Sofiane Abi
Depuis sa création en 2011, Daech a su gagner le cœur de plus de 6 000 djihadistes étrangers, dont 1 550 sont de nationalité française. De nombreux chercheurs et experts étrangers ont tenté de savoir quelles sont les motivations qui poussent autant de jeunes des banlieues à rallier les rangs de Daech. C’est le cas des services secrets canadiens qui viennent de publier un compte-rendu sur cette situation menaçante.
Les jeunes djihadistes étrangers rejoignent l’Etat Islamique (EI) pour une impressionnante variété de raisons. Certains se sentent investis d’une mission religieuse, d’autres cherchent l’aventure. Beaucoup sont attirés par l’idéal de « Califat ».
Daech suscite un fort attrait en Europe parmi les jeunes marginalisés issus des banlieues, mais ses tentatives de recrutement sont relativement moins fructueuses aux États-Unis, où les jeunes musulmans sont bien intégrés dans la société.
La recherche sur laquelle se sont penchés les experts occidentaux, tels que les services secrets canadiens, a démontré l’importance des liens sociaux et des relations familiales dans la prévention du recrutement de jeunes Djihadistes par Daech ainsi que la forte corrélation entre le temps passé sur Internet et le soutien de l’extrémisme violent.
Le retour de combattants ayant des histoires de mauvais traitements et de brutalité donne aux gouvernements et aux entreprises médiatiques l’occasion de mettre en vedette des témoignages négatifs sur la vie sur le territoire de l’EI.
Les pays occidentaux, expliquent les experts étrangers sur les questions sécuritaires, doivent mobiliser une « armée de volontaires » pour persuader les jeunes individuellement de résister aux messages de recrutement de l’Etat Islamique.
Daech en Irak et au Levant (EIIL) est tout à la fois une organisation criminelle, un proto-État et une secte apocalyptique ayant des ambitions terroristes mondiales.
Pourquoi s’enrôlent-ils ?
Des dizaines de milliers de volontaires rejoignent ses rangs, attirés par la chance de vivre dans le seul « endroit sur terre où la charia est appliquée et qui est entièrement gouverné par Allah « , ainsi que par les promesses de sexe, de violence et d’argent. Certains s’imaginent qu’ils vont participer à une mission humanitaire, aider les sunnites privés de leurs droits. Beaucoup de ces volontaires étrangers finiront par servir de chair à canon.
Les dirigeants terroristes offrent deux types d’incitations pour encourager la participation : des incitations matérielles, c’est-à-dire la sécurité matérielle, le gîte, le couvert et une rémunération, et des incitations non matérielles, soit des récompenses spirituelles et émotionnelles.
L’EIIL fait de la publicité pour ces mesures incitatives auprès des combattants éventuels, se vantant d’offrir un « djihad cinq étoiles », incluant gratuitement l’hébergement, les « soins de santé du califat », les études des enfants, la prise en charge des orphelins et la possibilité pour ceux qui ne peuvent pas se payer une femme d’acquérir des esclaves sexuelles ou des concubines.
Ainsi, deux Allemands recrutés par l’EIIL, qui ont échappé au groupe et qui ont été traduits en justice à leur retour de Syrie, ont dit qu’ils avaient été recrutés en Allemagne par un « faux prédicateur « qui avait insisté davantage sur la religion que sur la nécessité de participer aux combats.
Il leur avait promis qu’ils « conduiraient les automobiles sport les plus coûteuses et auraient de nombreuses femmes « et qu’ils pourraient quitter quand ils le voudraient.
Aucune de ces affirmations n’était vraie, comme l’ont découvert les recrues allemandes. Il est possible de se faire une idée des autres facteurs qui peuvent attirer les jeunes étrangers en lisant les publications de l’EI, en regardant sa propagande et en suivant ses partisans dans les médias sociaux.
Dans un message de mai 2015 qui encourageait les musulmans partout dans le monde à effectuer la hijrah (migration) vers l’ » État islamique « , Baghdadi a affirmé que les musulmans qui vivent à l’extérieur du territoire contrôlé par l’EI sont « sans abri » et « humiliés », tout en garantissant que les habitants du soi-disant califat vivent « dans la puissance et l’honneur, à l’abri des soucis grâce à la générosité de Dieu seul ».
