Décolonisation : le Front Polisario accuse la « Puissance occupante » d’avoir opté pour la confrontation avec la communauté internationale

Comité spécial de la décolonisation, 5e séance – matin
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
COUVERTURE DES RÉUNIONS
Le Comité spécial de la décolonisation a poursuivi ce matin l’examen de la question du Sahara occidental en entendant le représentant du Front Polisario, qui a accusé la « Puissance occupante » d’avoir « choisi l’option de la confrontation avec la communauté internationale, de mettre fin au processus de paix et de pousser la région dans la direction du pire scénario ».
M. Ahmed Boukhari a notamment estimé que la tenue d’un référendum d’autodétermination était la clef du règlement de la situation. « Nous pensions que le Maroc accepterait un tel référendum mais il n’en est rien », a-t-il déclaré.
L’intervention du Front Polisario a été chahutée par un tumulte provoqué par le délégué du Maroc, qui demandait la parole sur une motion d’ordre et accusait le Président du Comité de « ne pas respecter les règles ». 
Le Président du Comité, M. Rafael Darío Ramírez Carreño (Venezuela) a jugé « déplorable pour la diplomatie » le comportement du représentant du Maroc, pays observateur au Comité. Plusieurs membres du Comité ont ensuite salué le discours du représentant du Front Polisario, « représentant du peuple sahraoui ». 
Cette séance faisait suite à deux autres, tenues lundi 13 et mardi 14 juin, durant lesquelles le représentant du Maroc avait demandé avec insistance qu’un Sahraoui élu lors des élections régionales organisées par le Maroc l’an dernier puisse aussi s’exprimer, avant de s’opposer à la prise de parole du représentant du Front Polisario. 
À l’occasion de très vifs échanges entre le représentant du Maroc et le Président du Comité, ce dernier avait rappelé qu’aux termes des résolutions de l’Assemblée générale, le Front Polisario était le représentant du peuple du Sahara occidental.
Ce matin, le Président du Comité spécial a commencé la séance en lisant une note préparée par l’Indonésie et adoptée par consensus en séance privée. Cette note, a-t-il indiqué, a été préparée après un long débat sur « l’incident du 14 juin ». 
La note reprend les différents points de vue sur la question examinée par le Comité. Ces derniers y expriment leur plein soutien au Président du Comité, lequel a le plein contrôle des débats. Compte tenu de l’incident regrettable du 14 juin, découlant de l’irrespect de la procédure par un membre qui ne siège pas au Comité, ce dernier précise que le représentant du Front Polisario est le représentant du Sahara occidental. 
Le Comité est conscient qu’il ne peut aller à l’encontre des décisions de l’Assemblée générale. La différence entre un représentant et un pétitionnaire d’un territoire non autonome est qu’un représentant n’a pas à demander l’autorisation pour prendre la parole. Enfin, les membres du Comité reconnaissent le fait que le Président du Comité n’est pas obligé de respecter la pratique du Président sortant. 
Cette note a été elle-même l’objet d’interventions lors de la séance de ce matin. La Côte d’Ivoire a ainsi demandé si, au sein du Comité, les décisions étaient prises ou non par consensus. Si la réponse est affirmative, l’on ne peut progresser, a dit son représentant, favorable pour laisser M. Boukhari s’exprimer au nom du Front Polisario, mais non au nom du Sahara occidental.
Antigua-et-Barbuda aurait souhaité que la note fût distribuée pour examen avant la présente séance. Le Président a rappelé que la note lue par le Secrétariat était le fruit d’un accord obtenu en séance informelle du Comité. 
L’Équateur, le Chili, Cuba, le Nicaragua, la République arabe syrienne et la Bolivie ont successivement rappelé que, certes, les points de vue de certains États étaient clairement différents de ceux de la majorité du Comité, mais que la note les reflétait et que ces mêmes États, après de longues discussions transparentes et inclusives, en avaient accepté les termes.
À l’origine de la note, l’Indonésie a relevé qu’il n’avait jamais de solution facile ni de position unique quand on traite de la question du Sahara occidental et de la représentation du Front Polisario. L’objectif du document était de refléter la position des différents États membres du Comité, a-t-elle expliqué, avant d’appuyer l’impartialité du Président.
Dans son intervention, M. Boukhari a affirmé que le Sahara occidental présentait des caractéristiques spécifiques qui le rendaient différent des autres territoires à l’ordre du jour du Comité. Il est en effet le seul d’Afrique à l’ordre du jour et est inscrit au programme à la fois de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, qui y a créé une mission dont le seul mandat est de mener à bien un référendum d’autodétermination.
M. Boukhari a également rappelé que le Secrétaire général avait nommé un envoyé spécial, ainsi qu’un représentant spécial sur la question, alors que l’Union africaine avait elle aussi nommé un envoyé spécial, l’ancien Président du Mozambique Joachim Chissano.
M. Boukhari a rappelé que la situation du Sahara occidental avait déjà causé un sanglant conflit de 16 années et a averti que, si la situation devait se prolonger, elle constituerait non seulement un crime international à l’encontre du peuple sahraoui, mais aussi une menace permanente à la paix et la sécurité de la région.
