Journée décisive à l’ONU

La tension n’a jamais été aussi vive entre le Maroc et le Sahara occidental. L’hostilité de Mohammed VI à toutes négociations en faveur d’un référendum d’autodétermination a mis le Front Polisario sur la défensive au point où il évoque à présent la possibilité d’une rupture du cessez-le-feu si l’Onu ne parvient pas à débloquer la situation. A New York la dernière carte se joue aujourd’hui avant l’adoption de la résolution finale qui fait suite au rapport alarmant de Ban Ki-moon. L’avant-projet de cette résolution est connu depuis hier. Pour l’instant, le texte fait preuve d’une fermeté jamais égalée à l’égard du Maroc. La décision finale sera prise ce week-end par le Conseil de sécurité.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – L’avant-projet du texte est donc déjà connu, son ton tranche avec le contenu des autres résolutions et appelle en tout premier lieu à un «retour urgent» des éléments de la Minurso (Mission des Nations-Unies pour le référendum au Sahara occidental). 83 membres de cette mission avaient été sommés de quitter leur base (dans les territoires occupés du Sahara occidental) par le Maroc en colère contre le secrétaire général de l’ONU accusé de partialité dans sa gestion du dossier. 
Ban Ki-moon s’était clairement déclaré en faveur de l’organisation d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui tel que prévu par l’accord ONU-OUA signé en 1991, provoquant ainsi l’ire de Mohammed VI axé unilatéralement sur un projet de large autonomie à octroyer aux Sahraouis. Le roi, nullement intéressé par les propositions onusiennes, avait d’ailleurs refusé de recevoir le SG des Nations-Unies lors de sa tournée, en mars dans la région de même qu’il n’avait pas octroyé d’autorisation à son avion pour se poser à El-Ayoun, capitale du Sahara occidental occupé. Depuis, la tension n’a fait que monter entre le Maroc et Ban Ki-moon qui a regretté une telle attitude «peu diplomatique» dans un récent rapport. 
Sa tournée dans les camps de réfugiés, à Alger puis en Mauritanie (membre observateur) lui a permis de jauger une situation qu’il qualifie «d’alarmante» surtout depuis le départ de la Minurso. 
Dans son projet de résolution, le Conseil de sécurité exprime d’ailleurs ses vives inquiétudes suite à l’expulsion des membres de cette mission et les répercussions de l’attitude marocaine qui a eu un «impact certain sur ses capacités à remplir ses fonctions». Plus grave encore, il fixe au Maroc un délai de 60 jours pour procéder à «un retour pleinement opérationnel de la mission. En cas de refus marocain, le secrétaire général des Nations-Unies est appelé à prendre «des mesures immédiates pour faciliter cet objectif». 
La mise en garde est de taille. Si le Conseil de sécurité, partagé, il faut le dire, sur la position finale à adopter, tranche définitivement en faveur de cette option, ce week-end il en ressortira une position inédite qui donnera alors au Maroc fort à faire pour se départir d’une situation aussi délicate. Pour l’heure, les négociations se font serrées à New York où les Marocains tentent de négocier un adoucissement du texte auprès de leurs soutiens, les Français en particulier. 
L’initiative américaine soutenue par la Grande-Bretagne, la Russie et l’Espagne n’est pas partagée par la France «qui active de manière très agressive pour paralyser ce processus à travers un soutien aveugle au Maroc», déclarait hier M. Boukhari, représentant du Front Polisario aux Nations-Unies. Aidés par l’Égypte et le Sénégal, les Français avaient même tenté d’empêcher la président de la commission de l’Union africaine pour le Sahara occidental de plaider auprès du Conseil de sécurité en faveur de l’indépendance des Sahraouis. La tentative a échoué contrairement à l’an dernier où les manœuvres avaient pu aboutir à l’annulation de son allocution.
Pour l’heure, tout porte à croire que cette résolution sera cependant adoptée dans les formes actuelles compte tenu du soutien qu’elle affiche à Ban Ki-moon et Christopher Ross son représentant spécial chargé du dossier du Sahara occidental. Ce dernier, doit-on le rappeler, avait été maintes fois empêché d’accomplir son travail par les Marocains hostiles à toutes négociations devant déboucher sur l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Ce soutien se traduit dans le texte même de cet avant-projet de résolution qui évoque «l’engagement du secrétaire général et de son envoyé spécial engagés dans la recherche d’une solution à la question du Sahara occidental». 
Il faut savoir aussi que le Conseil de sécurité maintient l’option des négociations directes entre les deux parties, Maroc-Front Polisario «sans conditions préalables et de bonne foi». Une manière officielle d’écarter l’option de large autonomie préconisée par les Marocains.
Le maintien de la fermeté et de la terminologie utilisée dans la résolution finale mettrait ainsi définitivement le Maroc au pied du mur. Côté sahraoui, elle semble ne pas satisfaire complètement les responsables de la RASD (République arabe sahraouie démocratique) lassés des manœuvres marocaines et du report incessant de l’organisation du référendum d’autodétermination depuis de longues années. 
Pour le ministre conseiller de Mohamed Abdelaziz (Président de la RASD et SG du Front Polisario), le retour de la Minurso ne pouvait suffire à résoudre le conflit et il est temps d’établir un calendrier pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Avant lui, Mohamed Abdelaziz avait évoqué la possibilité d’un retour de la guerre si la situation persistait. Samedi dernier, des manœuvres militaires sahraouies ont eu lieu dans les territoires libérés du Sahara occidental. 
La mobilisation ne concerne pas uniquement les militaires mais également tous les éléments de la logistique de soutien et du corps médical sahraoui, signalent des informations ces derniers jours. La colère gronde particulièrement au sein de la jeunesse sahraouie. Des groupes de jeunes, exaspérés par cette situation, ont d’ailleurs bloqué le cortège de Ban Ki-moon lors de sa visite dans les camps de réfugiés le contraignant à annuler certains entretiens avec des responsables sahraouis. 
Le vote de la résolution finale du Conseil de sécurité est de ce fait très attendu et les Sahraouis, lassés d’une attente qui n’en finit pas, semblent déterminés à aller au-delà des simples mots pour débloquer la situation.
A. C.

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