Guerre d’usure

Par Saïd BOUCETTA
Le diplomate Lakhdar Brahimi a déclaré à l’issue de l’entretien que lui a accordé le président de la République que les deux hommes avaient abordé les questions d’ordre national et régional. Habituellement plus précis, l’ancien chef de la diplomatie n’est pas allé, cette fois dans le détail, signe que la discussion a été certainement bien plus précise qu’il n’y paraît. 
Ainsi, contrairement à ce que peuvent penser certains, quant à la récurrence des tête-à-tête Bouteflika-Brahimi, il y a dans le dernier en date, un air qui va au-delà du simple échange de points de vue sur la situation qui prévaut au plan national et régional. Il faut dire que la multiplication des signes créditant une fragilisation du flan ouest du pays ne manquent pas. En effet, outre ce tête-à-tête où le diplomate n’a certainement pas donné son point de vue seulement, mais a été, disons-le, chargé de mission par le chef de l’Etat, il y a la demande algérienne de revoir l’organisation des instances de l’UMA, le forcing marocain auprès des alliés traditionnels du Makhzen sur la question du Sahara occidental et le flottement entretenu par quelques grandes puissances sur le dossier, qui obligent l’Algérie à un maximum de vigilance. 
Ce n’est certes pas un précédent dans la région, mais le niveau de tension atteint dans le dossier sahraoui et l’entêtement de Rabat à vouloir aller coûte que coûte au pourrissement a de quoi inquiéter.
L’absence de la mission onusienne, la Minurso, dans la gestion de la question du Sahara occidental n’est pas un facteur d’apaisement, loin de là. La région restera sans supervision trois longs mois. Durant ce laps de temps, que se passera-t-il au Sahara occidental? On peut imaginer tous les scénarii et il n’y a pas de doute que Rabat en a un. Dans ce registre, le Maroc n’est pas novice. De la guerre des sables aux insultes adressées au secrétaire général de l’ONU, en passant par la marche verte et l’expulsion manu militari de dizaines de milliers d’Algériens, ainsi que d’autres trouvailles «originales», l’un des principaux soucis du royaume est de mettre l’Algérie sur la défensive.
Il se trouve, cette fois, que la situation régionale est des plus délicates. Les foyers de violence entourent l’Algérie à ses frontières est et sud. L’ANP s’y déploie déjà fortement. Et l’agitation du Maroc ajoute un souci supplémentaire à l’Etat. En d’autres termes, Rabat joue un jeu dangereux. En semant le trouble dans le dossier sahraoui, tout en finançant indirectement le terrorisme en fermant les yeux sur le trafic de drogue, le Makhzen mène une sorte de guerre d’usure contre l’Algérie, à l’effet d’imposer une sorte de chantage sordide: l’annexion du Sahara occidental ou la guerre éternelle. Une stratégie irréfléchie, mais qui a vraisemblablement le soutien d’une grande capitale, Paris.
Il reste que tout n’est pas encore dit dans le conflit larvé que Rabat cherche à imposer à l’Algérie. Le dernier mot reviendra certainement au pays qui saura faire montre d’un sens élevé de sagesse et de résistance. En cela, l’Algérie n’est pas une novice.

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