par Ghania Oukazi
C’est à l’initiative de l’Algérie, en référence aux recommandations du «Forum d’Oran» sur les questions de paix et de sécurité en Afrique, que le Conseil de sécurité de l’Union africaine a rappelé à l’ordre l’Egypte et le Sénégal.
Le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine a vivement réagi à la fin du mois de mai dernier face à l’attitude de l’Egypte et du Sénégal qui, nous informent des sources diplomatiques, «se sont complètement désolidarisés de la position commune de l’UA au sujet notamment de la question du Sahara occidental et ce, en s’inscrivant en porte-à-faux par rapport aux positions adoptées par l’Organisation continentale et aux directives issues de ses instances auxquelles les Etats membres sont tenus de se conformer. »
Les milieux diplomatiques proches de ces instances nous expliquent que «c’est conformément à la discipline des pays membres s’agissant de l’obligation de défendre les positions validées par l’UA et à l’initiative de l’Algérie ainsi qu’aux recommandations du Forum d’Oran sur les questions de paix et de sécurité en Afrique que le Conseil de sécurité africain (CPS) a eu une réaction musclée face à l’attitude de l’Egypte et du Sénégal (
).»
Nos diplomates nous font savoir qu’ « à Addis-Abeba, le CPS de l’UA a consacré une série de rencontres à l’examen du rôle des trois pays africains (Angola, Egypte et Sénégal) membres non permanents du Conseil de sécurité (A3) dans la promotion et la défense des positions de l’Union africaine et sans surprise la question du Sahara occidental a été au centre des débats». Ils rappellent alors que «d’aucuns peuvent rapidement faire le lien avec la tenue de cette rencontre et le comportement de l’Egypte et du Sénégal, ouvertement désolidarisés de l’Afrique, lors de l’examen de la question du Sahara occidental par le Conseil de sécurité des Nations unies, durant le mois d’avril 2016.» Tout en notant que le mois d’avril dernier a été marqué par la «crise» entre le Maroc et le Secrétariat Général des Nations unies concernant l’expulsion du personnel civil de la Mission des Nations unies pour l’Organisation du référendum au Sahara occidental (MINURSO), l’on nous précise que «l’Egypte et le Sénégal s’étaient singularisés par leur désengagement de la position de l’Union africaine sur la question allant jusqu’à faire obstruction à la demande de l’organisation panafricaine de permettre à son envoyé spécial d’intervenir devant le Conseil de sécurité.»
Le forum d’Oran appelle à une coordination africaine
L’on apprend de nos sources que «c’est surtout pour rectifier ce genre de défaillances au sein du Groupe africain à New York que l’Algérie avait lancé en 2013 le Forum d’Oran sur les questions de paix et de sécurité en Afrique qui sert d’enceinte de coordination et d’harmonisation entre le CPS de l’UA et les trois membres africains du Conseil de sécurité onusien (A3)». Le ministre des Affaires étrangères de l’Angola a déclaré à l’ouverture de la 2ème édition de ce forum en décembre 2014 que «la tenue du séminaire d’Oran est un geste important, une opportunité à saisir pour travailler pour un continent plus stable et relever le défi du développement et de la lutte contre la pauvreté, nous devons partir avec la conviction que plus nous nous rencontrons, plus nous vaincrons.»
Mettant en exergue trois principes cardinaux à savoir « une appropriation des problèmes africains par les Africains eux-mêmes, une meilleure compréhension de la part du reste du monde -notamment des pays occidentaux- et une même voix africaine au Conseil de sécurité des Nations unies, l’Algérie avait noté par la voix de son ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, à ce même rendez-vous que «ce séminaire de haut niveau annuel se veut un espace de concertation, d’échanges et de partage d’expériences au moment où le continent africain est appelé à relever des défis multidimensionnels impactant la paix et la sécurité ». Lors de sa 3ème édition en décembre 2015 à Oran, le Forum avait, soutient-on, discuté de la problématique de la coordination des positions africaines et de la nécessité pour les représentations des Etats membres de l’UA à New York de respecter les décisions édictées par leurs chefs d’Etat et de gouvernement au sein de l’Union africaine et l’Angola, coordinateur du groupe des A3 à New York avait alors, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, réitéré son engagement en faveur de la promotion des positions de l’Union africaine au sein du Conseil de sécurité notamment sur la question du Sahara occidental.