Les jeunes voient dans l’EI la possibilité de refaire la société et de se réinventer.
Il leur offre une raison d’être et une chance de se poser en héros. Cependant, il y a aussi des djihadistes qui ont dit qu’ils cherchaient à partir à l’aventure et à vivre une vie plus prestigieuse. L’ignorance de l’islam semble rendre les jeunes plus vulnérables.
L’idée de rallier un groupe bouillant d’une indignation vertueuse exerce un attrait indéniable. Certaines personnes désireuses d’aider leur prochain se joignent à des partis politiques, recueillent de l’argent pour diverses causes ou essaient d’accroître la sensibilisation aux injustices partout dans le monde.
Certains risquent leur vie en couvrant des zones de guerre en tant que journalistes ou en soignant les malades s’ils sont médecins. Mais il y a des gens qui sont prêts à tuer des civils dans le cadre de leur guerre sainte contre une oppression subjective, même si toutes les religions traditionnelles l’interdisent.
Certains individus, malheureusement, voient le djihad comme une façon géniale d’exprimer leur mécontentement face à une élite, que cette élite soit réelle ou imaginaire ; que le pouvoir soit entre les mains de monarques totalitaires ou de dirigeants élus démocratiquement.
1 550 français ont rejoint Daech et 11 400 autres surveillés
Beaucoup cherchent à acheter un sentiment de profonde humiliation, tandis que d’autres croient peut-être participer aux préparatifs de la fin des temps.
Les organisations djihadistes satisfont un éventail de « désirs « tellement large qu’il faut adapter les programmes de prévention et de lutte contre la radicalisation aux besoins de chacun. L’EI constitue principalement une menace pour les États voisins ainsi que pour les États faibles dans tout le Moyen-Orient et l’Afrique. Cependant, il ne fait aucun doute qu’il continuera de tenter de commettre des attentats en Occident.
Il existe trois grandes catégories d’auteurs probables d’attentats à l’extérieur de la Syrie et de l’Irak (non seulement en Occident, mais partout dans le monde) : les recrues étrangères qui rentrent des champs de bataille et apportent leur guerre sainte à la maison ; les acteurs autoproclamés ou d’origine intérieure, inspirés par l’EIIL et son idéologie, peut-être sur les réseaux sociaux, ou payés pour agir ; les terroristes entraînés en provenance d’un des bastions de l’EIIL qui commettent un attentat sur ses ordres. Les recrues occidentales représentent la principale menace pour l’Amérique du Nord, du moins pour le moment.
L’EIIL aimerait beaucoup convaincre les musulmans occidentaux d’agir contre leur patrie et y arrive plus facilement en Europe qu’aux États-Unis jusqu’à présent. Une première explication pourrait être que le bassin des jeunes musulmans privés de leurs droits est plus grand en Europe.
Les jeunes musulmans européens se décrivent, souvent à juste titre, comme victimes de préjugés dans le milieu du travail et dans la société en général.
Dans la plus récente enquête de l’Union européenne sur les minorités et la discrimination, un répondant musulman sur trois a indiqué avoir fait l’objet de discrimination, l’incidence étant particulièrement forte chez les musulmans âgés de 16 à 24 ans (les taux globaux de discrimination diminuent avec l’âge). Les musulmans en Europe sont beaucoup plus susceptibles d’être sans emploi et d’être moins bien payés pour le même travail que les Européens « de souche ».
Par conséquent, un nombre disproportionné émigrés musulmans en Europe sont pauvres. Si 10 % des Belges de souche vivent sous le seuil de la pauvreté, cette proportion est de 59 % pour les Turcs et de 56 % pour les Marocains établis en Belgique. Il y a 4,7 millions de musulmans qui vivent en France, dont un grand nombre dans la pauvreté.
D’après les estimations, 1 550 citoyens français sont partis pour la Syrie ou l’Irak et quelque 11 400 citoyens sont inscrits comme islamistes radicaux dans les fichiers de surveillance de la France. Certains individus (…) voient le djihad comme une façon géniale d’exprimer leur mécontentement face à une élite, que cette élite soit réelle ou imaginaire.
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