Du fait de ces particularités, le Comité spécial devrait consacrer davantage de temps et d’efforts à la question du Sahara occidental, afin d’assurer la décolonisation complète du territoire, a poursuivi M. Boukhari, qui a réitéré sa demande d’une session spéciale du Comité sur le sujet et de l’envoi d’une mission au Sahara occidental, afin qu’il mette à jour ses informations et analyses, sachant que la dernière visite du Comité spécial dans le territoire date de 1975.
Rappelant ensuite qu’en vertu de l’Article 73 de la Charte des Nations Unies, le Comité devait, en ce qui concerne les territoires non autonomes, travailler d’une part avec la puissance administrante et d’autre part avec les représentants légitimes de ces territoires, M. Boukhari a affirmé que le représentant légitime du peuple sahraoui était le Front Polisario, qui doit donc se voir accorder le statut approprié.
En outre, a-t-il affirmé, pour les Nations Unies, le Maroc n’est pas la puissance administrante. Tout au contraire, aux termes de la résolution 3437 (1979) de l’Assemblée générale, le Maroc est un pays qui occupe illégalement un territoire qui ne lui appartient pas et a y a transféré des milliers de colons afin de faire du peuple sahraoui une minorité. Le droit international, et en particulier les Conventions de Genève, est très clair à cet égard, a-t-il dit. 
De ce fait, « malgré les manœuvres, insultes et intimidations du Maroc, le Comité doit reconnaître que les mesures juridiques, politiques, administratives prises par ce pays au Sahara occidental ne sont ni légitimes ni légales ». « Le Comité a été créé pour mettre fin au colonialisme, pas pour le légitimer », a encore affirmé le représentant du Front Polisario.
M. Boukhari a jugé préoccupants les événements survenus depuis la dernière session régulière du Comité spécial en 2015. L’attaque directe du Maroc contre la personne du Secrétaire général après sa visite en mars au Sahara occidental et sa décision unilatérale du 16 avril d’expulser la composante civile et politique de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) démontrent que la puissance occupante a choisi l’option de la confrontation avec la communauté internationale, de mettre fin au processus de paix et de pousser la région dans la direction du pire scénario », a-t-il ajouté.
Il a encore fait observer que, malgré les demandes du Conseil de sécurité inscrites dans sa résolution 2285 (2016), le personnel de la MINURSO n’est pas retourné au Sahara occidental et que les négociations formelles entre le Maroc et le Front Polisario n’avaient pas repris. Au contraire, a-t-il souligné, il semble que le Maroc ait tenté de transformer vendredi dernier une visite technique des Nations Unies destinée à convaincre le Maroc d’accepter le retour de tout le personnel expulsé en visite touristique. 
Une fois de plus, le Maroc tente de jouer la montre et la communauté internationale ne doit pas tomber dans son jeu, a affirmé M. Boukhari, pour qui le Conseil de sécurité ne doit pas attendre le rapport du Secrétaire général prévu le 31 juillet, mais agir tout de suite. 
Le Conseil de sécurité doit assumer ses responsabilités et éviter un scénario qui jetterait les peuples sahraouis et marocains dans la confrontation. Pour le Front Polisario, la MINURSO est le symbole de l’engagement de la communauté internationale en faveur de la décolonisation du dernier territoire non autonome d’Afrique. La Mission, a-t-il dit, doit donc revenir mais ce retour n’est pas une fin en soi: son objectif doit être la reprise des négociations directes entre les deux parties en vue d’un règlement pacifique du conflit, lequel se trouve dans l’application du principe d’autodétermination.
Enfin, M. Boukhari a attiré l’attention du Comité sur le pillage continu et illégal des ressources naturelles du Sahara occidental, concluant sur la persistance des violations des droits de l’homme du peuple sahraoui, et en premier lieu de son droit à l’autodétermination.
Le délégué de l’Équateur a déclaré avoir entendu avec « beaucoup d’intérêt » le discours du représentant du Front Polisario en tant que « représentant du Sahara occidental ». Il a déploré « les cris et les bruits » proférés durant son intervention, lesquels « n’auraient jamais dû se produire ». 
Il a regretté « la diplomatie élégante et traditionnelle menée d’antan par la délégation qui a fait autant de bruit aujourd’hui ». Il est impensable de se comporter d’une manière aussi incompatible avec les usages en cours au sein des Nations Unies, a-t-il dit. Enfin, il a appuyé l’idée d’une visite du Comité sur place avant de demander à M. Boukhari des précisions sur un référendum d’autodétermination.
Les représentants de Cuba, de la Bolivie et du Venezuela se sont eux aussi félicités du fait que M. Boukhari ait pu s’exprimer. M. Boukhari est le représentant du peuple sahraoui et un interlocuteur valable, a ajouté le délégué du Venezuela, qui a en outre jugé sa position conciliatrice. Il a également dit sa déception devant « l’entreprise de diffamation menée par un État Membre ».
Enfin, M. Boukhari a dénoncé la position « digne de Tartuffe » du Maroc sur la question du référendum d’autodétermination, notant que ce pays avait déclaré de manière unilatérale que le Sahara était marocain, comme l’atteste l’emploi de l’expression de « Sahara marocain » au lieu de « Sahara occidental ».
La prochaine réunion publique du Comité spécial aura lieu lundi 20 juin.

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