La question saharaouie au cœur du bras de fer entre Alger et Ryad

Une aubaine pour le roi Mohamed VI qui vient d’obtenir le soutien des monarchies du Golfe
La question saharaouie au cœur du bras de fer entre Alger et Ryad
Le ministre des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, Abdelkader Messahel est depuis dimanche dernier à Damas. Accompagné d’une forte délégation, M. Messahel prend part à la réunion du Comité de suivi algéro-syrien. Au même moment, le roi Mohamed VI effectue une tournée dans les pays du Golf. S’agit-il d’une coïncidence d’agendas ? Possible.
Le ministre des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, Abdelkader Messahel est depuis dimanche dernier à Damas. Accompagné d’une forte délégation, M. Messahel prend part à la réunion du Comité de suivi algéro-syrien. Au même moment, le roi Mohamed VI effectue une tournée dans les pays du Golf. S’agit-il d’une coïncidence d’agendas ? Possible. Il n’en demeure pas moins que le déplacement du ministre des Affaires maghrébines en Syrie est à forte charge symbolique. 
Au-delà du fait qu’Alger – et c’est là son premier objectif – tient à renforcer sa démarche de trouver une solution politique au conflit de la Syrie, le déplacement d’un membre de son gouvernement à Damas, qui risque de provoquer une levée de boucliers chez les monarchies du Golfe, vise justement à rendre l’appareil à ces pays qui viennent de soutenir «la marocanité» du Sahara Occidental. Il s’agit à vrai dire, plus d’une «confrontation» entre Alger et l’Arabie Saoudite qui ne date, certes pas, d’aujourd’hui mais qui vient d’inclure la question du Sahara Occidental à la liste des divergences. Faut-il rappeler qu’Alger a refusé d’adhérer à l’opération «tempête décisive» au Yémen pilotée par l’Arabie Saoudite dans sa guerre contre l’influence iranienne sur le flanc sud au Yémen. Ryad avait mobilisé ses alliés arabes. Tous ont presque répondu à cet appel. 
L’Algérie, seul pays de la ligue arabe à exprimer son refus de se soumettre au plan de guerre mis en œuvre par l’Arabie Saoudite contre le Yémen, avait rappelé ses positions doctrinales de non-ingérence dans les affaires des autres Etats et son choix des voies diplomatiques, politiques et pacifiques dans le règlement des conflits. Ce qui a été le déclencheur des hostilités. Il y a eu aussi le refus d’Alger de cataloguer le Hezbollah comme une organisation terroriste dans le cadre des réunions de la ligue arabe. Il s’agissait là, encore une fois, d’une proposition saoudienne. 
«L’Algérie, pour qui la non-immixtion dans les affaires internes des autres pays est l’un des principes directeurs de sa politique étrangère, s’interdit toute interférence dans ce dossier et refuse de s’exprimer en lieu et place des Libanais dans une affaire qui les concerne d’une manière exclusive», avait rappelé le ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra. 
Une position saluée par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans son discours du 7 mars dernier. Ce second affront a déclenché la guerre froide entre l’Algérie et l’Arabie Saoudite. Pour l’Arabie Saoudite, Alger a choisi de soutenir son concurrent iranien. Et dans cette logique d’affrontement diplomatique direct, la crise syrienne, libyenne ou encore la question saharaouie, font partie de ce bras de fer entre Alger et Ryad. Une aubaine pour le roi Mohamed VI qui vient d’obtenir le soutien des monarchies du Golfe afin de contrer la prochaine décision du Conseil de sécurité concernant la question du Sahara Occidental. 
Mohamed VI qui perdait du terrain sur cette question auprès de ses alliés européens surtout après le bras de fer qu’il a déclenché avec le secrétaire général de l’ONU, a choisi de se retourner vers ses alliés arabes. C’est lors du sommet Maroc-pays du Golfe, tenu dernièrement, que le souverain marocain a obtenu le soutien de son allié de toujours, l’Arabie Saoudite, et par conséquent celui des pays du Golfe. Un soutien qui vient s’ajouter à celui qu’il a eu, lors de son déplacement en Russie. Ce qui lui a permis d’ailleurs de narguer le Conseil de Sécurité et de défier l’Organisation onusienne ainsi que le conseil de sécurité en réduisant la participation de la Minurso au Sahara Occidental. 
Pour faire pressions sur les pays européens, le roi a fait valoir le rôle du Maroc dans la lutte antiterroriste. Cela a porté ses fruits puisque au cœur du Conseil de Sécurité qui s’est réuni à deux reprises dont une rencontre à la demande des Etats-Unis, il semblerait, selon des diplomates, que la France, l’Espagne, le Japon, l’Egypte et le Sénégal notamment ont pris le parti de Rabat et ont poussé le président du conseil de sécurité, l’Angolais Ismael Gaspar Martins à se contenter d’une simple déclaration lapidaire à la presse, selon laquelle la résolution du problème sera menée au plan bilatéral. 
Ainsi, les moult réactions qu’a suscitées la décision de Rabat de réduire la mission onusienne ne semblent pas avoir le poids des pressions qu’exercent Rabat sur les pays occidentaux en profilant la menace terroriste et en s’appuyant sur ses alliés. Et pour renforcer cette alliance, le roi Mohammed VI est depuis hier au Bahreïn afin d’exprimer, comme il l’a fait devant les pays du Golfe lors du sommet, «la fierté et la considération qu’inspire le soutien constant des pays du Golfe au Maroc dans la défense de son intégrité territoriale». 
Faut-il rappeler que le roi avait accusé l’Algérie, sans la nommer, de mener «une guerre par procuration» où le secrétaire général des Nations unies «est instrumentalisé pour essayer de porter atteinte aux droits historiques et légitimes du Maroc concernant son Sahara». 
A partir du moment où l’Algérie est citée comme partie prenante dans le conflit du Sahara Occidental par le Maroc alors qu’elle a toujours défendu le respect du droit international et des résolutions onusiennes, elle est, de fait, confrontée à une position à l’opposée de la sienne, des monarchies du Golf, juste par hostilité. Raison suffisante pour la diplomatie algérienne de continuer à défendre son autonomie et d’afficher alors clairement son renforcement à la solution politique en Syrie. Offrant par là même l’occasion à la Syrie de lever l’embargo diplomatique imposé par l’Arabie Saoudite et du coup la narguer puisque ce pays n’a pas manqué de redoubler les manœuvres pour isoler Bachar Al Assad. 
Le soutien récent de quelques pays du Golfe au Maroc sur le dossier du Sahara Occidental a bien accentué l’écart diplomatique entre Alger et l’Arabie Saoudite. La réponse d’Alger a été donnée en Syrie où Abdelkader Messahel a réaffirmé «la solidarité de l’Algérie avec la Syrie dans son épreuve», soulignant l’importance du dialogue et de la réconciliation pour sortir de la crise.
H. Y.

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