L’Egypte et le Sénégal rappelés à l’ordre
Le Conseil de l’UA a ainsi souligné, selon nos sources, « les conséquences négatives engendrées par le manque de coordination et de cohésion au sein des groupes africains notamment sur le traitement des questions de paix et de sécurité en Afrique et appelle les Etats membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire face à cette situation préjudiciable».
Dans cet esprit, « le CPS a remis les pendules égyptiennes et sénégalaises à l’heure africaine en réaffirmant la nécessité pour les A3 de respecter, protéger et promouvoir dans toutes circonstances les décisions et les positions de l’UA sur toutes les questions de paix et de sécurité en Afrique et les exhorte à redoubler d’efforts et à faire tout ce qui est possible pour renforcer la cohésion et la coordination au sein du A3 et du Conseil de sécurité». C’est ainsi que «l’Union africaine a exprimé son ras-le-bol en exigeant de ses membres des actions concrètes et compte mettre fin aux comportement de certains pays en mettant en place un mécanisme de reddition des comptes par lequel les membres africains élus au Conseil de sécurité devront rendre compte de leurs activités dans le cadre de la défense des positions de l’Union africaine.
«L’affliction de l’Afrique n’en a été que plus grande lorsque d’autres Etats membres du Conseil de sécurité dont un membre permanent, la Russie, soulignaient et défendaient le rôle de l’UA dans le règlement de ce conflit alors que ces deux pays africains «dissidents», tel que les a qualifiés l’ancien président Joaquim Chissano devant le Conseil de sécurité, s’acharnaient à hypothéquer les efforts de l’Union africaine mais également la crédibilité des Nations unies», est-il mentionné dans les milieux diplomatiques.
La réaction «musclée» du CPS de l’UA est, disent-ils, venue «dissiper tout malentendu sur le mandat des Etats africains élus au Conseil en rappelant que les candidatures des Etats africains au Conseil de sécurité sont entérinées et soutenues par l’Union africaine et qu’en vertu du Protocole établissant le CPS, tous les Etats membres de l’Union sont tenus d’accepter et de mettre en œuvre les décisions du Conseil». L’on nous explique que «le ton de la décision du CPS dénonce clairement les positions «souverainistes » d’une minorité de pays membres qui prêchent pour d’autres chapelles».
Guerre diplomatique larvée au sein du bloc africain
Le coup de gueule de l’Union africaine ne s’est pas limité aux membres africains. Il est indiqué, en effet, qu’ «agacé par le double standard appliqué par certains membres du Conseil de sécurité, le CPS a, lors de la rencontre conjointe tenue à New York avec l’organe onusien, souligné la nécessité impérative pour les deux conseils d’ouvrir une discussion sur les questions considérées par certaines parties comme tabous, notamment le Sahara occidental qui constitue pour l’Afrique une question de décolonisation ».
Les diplomates affirment encore que «cette réaction intervient après des mois de négociations entre les deux conseils sur l’ordre du jour des questions à aborder à cette rencontre annuelle de consultations». Toutefois, précisent-ils, «comme fut le cas pour le projet de résolution, certains Etats membres du Conseil dont les dissidents africains se sont opposés à l’inscription des questions du Sahara occidental et de l’exploitation illégale des ressources naturelles à l’agenda des échanges sous prétexte d’un manque d’accord au sein du Conseil de sécurité sur l’inclusion de la question ».
A moins de deux mois de la prochaine session du Sommet de l’Union africaine, les diplomates pensent que «cette déclaration de la Présidence du Conseil de Paix et de Sécurité annonce la couleur en réaffirmant la position de l’Union africaine sur la question du Sahara occidental tout en indiquant à ses partenaires sa volonté de porter toute l’attention requise à son traitement».
Nos sources diplomatiques arrivent à la conclusion que «d’aucuns espèrent que ces démarches fermes de l’Union africaine ne resteront pas lettre morte et que les décisions du prochain Sommet contribueront à mettre fin à la situation de léthargie imposée par les comportements néfastes du Maroc et de ses alliés au sein du Conseil de sécurité, notamment par l’élimination des dissidences au sein du bloc africain qui, tout en portant atteinte à la cohésion et à la solidarité africaine, participent à dépouiller un peuple de ses droits les plus fondamentaux».
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