuple syrien dans sa lutte contre le terrorisme afin de préserver la stabilité et la sécurité de la Syrie, son union et sa cohésion. Messahel a fait part au Président syrien de l’expérience de l’Algérie en matière de réconciliation nationale pour la concrétisation de la stabilité mettant l’accent sur l’inévitable règlement politique des crises qui secouent le monde arabe. Bachar Al-Assad a exprimé ses remerciements pour le soutien et la solidarité exprimant sa détermination à renforcer la coopération entre les deux pays. C’est la première posture de coopération officielle et affiché d’un pays arabe avec Damas depuis le début de la crise. Le message est on ne peut plus claire adressé à d’autres capitales arabes. Il faut dire qu’historiquement les monarchies du Golfe ont toujours penché pour le Maroc dans le conflit du Sahara occidental, mais ils veillaient à l’exprimer de manières moins abruptes tout en essayant parfois de jouer les «intermédiaires». Ce qu’Alger a toujours refusé pour des raisons évidentes. Le dossier étant du ressort de l’ONU il n’y avait donc pas besoin d’intermédiaire pour discuter des relations bilatérales entre les deux pays voisins. Une sorte de modus vivendi dans les relations entre l’Algérie et les pays du Golfe, Arabie saoudite en tête, s’est installé sur cette question. Des relations qu’on ne peut qualifier de chaleureuses, mais qui n’étaient cependant pas marquées par le sceau de l’hostilité. Riyad respectant la position de principe et jusque là immuable de l’Algérie sur des questions d’ordre régionales et internationales. La crise syrienne semble avoir imprimé un certain changement dans ces rapports particuliers. Les divergences entre l’Algérie et les pays du Golfe, directement impliqués dans le conflit syrien où ils ont mis tout leurs poids en faveurs des opposants à Damas et encouragé l’arrivée de groupes armés de toutes les régions du monde. Dans les réunions de la Ligue arabe, l’Algérie se retrouvait confrontée en compagnie de l’Irak et du Liban à des pressions intenables imposées par les pays du Golfe, les nouveaux décideurs dans les instances panarabes et panislamiques. Ce glissement du pouvoir d’influence a abouti à l’éviction de la Syrie de la Ligue alors que ce pays est un des membres fondateur de l’organisation panarabe.
Réplique diplomatique
L’Algérie a tenu à maintenir ses liens avec la Syrie alors que les régimes arabes avaient retiré leurs ambassades et déclaré les ambassadeurs syriens persona non grata. Cette animosité montante va devenir plus forte et plus ouverte avec l’avènement du roi Salmane et surtout la montée en puissance de son fils Mohamed. La démarche diplomatique de l’Algérie qui consiste à gérer des divergences sans aller vers la crise va se heurter à un durcissement saoudien version Mohamed Ben Salmane. Il est évident que le retour de l’Iran sur la scène internationale et son accord avec Washington provoquera un sentiment de «trahison» chez les pays du Golfe. Riyad décide alors de reprendre en main le dossier syrien détenu au début par les Qataris et le lancement d’une «alliance militaire» de pays arabes pour intervenir au Yémen. Et prôner une politique agressive à l’égard du Liban et notamment du Hezbollah considéré par Riyad comme «un outils iranien» au cœur du monde arabe. Sur ces dossiers, l’Algérie, sans faire preuve d’opposition frontale, a tenu à marquer ses réserves voire sa réticence. Elle maintien ses relations correctes avec l’Iran, refuse de prendre part à l’équipée yéménite, et cerise sur le gâteau, refuse d’adhérer au classement du mouvement libanais Hezbollah comme «mouvement terroriste». De quoi agacer les Saoudiens qui avaleront mal le fait de voir le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Al-Moualem, débarquer à Alger au lendemain même de la reprise de Palmyre par l’armée syriennes. Le coup de froid entre Alger et Riyad reçoit confirmation le 4 avril avec la visite de Tayeb Belaiz, ministre d’Etat et conseiller spécial auprès du président Bouteflika, où il a transmis des «explications» au roi Salmane au sujet de «certaines questions sensibles que connaît le monde arabe». Les questions «sensibles» se rapportent évidemment au Hezbollah, l’alliance militaire intervenant au Yémen et l’épineux dossier syrien. Il était évident que la visite de Belaïz apparaissait alors comme une tentative de clarification aux résultats incertains. Le message de Bouteflika transmis par Belaïz se voulait clairement apaisant. Il indiquait que les positions de l’Algérie obéissent à des principes immuable et qu’il ne faut pas y voir une marque d’hostilité envers les pays du Golfe. Mais la diplomatie saoudienne devenue de plus en plus agressive ne pouvait rester sans réplique.
M. B.
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