Brouille persistante entre la Mauritanie et le Maroc : vers un renversement d’alliances dans la région ?

La région maghrébine est-elle à la veille de changements qui modifieraient, à terme, la situation de statu quo qu’elle connaît depuis des lustres ? Une série de faits, dont les protagonistes sont les responsables de la « petite » Mauritanie, survenus dernièrement, le laissent supposer.

Le premier de ces faits a consisté en la décision des autorités mauritaniennes de remplacer, quasiment au pied levé, le royaume du Maroc, dans l’organisation du prochain sommet de la Ligue des Etats arabes, prévu pour se tenir les 27 et 28 du mois en cours. Une décision que nombre d’observateurs de la scène politique maghrébine ont interprété, précisément, au vu de la rapidité avec laquelle elle a été prise, comme un pied de nez au prétexte – de non réunion des conditions de succès du sommet prévu – avancé par les autorités marocaines à l’appui de leur désistement. 
Ce que ces dernières semblent avoir pleinement compris, qui n’ont pas tardé à réagir. Et ce, par une attitude peu cavalière, dans le sens de contraire aux usages diplomatiques, du premier personnage du royaume : Mohamed VI ayant, en effet, le mois passé, refusé tout simplement de recevoir en audience le ministre mauritanien des Affaires étrangères qui a fait, à deux reprises, le déplacement au Maroc pour lui transmettre une invitation officielle à participer au dit sommet qu’abritera, aux dates sus-indiquées, la capitale de son pays. 
Aussi révélateur de la détérioration continue, depuis quelques mois, des relations entre les deux pays qu’il puisse l’être, cet incident n’explique pas celle-ci pour autant. Pour les mêmes observateurs, cette détérioration a des raisons autrement plus profondes. Qui tiennent, selon eux, à des réajustements en profondeur de la position mauritanienne vis-à-vis de la question sahraouie. a l’initiative de Mohamed Ould Abdelaziz, son président en exercice, la Mauritanie donne l’impression de vouloir sortir de la position de quasi neutralité qu’elle a adoptée depuis qu’elle a officiellement abandonné en 1979, au sortir d’une guerre ruineuse pour son économie, contre le Polisario, toute prétention territoriale sur le Sahara occidental ; une position qui a, faut-il le dire, beaucoup plus servi les desseins colonialistes du Makhzen marocain que la juste et légitime cause du peuple sahraoui. Et c’est là qu’interviennent les autres faits précités annonciateurs des changements à venir sur la scène maghrébine. En décrétant un deuil national de trois jours en Mauritanie à la suite du décès, le 31 mai dernier, du président sahraoui et secrétaire général du Polisario, Mohamed Abdelaziz, le président mauritanien a envoyé au Makhzen marocain et à ses soutiens dans le monde, un message des plus clairs sur la fin de la neutralité factice de son pays dans la question du Sahara occidental. Comme pour enlever tout doute sur le « contenu de ce message » et, partant, sur la réalité du changement qu’il suppose dans la politique extérieure mauritanienne, il a envoyé une forte délégation assister au congrès extraordinaire du Polisario, qui vient de se tenir. 
Faut-il préciser que cette évolution dans la position mauritanienne à l’égard d’un problème des plus sensibles – non pas uniquement pour les parties directement concernées : le Maroc et le Polisario, à savoir, et les pays du voisinage : la Mauritanie et l’Algérie, s’entend, mais également pour toute la zone euro-arabe et ce, au vu du blocage de la construction de l’édifice maghrébin qu’il a entraîné et de la fragilisation de la position arabe d’ensemble qu’un tel blocage a provoqué – ne restera pas sans conséquences sur les alliances existantes dans la région. Tout indique, en effet, que l’on ira sous peu vers un renforcement des relations entre, d’un côté, la Mauritanie de Mohamed Ould Abdelaziz et, de l’autre, l’Algérie et le Polisario. 
Un renforcement qui se fera immanquablement au détriment de la position du Makhzen marocain déjà fortement ébranlé ces derniers mois par une série de revers qu’il a subies ; les plus marquants (de ces revers) ayant été la qualification, par le secrétaire général de l’ONU, de la présence marocaine au Sahara occidental « d’occupation », et la décision, prise en décembre 2015, par la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) d’annuler « l’accord agricole et de pêche » signé en 2012 entre le Maroc et l’Union Européenne. 
Toute la question est aujourd’hui de savoir, non pas quelle position adoptera le Makhzen pour contrecarrer cette évolution dans la position mauritanienne, mais que feront ses soutiens traditionnels pour le tirer de ce mauvais pas. Il serait en effet naïf de penser que la France, surtout, l’entité sioniste et les pétromonarchies du Golfe qui portent à bout de bras, depuis de nombreuses années maintenant tant il est un serviteur docile de leur stratégie d’affaiblissement du monde arabe, le Makhzen marocain, vont rester les bras croisés. 
Il n’est pas à écarter que tous leurs efforts vont porter sur la « petite » Mauritanie. Et ce, pour « l’amener à résipiscence ». Un « scénario » que le président mauritanien a sûrement prévu en s’engageant dans le réajustement de la position de son pays dans l’affaire du Sahara occidental. D’où les pronostics émis par de nombreux observateurs d’un rapprochement plus grand et plus franc, dans les tout prochains jours, entre la Mauritanie et l’Algérie.
Mourad Bendris

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