Partageant la même langue, la même histoire, la même religion et les mêmes habitudes culturelles, les pays du Maghreb n’arrivent toujours pas à surmonter les dissensions du passé.
Depuis 1995, les activités de l’organisation sont quasiment à l’arrêt. Un blocage qui, depuis cette date, se traduit notamment par un statu quo entre le Maroc et l’Algérie. Deux pays qui représentent à eux seuls 55 % du PIB et 72 % de la population de l’UMA. Un poids considérable, qui explique pourquoi c’est la viabilité même du projet qui est remise en cause. Mis au ban des nations et frappé par un embargo international à partir de 1992 (mesure abrogée en 1999), le régime de Kadhafi s’est aussi progressivement distancié de l’UMA, pas assez «solidaire».
Avec la chute du Guide depuis 2011, la position libyenne vis-à-vis de l’organisation devrait cependant assez logiquement être reconsidérée sous un jour nouveau. Quant à la Tunisie et à la Mauritanie, leur poids relatif négligeable (15 % de la population et 10 % du PIB de l’UMA) n’a pu que les condamner à suivre le mouvement et non à l’initier. Un mouvement qui s’est malheureusement arrêté depuis. Une situation ubuesque, à des années-lumière des bonnes intentions initiales. L’Union du Maghreb arabe, c’est d’abord le royaume de la désunion. Le coût de cette désunion est pourtant lourd, sur tous les plans : énergie, banques, transports, agroalimentaire, éducation, culture ou tourisme. Et les aberrations sont légion, notamment dans le cas du Maroc et de l’Algérie. Ainsi, l’Algérie importe ses Renault Logan de Roumanie, alors même que le constructeur automobile français dispose d’une usine d’assemblage à Tanger (Maroc) produisant le même modèle. D’autres entreprises, prises aussi en otages par cette situation saugrenue, sont pour leur part contraintes de transborder les marchandises via l’Europe pour s’approvisionner entre elles. Il en résulte un allongement des délais de livraison et le renchérissement des coûts de transport. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant d’observer que le commerce entre Etats de l’UMA équivaut à seulement 1,3 % de leurs échanges extérieurs (contre 15 % pour la zone UEMOA en Afrique de l’Ouest et 65 % dans l’Union européenne), le taux régional le plus bas du monde. La direction des études et des prévisions financières de l’Union du Maghreb arabe (UMA) a ainsi calculé que le coût de la non-intégration maghrébine correspond à un manque à gagner annuel de 2,1 milliards de dollars (980 millions hors hydrocarbures). Un état de fait qui faisait dire au quotidien Aujourd’hui le Maroc dans un article daté de 2009 que «…cela s’apparente davantage à une punition collective qu’à des considérations politiques, aujourd’hui dépassées, dans un contexte international de regroupements économiques et politiques puissants».
Une marche à rebours de l’Histoire.
«Une nécessité impérieuse», selon Bouteflika
Dans un message adressé au Roi Mohammed VI, le président de la République a affirmé que la consécration de l’unité du Maghreb arabe «s’impose telle une nécessité impérieuse, au moment où la région fait face à des défis multiples». Le chef de l’Etat a fait cette correspondance au souverain marocain, ainsi qu’à d’autres leaders des pays du Maghreb, à l’occasion du 27e anniversaire de la création de l’Union du Maghreb arabe (UMA). «Je saisis cette heureuse occasion, qui nous permet d’évoquer les aspirations légitimes de nos peuples au recouvrement de leur liberté, de leur indépendance et au renforcement de leur solidarité et de leur cohésion, pour vous réaffirmer le souci profond de l’Algérie et sa ferme détermination à œuvrer de concert avec tous ses pays frères dans la région pour la préservation des acquis de cette réalisation historique», lit-on dans le message adressé au roi du Maroc. «Aussi, sommes-nous appelés à veiller à développer les institutions et structures de l’Union, en procédant à une révision approfondie de son système législatif et mode d’action dans le cadre d’une stratégie maghrébine cohérente et intégrée, à même de cristalliser ce projet civilisationnel qui se définit comme cadre approprié pour la consolidation des relations de coopération que nous devons hisser à des niveaux supérieurs de sécurité et de stabilité dans notre espace régional», a ajouté le président de la République. «La consécration de l’unité du Maghreb arabe apparaît comme une nécessité impérieuse à l’ère des ensembles régionaux et internationaux, dont le nombre ne cesse de croître, mais aussi face aux défis et enjeux majeurs qui se posent à notre région à tous les niveaux, des défis que nous devons relever dans le cadre d’un ensemble fort et unifié pour la réalisation des aspirations de nos peuples à davantage d’intégration, d’unité et de solidarité», a conclu le président Bouteflika.
Un devenir incertain
L’intégration ne se décrète pas, elle se construit dans la durée. Pas à pas, dans un climat de confiance et de responsabilisation de tous les pays membres. C’est bien là le problème. Car aussi longtemps que les locomotives que sont l’Algérie et le Maroc demeureront à l’arrêt, le train maghrébin restera à quai. Complémentaires sur le plan économique, le Maroc pourrait bénéficier des ressources algériennes en gaz et en pétrole, tandis que l’Algérie importerait les produits agroalimentaires (céréales, agrumes, huile d’olive) dont elle a besoin directement du Maroc, et non plus d’Europe comme c’est le cas aujourd’hui. Sans parler de l’effet d’entraînement induit pour l’ensemble du Maghreb. Toujours selon la direction des études et des prévisions financières de l’UMA, les pays membres gagneraient alors deux points supplémentaires de croissance par an, si l’intégration devenait effective. Une intégration future qui ne peut cependant qu’être évoquée au conditionnel dans les présentes circonstances. Mais les développements récents au Maghreb pourraient à terme modifier la donne et infléchir le cours des événements. Reste à savoir dans quel sens. En attendant, les populations continuent de payer l’incapacité de leurs élites à concevoir un projet commun. Dans un monde en mutation, où les nations s’allient de plus en plus pour créer de grands ensembles régionaux (UE, ALENA, ASEAN, MERCOSUR, UEMOA) le Maghreb reste aux abonnés absents. Et l’UMA, loin d’être un seul bloc aux forces convergentes, continue de donner le triste spectacle d’une organisation statique et impuissante, où ses 5 pays membres font cavaliers seuls.
Info Soir le 12 – 05 – 2016
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