Ali indique qu’il veut poursuivre des études supérieures pour contribuer à la reconstruction et le développement du Sahara occidental après sa libération, parce que cette situation est inacceptable.
Un enfant sahraoui ne rêve pas de chocolat « Kinder ». Il ne connaît pas les héros des dessins animés à l’instar de « La Reine des neiges » ou les jeux de « Playstation ». Ils connaissent mieux Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, le HCR (Haut-Commissariat aux réfugiés). Leurs rêves sont plus grands que leur âge : liberté et libération de leurs territoires occupés. Pour eux, naître, vivre et mourir dans un camp de réfugiés n’est pas une fatalité. Nous les avons rencontrés lors de notre séjour dans le camp de Boujdour. Leurs portraits. Mercredi, 18h, une journée ordinaire dans le « camp 27 ». Des enfants jouaient au ballon dans une piste goudronnée récemment par les autorités algériennes, nous a affirmé un commerçant rencontré sur place. Ils nous saluent avec un « V » de la main, synonyme de victoire, et un sourire.
« Ils sont habitués aux visiteurs et peuvent même dévoiler leur nationalité et la nature de leur mission, qu’ils soient journalistes ou humanitaires », a expliqué Nadia, une jeune fille sahraouie qui nous a accompagnés dans notre tournée. Les enfants que nous avons abordés ont refusé de prendre de l’argent pour acheter des bonbons. « Ils sont jeunes mais dignes », a-t-elle tenu à préciser. Mustapha, âgé de 10 ans, veut devenir un footballeur dans une équipe sahraouie, depuis sa dernière rencontre avec l’ex-capitaine des Verts, Madjid Bougherra, qui avait effectué une visite dans le camp dans le cadre d’une opération humanitaire avec l’Unicef en faveur des enfants réfugiés sahraouis. « On a joué une partie ensemble. » Et d’ajouter avec fierté : « Je garde toujours ma photo avec lui. » Son copain Ali intervient : « Moi aussi j’ai joué avec Bougherra et je garde le drapeau algérien qui m’a été remis ce jour-là à la maison. »
« I want to be free »
Pas loin de ce lieu, des jeunes filles jouaient au volley-ball, dans une piste aménagée. Parmi elles, Milka, une réfugiée sahraouie qui exerce ce sport en tenue traditionnelle « M’lehfa » « comme forme de combat ». Elle a estimé que le camp renferme des talents qui peuvent aller loin. « Nous visons, à travers la participation dans les compétitions internationales, d’imposer la présence de la Rasd (République arabe sahraouie démocratique). Le peuple sahraoui, malgré tous les aléas, résiste, plutôt, existe », a-t-elle soutenu. Ici, dans ce camp, les enfants n’ont aucun espace de jeux ou de loisirs mais ils sont contents, a-t-on constaté. Ils ne revendiquent que la liberté. Cheikha n’a que 8 ans mais ses rêves sont plus grands que son âge. Elle ne veut ni d’une poupée ni d’une trottinette. « Certes, je souhaite avoir un vélo mais pour courir sur une terre libérée, ma propre terre », m’a-t-elle répondu avec un arabe algérien. Née à Tindouf, elle veut devenir médecin « pour porter aide et assistance aux malades sahraouis ». Je l’interroge : « Les malades du camp 27 ? » Elle me répond : « Non, incha Allah, dans un hôpital sur notre propre terre libérée. Je veux étudier la médecine en Algérie, pas à Cuba, parce que j’aime beaucoup l’Algérie et ses médecins sont très gentils. » Cheikha a passé ses vacances d’été, l’année passée, dans une colonie à Jijel, à l’est de l’Algérie où elle a vu la mer pour la première fois. La vie dans les camps est bien entendu difficile. Cependant, ce qui est encore plus difficile, c’est la chaleur insupportable dans les tentes, mais aussi dans les écoles. « On suit les cours dans une tente en plastique, il fait très chaud à l’intérieur, c’est « el houmane » (la canicule). On suffoque. On attend avec impatience la construction d’une nouvelle école prochainement », a-t-elle dit tout en signalant que leur école construite en toub s’est complètement effondrée suite aux dernières inondations. Cheikha est la première dans sa classe.
« C’est une élève très éveillée, très intelligente, notamment en mathématiques », a souligné sa maman avec fierté. Ici, dans le camp des réfugiés, l’école est obligatoire pour les filles et les garçons. Les cours, mixtes, sont dispensés en arabe et en espagnol. Ahmed, un adolescent de 15 ans, lui aussi, rêve de devenir médecin. Il est au lycée actuellement. « Si la guerre reprend, je prendrai les armes, moi aussi. Cette situation ne doit pas durer. Nous vivons dans un camp et nous sommes dépendants des aides humanitaires, nous sommes privés de notre terre. Nous avons l’honneur de vivre dans ce camp sur une terre bénite d’un million et demi de martyrs mais je veux retourner à ma propre terre. Nous vivons dans des conditions précaires alors que nous avons des richesses. » Ali, qui est dans la même classe, a estimé qu’il veut poursuivre des études supérieures « pour contribuer à la reconstruction et le développement du Sahara occidental après sa libération, parce que ne pouvant pas accepter cette situation ».
A 4 ans, il rêve de devenir « moukatil »
Chikh Haibah, lui, n’a que 4 ans, mais il veut devenir « moukatil » (combattant), nous dit-il, avec sa petite voix en hassania (langue locale). Ce petit est né dans le camp qu’il n’a jamais quitté. Pour sa mère, le jeune Sahraoui « est formé politiquement depuis son jeune âge ». Dans les camps, les réfugiés sahraouis maîtrisent au minimum deux langues étrangères, notamment l’espagnol. La majorité des universitaires diplômés vivant dans les camps ont fait leurs études en Algérie, à Cuba et en Espagne. Ils reviennent dans le camp pour travailler comme traducteurs, ou gérer des petits commerces qui offrent des services simples en mécanique, alimentation générale, cordonnerie et des biens achetés en Mauritanie et en Algérie, notamment les ustensiles de cuisine, les couvertures, melhfa, les chèches.
Les séjours en Espagne, un enjeu d’une extrême importance
Selon Naïha, une mère de famille, les enfants sahraouis bénéficient de séjours en Espagne et en Algérie. « Plus de 2.700 enfants réfugiés passent leurs vacances d’été chez des familles d’accueil en Espagne grâce à des ONG ou des associations. En Algérie, ils partent dans des colonies organisées.
C’est un grand enjeu car ces enfants sont des petits ambassadeurs de la cause sahraouie, notamment en Espagne. Durant leur séjour, ils apprennent la langue espagnole et fréquentent des enfants de leur âge. » Pour Touali, un soldat sahraoui, l’enjeu est également sécuritaire. « Les familles d’accueil espagnoles rendent visite par centaines aux familles sahraouies, dans les camps des réfugiés durant une semaine, vers le mois de mars. Ils circulent librement. Ce qui reflète la stabilité de la situation sécuritaire en Algérie », a-t-il assuré. Mimi est la plus jeune réfugiée rencontrée dans ce camp. Elle a à peine 18 mois mais elle ne danse que sur les chants patriotiques répétés par sa grand-mère, qui lui apprend déjà les bases de la résistance. Les enfants sahraouis sont nés pour être des soldats. « La badil, la badil, ala el istiqlal » (Pas d’alternative à l’indépendance), scandent-ils au passage des visiteurs du camp.
N. B.
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